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  • Manifeste pour une coopération authentique et efficace dans le domaine des droits humains en Turquie

    Alain Navarra-Navassartian & Alexis Krikorian, co-fondateurs de Hyestart Des étudiants de l'université Bogazici manifestent devant un tribunal et demandent la libération de leurs camarades d'université qui sont jugés pour avoir protesté contre la nomination d'un nouveau recteur par le présidentErdogan à Istanbul, en Turquie, le 7 janvier 2021. Sur la bannière, on peut lire : "Défendre l'université n'est pas un crime ! Libérez les détenus !" (Ce texte fait suite à notre texte du 11 novembre 2020 "Nous sommes atterrés mais nous n'abandonnerons pas). Par le présent manifeste, nous souhaitons préciser notre texte du 11 novembre 2020 intitulé « Nous sommes atterrés, mais nous n’abandonnerons pas » que nous avions écrit au lendemain de la défaite arménienne dans la deuxième guerre du Karabagh, guerre qui avait été déclenchée par l’Azerbaïdjan le 27 septembre 2020 avec le soutien plein et entier de la Turquie et dans l’indifférence quasi-générale. Nous maintenons que ce simple fait, qui est à l’origine des combats meurtriers, couplés aux nombreux crimes de guerre de l’Azerbaïdjan, fait que ce dernier a de facto perdu tout droit moral sur le Haut-Karabagh et ses habitants. Seule l’auto-détermination pourra garantir leur sécurité, de même que celle du patrimoine arménien en danger. Au-delà des questions de sécurité énergétique, il est grand temps que la communauté internationale reconnaisse ce fait. La nouvelle administration américaine qui dit vouloir placer sa politique internationale sous le signe des valeurs devrait travailler en ce sens. Pour l’instant, des signaux on ne peut plus contradictoires ont été émis de Washington sur la question du Karabagh. Nous verrons très prochainement, d’ici au 24 avril, si la nouvelle administration est en mesure de restaurer la crédibilité de la politique américaine de prévention des génocides, ou pas. Dans notre texte du 11 novembre 2020, sous le coup de l’émotion, nous annoncions ne plus vouloir nous engager pour les droits humains en Turquie, pas tant qu’un homme ou une femme d’Etat ne décidera d’affronter l’histoire et la culture de la violence de son pays. Rappelons ici que lors de la parade de la victoire organisée à Bakou le 10 décembre 2020 (journée internationale des droits humains !), Erdogan, qui avait précédemment traité le drapeau arménien de « chiffon », a entonné les louages d’Enver Pacha, l’un des architectes du génocide des Arméniens, par ailleurs responsable du massacre de 10000 Arméniens dans cette même ville de Bakou en 1918. Nous en sommes donc très loin. Nous annoncions par ailleurs que nous allions nous concentrer sur l’Arménie et l’Artsakh et leurs besoins, notamment sociaux-économiques selon des modalités à définir. Après mures réflexions, nous annonçons par le présent vouloir maintenir Hyestart telle qu’elle est, tout en ayant la volonté de créer une structure sœur en Arménie afin d’y traiter de questions d’économie solidaire notamment. Nous restons donc engagés pour les droits humains et la démocratie en Turquie et en Arménie, par le truchement de Hyestart. Simplement, et conformément à l’esprit de notre texte du 11 novembre 2020, nous ne coopérerons en Turquie qu’avec des personnes et des organisations qui reconnaissent de manière nette et définitive le génocide des Arméniens, par exemple avec celles et ceux de nos amis kurdes et certains de nos amis turcs qui avaient exprimé leur solidarité au cours de la deuxième guerre du Karabagh. En revanche, et c’est sans doute ce que nous voulions dire dans notre texte du 11 novembre, le « dialogue » et le travail avec celles et ceux qui ne reconnaissent pas la réalité du génocide des Arméniens ou, pire encore, ceux qui auraient des arrière-pensées n’aura tout simplement plus lieu d’être. La période des faux-semblants, qui a pu parfois caractérisée le « dialogue » turco-arménien des années 2000-2020, doit ainsi prendre fin, de notre point de vue. Une nouvelle ère fondée sur l’efficacité et l’authencité doit maintenant s’ouvrir. Nous appliquerons aussi cette règle aux personnes et aux organisations non-turques. En conclusion, nous ne coopérerons en Turquie – c’est un engagement - qu’avec celles et ceux qui s’engagent à œuvrer au démantèlement du racisme d’Etat et à son corolaire, véritable poison pour la démocratie turque et la paix dans la région, le négationnisme d’Etat. Ce sont là, de notre point de vue, les véritables combats à mener. De leur issue dépendra le destin de tous les autres droits humains en Turquie et au-delà.

  • Diaspora arménienne, sentiment d'appartenance, communauté transnationale et action collective

    Alain Navarra-Navassartian Ph-D sociology Ph-D art history « L’appartenance à une diaspora procède d’un sentiment d’affiliation politique, d’une sorte de politisation d’une condition minoritaire, qui ne doit pas être confondue avec le nationalisme ethnique. Elle renvoie à des formes de solidarités déterritorialisées, à une sorte de construction d’un imaginaire national permettant de poursuivre un récit collectif et qui depuis l’indépendance de l’Arménie 1991, clame un recouvrement de l’identité nationale sous de nouvelles recompositions entre la périphérie (diaspora) et le centre (Arménie), donnant lieu à des revendications pour l’accès à la double-nationalité » (M.Hovanessian 2007) La deuxième guerre du Haut-Karabagh (Artsakh) a réveillé, mis en exergue ou questionné le sentiment d’appartenance des Arméniens de la diaspora historique en France. Mais sentiment d’appartenance à quoi ? Pourquoi ? Cet article ne prétend pas épuiser, loin s’en faut, les sujets traités, mais tente de présenter une partie des questionnements mis à jour par le conflit et ses conséquences. On pourrait, tout d’abord, avancer que c’est le « sentiment national » des Arméniens diasporiques qui s’est exprimé. Pas l’identité nationale ou l’appartenance nationale puisque dans ce cas précis le nationalisme est détaché de son attribut territorial. Par contre, le lien entre identité et mémoire, le rapport affectif à la Nation arménienne s’est trouvé amplifié par le conflit, son traitement médiatique, son traitement international ou le sentiment d’être seuls face au reste des puissances. La Nation arménienne est un terme que l’on a retrouvé fréquemment dans les commentaires des internautes ou sur les réseaux, dans les affirmations ou exemples donnés par des activistes de la cause arménienne et exprimé aussi au travers des interventions de certains experts. Mais aussi une Nation comme communauté imaginée (B. Anderson 1998). Ce sentiment national a révélé la nature de la relation que les Arméniens de la diaspora historique française entretiennent avec cette communauté imaginée, son contenu, les contextes et les modalités d’expression. Mais la violence de la guerre (rappelons les milliers de jeunes hommes tués durant le conflit), les réponses politiques pas toujours adéquates des responsables communautaires, les lacunes dans la représentation du groupe au niveau national, entre autres, ont, aussi, laissé apparaître un ensemble de revendications, mises au point ou demandes de réformes qui soulignent comment une identité et un sentiment d’appartenance donnés pour « naturel » sont aussi des arrangements sociaux, objets de débats y compris politiques. Les circonstances et les développements du conflit ont entraîné une évidente solidarité, mais ont également remis en cause la simple appropriation émotionnelle du « sentiment national » ou même de certaines expressions de l’arménité, jugés obsolètes, voire inutiles dans ces conditions. Ce terme de sentiment national, peu usité, parfois décrié mais utilisé ici pour souligner combien « le spectre de la Nation » hante les Arméniens (Englund 1994). Même si la multitude de souvenirs individuels de la diaspora historique sont plus attachés à la Turquie génocidaire qu’à une mémoire collective nationale en territoire de la République d’Arménie. Ce qui ne fait que souligner la complexité de l’articulation entre les différents niveaux de l’appartenance et l’intensité fluctuante de l’identification à la Nation arménienne qui contraste avec la profondeur de son empreinte. Cette guerre a été, aussi, l’occasion de constater comment les Arméniens en diaspora se sont appropriés, ont revisité ou contesté les discours, les évènements ou les symboles mis au point par les instances dirigeantes communautaires. Les questions politiques et sociales ont fait un retour fracassant dans les normes de l’arménité et dans l’expression de cette arménité, jusqu’à remettre en cause les structures existantes. L’extrême connectivité de la diaspora durant la guerre avec l’Arménie a redessiné les liens avec la République d’Arménie. Beaucoup d’Arméniens de la diaspora française avaient peu de contacts réguliers avec l’Arménie, mais la guerre a redéfini le rôle de ce territoire comme ancrage de la communauté, mais aussi le lien social face à ce territoire. Le désir pour une majorité d’individus arméniens de créer des liens de ressources et de supports sur le long terme a été activé ou réactivé par le conflit. Liens qui veulent aller plus loin que l’aide humanitaire ou que des relations autour d’une culture symbolique. La connectivité de la diaspora et la mise en exergue d’une culture du lien sont autant de facteurs qui ont permis de relancer la définition du lien social entre « ici » et « là-bas ». La connectivité exceptionnelle de la diaspora durant le conflit a été soulignée, ce qui a entraîné une réflexion sur un espace transnational arménien, mais existe-t-il vraiment ? Y a-t-il eu, durant ces années, la création de contextes permettant de créer, de développer et de maintenir de multiples relations économiques, sociales ou organisationnelles viables ? Une façon d’être et de participer simultanément à plusieurs univers à la fois ? Si ce n’est pour les émigrés d’Arménie, l’espace transnational reste donc à construire. Si le sentiment d’appartenance à la Nation arménienne est vivace, ce sont encore les lieux ou des évènements symboliques qui sont indissociables de la construction identitaire (Guerin-Pace 2006) elle a, évidemment, une dimension locale (Ararat, mémorial du génocide, etc.). Mais cette appartenance a-t-elle pour autant comme origine le sentiment du partage d’une même réalité ? La compréhension des réalités de l’Arménie ? La guerre a fait prendre conscience de la nécessité de sortir d’une adhésion plus ou moins passive à l’arménité. Reste à constater les effets de ce mouvement. En espérant que le moteur n’en soit pas le paradigme « ensembliste », mais bien la prise de conscience que nous sommes appelés à être acteurs et auteurs de cette appartenance. Au travers des commentaires et des réactions utilisés pour cet article, l’appartenance durant la guerre et même après se vit comme une appartenance à une communauté homogène, unie et qui doit rester telle (la peur du conflit est récurrente) avec un territoire sacralisé d’autant plus qu’il est attaqué (l’Arménie) avec pour les plus âgés, en toile de fond, le drame du génocide et l’impossible retour sur le territoire d’origine (L’Arménie historique). On pourrait avancer que le conflit a renforcé le sentiment d’ethnicité communautaire et que l’expression de cette appartenance reste tributaire de la logique de l’État-nation (L’Arménie), c’est dans la tranche d’âge la plus élevée que l’on retrouve cette approche. Mais il a été aussi souligné, par les plus jeunes, que les caractéristiques d’un mouvement nationaliste peuvent être aussi de définir des objectifs en termes de changements culturels mais aussi politiques au nom de la Nation et de s’engager, pour ce faire, dans des actions collectives et de présenter ainsi tant un défi politique envers les autorités arméniennes qu’un défi culturel envers le système des valeurs dominantes. Ce nationalisme est intrinsèquement porteur d’un élément contestataire. Différents groupes se sont formés pour revendiquer une appartenance fondée, aussi, sur la loyauté envers des normes et des valeurs partagées autre que les valeurs anthropologiquement reconnues comme arméniennes (langue ou religion). Une demande forte, d’une approche contractualiste s’est faite jour, qui permettrait à chacun de participer à la construction de la « Nation ». Se pose donc, de manière aigüe, la mise en place des politiques de l’appartenance et de l’action en direction des diasporas, aussi bien par l’Arménie que par les hautes instances communautaires. CRISE DE LA REPRÉSENTATION La guerre et ses conséquences a aussi entraîné, en diaspora, une crise de la représentation. Il est devenu évident que la dévotion à l’arménité ne pouvait plus tenir lieu de réflexion. La « communauté », terme qui renvoie à un entre-soi social et spatial, a pris conscience d’être une entité dépendante, voire subalterne dans le paysage politique français. Les frontières de la communauté se sont modifiées dans les rapports d’altérité croisés entre les individus, les réactions au conflit et leurs aspirations. Des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour contester le système de représentation du groupe et le système d’autorité mis en place. Système qui précise qui a le droit à la parole, qui représente l’ensemble du groupe arménien et qui affirme les aspirations de l’ensemble du groupe. L’appartenance se donne à la fois comme un produit, mais aussi comme expression assumée par des sujets, elle est devenue une marque significatrice de la volonté personnelle. Les réactions au conflit viennent souligner cette nouvelle donne. Le collectif est un enjeu plus qu’une donnée. La mobilisation de la diaspora française a été importante, mais rapidement s’est posé le problème du travail interne au groupe arménien et l’efficacité externe, tout comme l’absence d’entité sociale. Il s’agissait plus d’un réseau d’individus pris dans des formes de relations réticulaires. Ce qui a été le plus contesté reste le passage de l’action collective à l’action publique. Comment s’est-il opéré ? A - t-il été efficient ? Comment est-il structuré dans le groupe arménien ? Le conflit et ses conséquences tragiques ont amené un grand nombre d’individus arméniens à s’interroger sur la représentation du groupe et sur le leadership, la démocratie au sein de l’organisme communautaire, la relation au pouvoir politique français, les contradictions à l’intérieur du groupe, le rapport à la société globale, la monopolisation des pouvoirs, le dogme du consensus à maintenir, les mécanismes de cooptation ou les contradictions idéologiques et politiques internes. Ce processus prend place, avec pour fond, une prise de conscience qui va à l’encontre de certaines perspectives politistes selon lesquelles le groupe arménien serait un réel groupe de pression dont l’action s’exerce de façon homogène dans la sphère politique nationale. Comme cela a été le cas, il y a quelques années, le questionnement sur le « gouvernement » du groupe arménien, a été de nouveau posé. La communauté arménienne est une organisation socio- politique, c’est-à-dire un réseau d’organismes, d’associations ou d’institutions. Les réactions au conflit ont suscité des débats voire des conflits, en tout cas, la diversité d’intérêts. Mais ce ne sont pas des indicateurs d’un manque de cohérence sociale, mais plutôt, l’indice d’une « communauté politique » et non un simple agrégat de personnes partageant une même origine ethnique. L’obsolescence de la cohérence d’ensemble du groupe arménien a été mise en avant par l’affaiblissement du pouvoir d’influence du groupe arménien, ce qui a entraîné une remise en cause de la légitimité de la représentation du groupe. Dans une conjoncture où l’Etat français n’est plus, pour le groupe arménien, l’état providence mais devrait devenir l’état partenaire. Et cela demandera certainement des changements importants tant structurels que sur la prise de conscience du pouvoir d’agir des individus arméniens hors des cadres traditionnels. Définir une identité particulière, autre que celle de la victime, posséder un statut socio-économique déterminé, avoir une expertise en différents domaines sont des conditions d’accès au processus de la décision publique. La gouvernance du groupe basé sur un fonctionnement de type corporatiste qui a évacué un grand nombre d’Arméniens des débats, pose un réel problème. On pourra toujours mettre en avant la nécessité de l’institutionnalisation du pouvoir d’influence du groupe, cela ne semble plus convenir. Aucun forum de concertation, qui permettrait un ordre négocié, n’a jamais été mis en place, en étant conscient des difficultés qu’il suppose. Trop longtemps, le groupe arménien a considéré la prise de décision dans une situation conflictuelle interne comme un handicap, ce qui a fait oublier que le groupe arménien est hétérogène. Ses membres appartiennent à différentes classes sociales, à différents groupes professionnels, même leur appartenance religieuse n’est pas la même (Apostolique, Catholique, Protestante), ils peuvent être originaires de différentes régions, voire de pays différents, etc. Il y a donc évidemment des différences qui peuvent être source de conflits, mais peu importe. Le conflit, la discussion, le désaccord ne sont pas le signe de l’absence de communauté. Si les gens s’opposent, cela voudrait dire qu’il n’y a pas de cohésion sociale à l’intérieur de la communauté. C’est, à la fois, une conception fausse et apolitique de la communauté ethnique. C’est le meilleur moyen de détourner l’attention des mécanismes en cause dans les relations conflictuelles et de leur rôle dans l’évolution d’un groupe. Il serait plus intéressant de porter l’attention sur l’absence des mécanismes efficaces pour la gestion d’éventuelles divergences, qui répétons-le sont salutaires. Autre danger, mis en évidence par le conflit du Haut-Karabagh, c’est que le pouvoir interne des « élites » du groupe, quand il devient trop pesant ou ne correspond plus aux aspirations du groupe, entraîne un affaiblissement du sentiment collectif et de sa cohérence. Il ne faut pas confondre une solidarité nécessaire en tant de guerre et l’acceptation de l’incapacité de certains organismes du groupe arménien à offrir, encore, des repères aux membres de ce groupe afin qu’ils puissent avoir la capacité à se penser et à se refléter comme société. Mais on sent la nécessité de sortir du mode de l’imposition pour la définition des situations de la réalité, des problèmes, des objectifs et des possibilités d’action. Ne serait-il pas temps de se poser la question de savoir quelles interactions sont possibles pour définir collectivement une orientation ? La posture déterministe a été mise à mal, posture selon laquelle les comportements seraient uniquement régis par des contraintes normatives ou des valeurs immuables. Si l’on considérait que ce sont les individus, en tant qu’acteurs, qui peuvent produire le système et non l’inverse ? Car il y a des contraintes inhérentes au groupe, mais elles ne seraient plus l’équivalent d’un déterminisme abscons. RESSOURCES DISPONIBLES Une autre réalité qui s’est imposée à la diaspora durant et après le conflit, c’est de savoir de quelles ressources elle dispose pour mener à bien les actions qu’elle veut mener et obtenir les contributions des différents publics (institutions, groupes, individus, etc). Le seul sentiment loyaliste n’est plus suffisant sur le long terme. La demande d’objectifs collectifs (autres que les projets humanitaires) est forte. Pour reprendre l’idée développée par Martine Hovanessian, le groupe ethnique est aussi une entreprise sociale qui exige un effort constant de reconstitution. L’appartenance est là, aussi, pour décrire l’identité sociale d’un sujet, elle se réfère au fait que les individus sont situés socialement quelque part, qu’ils appartiennent à des catégories sociales données. Il ne s’agit pas seulement d’appartenance à un groupe ethnique. L’engagement que peut susciter l’appartenance se fait, aujourd’hui, sur un mode plus subjectif et engagé. L’identité ethnique n’est plus le seul mode d’appartenance des jeunes Arméniens de la diaspora, ni de moins jeunes d’ailleurs, son surinvestissement réduit les identités à une seule, ce qui peut entraîner un désir de désaffiliation. Autour de ce concept jouent des valeurs et des devoirs dont on se libère parce que l’on ne se reconnait plus comme composante d’un groupe, parce que l’altérité n’est pas reconnue ou encore parce que la communauté n’est plus une structure qui relie, ou encore parce qu’on y trouve pas, ou plus, un travail de réflexion sur des pratiques tacticiennes ou des stratégies concernant les enjeux essentiels de la communauté, ou bien encore, parce que l’espace social de la communauté n’est pas assez ouvert à de nouvelles expressions. Concevoir et produire de la connaissance autre que les champs habituels du savoir communautaire est aussi une gageure nécessaire pour le groupe arménien. Il semble grand temps de prendre en compte les différentes modalités de déclinaisons des identités diasporiques pour bénéficier de toutes leurs richesses. TERRITOIRE, COMMUNAUTÉ TRANSNATIONALE, DIASPORA La guerre et ses conséquences ont ravivé les tensions vers « le territoire » arménien, avec en miroir un processus de fabrication des États-Nations. Mais cet investissement des diasporiques porte-t-il sur une installation en Arménie, un « retour » en rapport avec un temps qui doit « s’accomplir » ou sur un espace imaginaire fantasmé, à reconstruire à l’échelle internationale ? (Ma Mung. 1994). La question de la localisation de l’identité et du rapport entre identité et lieux est de nouveau posée par la guerre. Les échanges constants sur les réseaux sociaux, les réactions internationales, les actions violentes des nationalistes turcs en France, le sentiment d’injustice ressenti par la communauté, la cruauté des armes utilisées sur des civils ou le silence poli de grandes institutions, entre autres, ont attisé l’attachement à un territoire (l’Arménie) souvent mythifié, mais qui apparaît définitivement comme la « terre d’origine », l’espace physique dans lequel doit se déployer la diaspora sous forme, pour l’instant, d’exterritorialité. La redéfinition des rapports entre diaspora et Arménie, entre centre et périphérie, mais aussi une vision constructiviste de la diaspora ont été au cœur de nombreux échanges. Car les évènements ont vu l’implication active et la tension vers un objectif d’individus qui s’étaient éloignés ou n’avaient jamais participé à la vie communautaire. Si l’écho de la catastrophe initiale (génocide de 1915) était présent dans les commentaires des internautes ou les différentes interventions de la diaspora historique, il s’agissait plus d’exhorter à se projeter dans l’avenir de manière résolument différente. Le système des allégeances traditionnelles a été remis en question, même si l’appel à la « culture arménienne » est constant, on peut noter que cette culture n’est plus envisagée comme seule base pouvant fournir des arguments. La situation de l’individu en diaspora est envisagée comme capable de lier des mondes séparés, individu inséré mais aussi à la périphérie de plusieurs groupes, permettant aux ressources de circuler par son intermédiaire, capable de développer une capacité de commutation entre ici et là-bas, d’alternance, voire de co-présence. De façon timide, voire encore maladroite, la qualité des ressources humaines en diaspora est valorisée par l’Arménie qui comprend que ce sont les savoirs qui constituent les sources de la croissance endogène et que les réseaux socioprofessionnels et socio-techniques de la diaspora sont essentiels. Cette prise de conscience est d’autant plus nécessaire que depuis des années des organismes aussi différents que l’OIM, l’OCDE ou la banque mondiale soulignent l’importance du potentiel de coopération et de développement des diasporas. Reste à mettre en place une réelle politique de partenariat économique avec les diasporas arméniennes et d’en faire des partenaires ou intervenants plus efficaces au travers d’une institutionnalisation du processus. Indépendamment des formes complexes de l’activisme diasporique, peut-on parler d’espace transnational ou l’activité transnationale ne toucherait-elle que les migrants venus d’Arménie ? La notion de transnationalisme renvoie à l’émergence d’un processus social dans lequel les diasporiques établissent des champs sociaux qui transcendent les frontières géographiques, culturelles et politiques. Un espace peut être considéré comme transnational lorsqu’il permet de développer et maintenir de multiples relations économiques, sociales, organisationnelles, religieuses, politiques ou familiales. Les réseaux de sociabilité des personnes vivant dans un espace transnational tissent les mailles denses d’un champ social qui déborde des frontières nationales, une façon d’être de plusieurs univers à la fois qui permet de dépasser le cadre binaire d’analyse qui oppose mobile et sédentaire, migrant et non-migrant, citoyen et non-citoyen. Si l’appartenance se fonde tout autant « sur le lien que sur l’essence » se dirige-t-on pour autant vers un « Etat réseau » (Halay. 1994) avec une structure réticulaire plus que communautaire ? Existe-t-il pour les Arméniens une transnation délocalisée conservant un lien idéologique particulier avec un lieu d’origine ? (Appadurai 2001). Il ne s’agit pas, en tout cas, d’une simple circulation transfrontalière (vacances, visites, séjours courts, etc.) mais d’un rapport d’échanges égalitaires entre un centre localisé (l’Arménie) concentrant les ressources symboliques et les communautés diasporiques. Le transnationalisme n’étant pas uniquement défini par une question de connectivité ou de contexte social, il doit permettre de nouvelles modalités de circulations, notamment des savoirs et des modes opératoires. Il ne s’agit pas de céder à une certaine ingénuité face à ce concept dont la définition varie, mais de s’appuyer sur les notions d’échanges et de pratiques transfrontalières transcendant le cadre national qui conviennent au groupe arménien dans sa volonté de réformes et d’actions en direction de l’Arménie. Si la diaspora doit revoir ses programmes d’aide ou d’investissement en Arménie, il est tout autant nécessaire pour l’Arménie de revoir les modalités d’engagement du pays envers les diasporas. Certains efforts ont été entrepris sur le plan national comme sur le plan international pour amener la diaspora à appuyer le processus de construction nationale. Ces efforts partent des relations sociales et du « patriotisme » des membres de la diaspora pour ensuite tenter de mettre en place des mesures incitatives susceptibles d’encourager la diaspora à participer au renforcement des capacités nationales. Mais aujourd’hui cela n’est plus suffisant. Un véritable programme sur le long terme doit être envisagé, autre que toutes les formes caritatives déjà usées jusqu’à la corde. La médiocrité de l’environnement politique, économique et social a exacerbé la migration, des cerveaux entre autres, mais aussi la défiance de la diaspora. La guerre a souligné une unité, basée plus sur des attitudes émotionnelles que réfléchies mais qui peuvent être un catalyseur à une prise de conscience du « sentiment national ». Le sentiment national des Arméniens de diaspora s’est réveillé avec cette guerre et avec les accords qui ont suivi. Le nationalisme est inscrit dans la structure des sentiments qui lient les diasporiques à l’Arménie. Mais les outils du nationalisme ont toujours été utilisés, de manière erronée, par l’Etat arménien. Fondé essentiellement sur un nationalisme ethnique, cette approche a délibérément laissé de côté le mouvement nationaliste comme mouvement social. Les caractéristiques d’un mouvement nationaliste sont, aussi, de définir des objectifs en termes de changement politique et culturel au nom de la Nation, de s’engager pour ce faire dans une forme d’action collective et de présenter ainsi tant un défi politique envers les autorités qu’un défi culturel envers le système des valeurs dominantes. On peut, alors, comprendre la place assignée aux diasporas par les différents gouvernements arméniens car l’élément nationaliste porté par certains individus diasporiques a toujours été porteur d’un élément contestataire et en opposition avec les arrangements institutionnels existants. L’identité arménienne peut être fondée sur des normes et des valeurs partagées autres que les valeurs anthropologiquement reconnues comme arméniennes. L’approche contractualiste est aussi importante car elle permet à chacun de participer à la construction de la Nation. Les identités nationales ne sont plus ni premières ni unidimensionnelles mais modulables et fluides constamment négociées et renégociées. Il faut savoir créer et développer de réelles politiques de l’appartenance en direction de la diaspora plus riches que la simple appartenance ethnique. Développer l’outil législatif ou fiscal, repenser la citoyenneté, réformes consulaires ou lancer des politiques d’investissement, en tout cas envisager la multiplicité des ancrages et des appartenances comme des possibilités de stratégies d’acteurs différents mais aussi comme le ressort fondamental à partir duquel se construit le transnationalisme. Le nationalisme exacerbé durant la guerre fait partie d’un répertoire culturel qui a servi de pont entre différents groupes sociaux de la diaspora, peu enclin, à communiquer entre eux, en temps ordinaire. Mais cela a permis de créer une mise en mouvement de la diaspora française, notamment, de façon tâtonnante pour le moment. Mais un espace productif intermédiaire émerge avec des valeurs, des normes et des pratiques multiples. La réussite du transnationalisme serait justement le résultat de la rencontre de multiples appartenances, pratiques et dispositions. Reste à savoir ce que nous en ferons et ce qu‘en fera l’état arménien. La guerre et ses conséquences dramatiques, le discours politique français et européen, les manifestations violentes des nationalistes turcs contre les Arméniens de France ont été une onde de choc pour la diaspora arménienne et cela a remis au cœur des débats certains questionnements : l’être en diaspora, les actions à mener envers l’Arménie, comment combiner des appartenances à une identité plus large et les inscrire dans un « universalisme » partout proclamé, comment réagir à une forme de mainmise sur l’espace social communautaire, comment ne pas être les « oublieux » dont parlait Richard Marienstrass et en même temps saisir la complexité des diverses réalités que doit affronter le monde arménien. Sortir des illusions communautaires, des conceptions homogénéisantes qui oublient qu’une communauté n’existe que par sa construction sociale, sortir de la fixité en pensant la diaspora comme anhistorique sans possibles modifications fondamentales de son organisation sont autant d’enjeux d’importance pour la diaspora arménienne de France. Qu’est ce qui fait communauté ? Il paraît évident que ce n’est pas ou plus uniquement le caractère commun, le « Gemeinsamkeit » de Weber, mais plutôt l’activité partagée. Le caractère volontaire de la construction communautaire est plus que jamais affirmé car est remis en question le mode d’intégration organisationnel du groupe, ce qui a des implications sur les possibilités d’innovation ou de changement, non seulement dans la structure du pouvoir communautaire, mais aussi dans la définition des situations et des modes d’action. 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  • Droits humains & culturels: enjeux de la protection de l'héritage culturel arménien du Haut-Karabagh

    Nous savons que l’UNESCO est souvent en quête de consensus politique, dans le cas de la protection du patrimoine culturel arménien du Haut-Karabagh, la tâche sera difficile. Le contexte géopolitique régional, voire mondial, le sentiment anti-Arménien qui prévaut depuis longtemps en Azerbaïdjan, et la guerre ne faciliteront pas la tâche de cette organisation internationale. L’UNESCO réussira-t-elle à lier l’ordre culturel du désintéressement à la question de la paix, sans être victime des conflits d’intérêt ? La nature politique de l’UNESCO peut-elle être dépassée ? Pourra -t-elle se départir des groupes de pression ? Ainsi, dans la continuité de ce que nous avons tenté de faire précédemment, nous voudrions préciser que la défense du patrimoine culturel arménien du Haut-Karabagh est à mettre en rapport avec les droits de l’homme et les droits culturels. Tout en restant le plus proche des textes et des conventions de l’UNESCO. Conventions qui, par le flux sémantique de droit à la culture à droits culturel comme droit des cultures à montrer une volonté de protéger les différentes identités culturelles, notamment celles des cultures minoritaires. Si le droit à la culture et bien pris en compte dans les articles 26 et 27 de la déclaration universel des droits de l’homme de 1948, ce droit est compris comme un droit d’accès à la culture universelle, mais l’expression droit culturel reste plus indéfinie parce qu’elle n’implique pas que la culture dont il est question soit universelle. Un droit culturel peut signifier un droit de choisir une culture, un droit à sa culture ou un droit à la différence culturelle. La déclaration de 1948 ne parle pas d’un droit à la particularité culturelle. Mais le souci des droits de l’homme ne peut plus se contenter d’assurer un droit à la culture car il rencontre la question des droits culturels, de la diversité culturelle ou de la pluralité culturelle. L’UNESCO est à l’évidence le lieu principal ou doit se développer, au plan international, la réflexion sur les droits de l’homme relatifs aux cultures. Le respect de leur diversité a été un souci majeur qui a fait adopter divers textes : La convention de 1972 sur la protection du patrimoine mondial culturel et naturel qui édite en 1989 une recommandation sur la sauvegarde des cultures traditionnelles ; en 2001 la déclaration universelle sur la diversité culturelle et en 2007, la déclaration de Téhéran sur les droits de l’homme et de la diversité culturelle. C’est donc un thème central de cette organisation internationale. Quant à la déclaration de Fribourg de 2007, relative aux droits culturels, elle confirme l’évolution du sens donné aux droits culturels, ces derniers, ne se concevant qu’en lien avec des identités. Au terme de l’article 2a le terme de « culture recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son développement et à son existence. » Il s’agit clairement d’une vision anthropologique dont les arts ne constituent qu’une composante parmi d’autres. La destruction, la haine patrimoniale, la privation de l’usage de certains édifices, la prédation le déni ou l’instrumentalisation du patrimoine arménien du Haut-Karabagh est une volonté d’anéantissement de la mémoire, qui contredirais toutes les initiatives de l’UNESCO. Protéger ce patrimoine, c’est reconnaitre le droit des cultures afin de parachever l’universalisme des droits à la culture et favoriser la diversité culturelle de la région. Il ne s’agit pas de défendre un droit au particularisme mais de souligner la nécessité de tenir compte de l’unité singulière et du caractère de « système » d’une culture particulière. On pourra rétorquer que les droits culturels doivent être conçus indépendamment des identités culturelles afin de ne pas oublier que la culture peut- être conçue de façon autonome sans lien avec un groupe particulier. Mais le droit à la culture suppose de toute façon, la relation et le droit à la communauté au sein de laquelle on a des droits. L’identité culturelle d’un sujet n’est pas construite seulement de l’ensemble des références auxquelles la personne choisit de se référer, elle consiste aussi dans ce qu’elle a été, la culture particulière dans laquelle elle a été formée, une culture propre. Le droit à la culture va de pair avec le droit d’y accéder à partir de la culture dans laquelle on a été formé au départ. La liberté n’est possible et n’advient que dans la condition d’une culture reçue. La protection de l’héritage culturel arménien du Haut-Karabagh, s’inscrit, non seulement, pour ce peuple dans un « droit à » et un « droit de » mais dans la façon dont les individus existent culturellement. Il y a des conditions culturelles de l’existence sans lesquelles des individus ne peuvent plus exister en tant qu’individus, la destruction du patrimoine culturel arménien (comme toute destruction ou endommagement de patrimoine) serait néfaste pour l’exercice des droits de l’homme. Il serait une atteinte grave à la protection du patrimoine en tant que valeur fondamentale revendiquée par nos sociétés (UNESCO, Europa nostra, etc.) qui voient dans le patrimoine un « catalyseur » de l’avenir. D’autre part le respect du patrimoine culturel et sa protection doit être envisagé en tant que construction possible d’un processus de paix.

  • Sanctions droits humains: L'UE doit agir vite pour signaler que l'impunité azérie est révolue

    Alexis Krikorian A la veille de la journée internationale des droits humains, le jour qu'Erdogan a choisi pour entonner les louanges de l'un des auteurs du génocide des Arméniens dans l'indifférence générale, le Conseil européen a adopté une décision et un règlement instituant un « régime mondial de sanctions en matière de droits de l'homme ». Il s’agit pour l’Union européenne, nous dit-on, d’être en capacité de sanctionner les auteurs (personnes, entités et organismes étatiques ou non-étatiques responsables, impliquées ou associées) de «graves violations des droits de l'homme» partout dans le monde. Quelles sont les mesures restrictives prévues ? o interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE s'appliquant aux personnes physiques ; o gel des fonds, tant pour les personnes que pour les entités ; o interdiction aux personnes et entités de l'UE de mettre des fonds, directement ou indirectement, à la disposition des personnes et des entités inscrites sur la liste. Quels sont les actes concernés ? o le génocide ; o les crimes contre l’humanité ; o la torture, l'esclavage, les exécutions extrajudiciaires, les arrestations ou détentions arbitraires ; o les autres violations ou atteintes dans la mesure où elles sont répandues, systématiques ou présentent un autre caractère de gravité particulier au regard des objectifs de la PESC (art 21TUE) : la traite des êtres humains, les atteintes aux droits de l’homme commises par les passeurs de migrants, les violences sexuelles et à caractère sexiste, les violations de la liberté de réunion pacifique et d'association ou atteintes à cette liberté, les violations de la liberté d'opinion et d'expression ou atteintes à cette liberté, les violations de la liberté de religion ou de conviction ou atteintes à cette liberté. Qui établit la liste des sanctions ? Le Conseil européen sur proposition d'un État membre ou du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (J. Borrell). Que retenir ? Plusieurs choses. Tout d’abord, le recours à l’adjectif « graves » dans l’expression « graves violations des droits de l’homme » permet de laisser aux décideurs concernés une marge d’interprétation non-négligeable. Ensuite ce régime de sanction spécifique (relatif aux droits de l’homme), qui s’ajoute à des régimes déjà existants (« pays » comme la Biélorussie ou « armes chimiques », « cyber-attaques » et « terrorisme »), nécessitera comme les autres (contrairement aux propositions initiales cependant) l’unanimité des Etats-membres, ce qui bien-sûr sera un frein à la prise de décision. On le voit avec les sanctions à l'encontre de la Turquie qui sont à l’agenda du Conseil européen depuis des mois sans qu’elles soient jamais adoptées en raison de l’opposition de plusieurs pays, dont l’Allemagne, la Hongrie et l’Italie. Cette unanimité requise devrait donc être abandonnée. Enfin, dans sa forme actuelle, le régime ne couvre pas la corruption. Or, pour un pays comme l'Azerbaïdjan, dont le consortium d'investigation OCCRP a prouvé qu'il dispose d'une caisse noire aux moyens considérables visant à influencer les décideurs européens, il semble évident que ce régime devra être amendé au plus vite afin d'inclure la corruption comme motif de sanctions ciblées tant l'interdépendance est grande entre violations des droits humains et corruption. L'Arménophobie d'Etat en Azerbaidjan et en Turquie On le sait, les plus graves violations des droits humains se produisent en cas de guerre et de conflit. On l’a vu dans la deuxième guerre du Karabagh où des civils arméniens ont été torturés ou exécutés dans un cadre extra-judiciaire dans la plus grande indifférence. Avant-hier, la chaine Telegram azérie « Kolorit_18 » a diffusé une vidéo monstrueuse d’un civil arménien âgé égorgé par ce qui semble être un soldat azéri, bien que le civil supplie de lui épargner la vie dans la langue du bourreau. Le civil est ensuite décapité. La page Twitter WAR RAGE, après avoir analysé cette vidéo, est parvenu à la conclusion que l’un des monstres de la vidéo serait Kamil Zeynali, célèbre blogueur azéri avec plus de 1 million d’abonnés sur Instagram. Le nombre de "likes" accompagnant la vidéo est par ailleurs effrayant et met en exergue que l'arménophobie élevée au rang d'idéologie d'état en Azerbaijan a fait des ravages sur les esprits dans le pays. De manière générale, Human Rights Watch vient de le dénoncer dans un rapport, les prisonniers de guerre arméniens subissent des mauvais traitements, sont soumis à des violences physiques et à des humiliations, dans des actions qui sont filmées et largement diffusées sur les médias sociaux depuis octobre déjà. Le gouvernement azéri a formellement promis de poursuivre tous les crimes que l'on voit sur les nombreuses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Cependant, personne n'est dupe. En tous cas, personne ne devrait l'être : Etant donné le grand nombre de vidéos qui ont été diffusées et le fait que les soldats azéris se sentent suffisamment à l'aise pour montrer de telles horreurs, il est évident que ces crimes sont a minima tolérées par les autorités, si ce n'est plus. On l'a dit, l'arménophobie est élevée au rang de politique d'Etat en Azerbaidjan et ce depuis le plus jeune âge, dans les écoles, etc. Les exemples d'appels au meurtre d'Arméniens sont légion. L'un d'eux a fait un peu parler de lui lorsque Nurlan Ibrahimov, dirigeant du club de foot Qarabag, avait appelé « à tuer tous les Arméniens, jeunes et vieux, sans distinction » , tout en justifiant le génocide arménien de 1915. Il a depuis été banni à vie par l'UEFA. Erdogan dresse les louanges d'un génocidaire et Aliev réclame la moitié de l'Arménie Ajoutons que lors de leur parade de la victoire à Bakou le 10 décembre, Erdogan a dressé les louanges d'Enver Pacha, l'un des architectes du génocide des Arméniens et responsable du massacre de 10000 Arméniens à Bakou en 1918, et qu'Aliev a déclaré que plus de la moitié du territoire de la République d'Arménie devait revenir à l'Azerbaïdjan. Le jour même de la journée internationale des droits de l'homme et sans susciter la moindre condamnation internationale, étatique ou non-étatique! Inscrire des individus et des entités azéris sur la nouvelle liste de sanctions afin de signifier que l'ère de l'impunité est terminée Dans un article publié récemment sur Eurasianet, Ryan O'Farrell, un analyste militaire indépendant qui a suivi de près sur Twitter les sources ouvertes sur ce conflit estime que les crimes montrés sur ces vidéos sont "encouragés" par le commandement militaire, ajoutant même ce qui suit : "Entre le nombre de vidéos, leur fréquence et le nombre de participants, il est impossible de ne pas supposer que l'État azerbaïdjanais a donné son approbation tacite à ces crimes de guerre. Ce ne sont pas des "brebis galeuses". C'est systématique". La France qui se dit « amie de l’Arménie » et J. Borrell (le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité), qui demandait « que faire » (voir à partir de 11:00:23) aux parlementaires européens qui le poussaient à agir quelques jours après le début de l’offensive turco--azérie, pourraient par exemple, s'il se confirmait que c'était bien lui, proposer d’inscrire à la liste des sanctions dans le cadre de ce nouveau régime Kamil Zeynali et le ministère azéri de la défense au titre, par exemple, de « crimes contre l’humanité », de « torture », ou d’« exécutions extrajudiciaires ». De même, la France, tout autre Etat-membre de l'UE et J. Borrell pourraient proposer les plus hauts responsables de l’état azéri au titre des violations répétées et systématiques des libertés de réunion pacifique et d'association et d'expression, dans un pays qui est classé 168ème sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse de RSF. Toute décision étant in fine politique, ces propositions d’inscription sur la liste enverraient enfin un message clair aux autorités azéries que l’ère de l’impunité pour les plus graves violations des droits humains (génocide, crimes contre l’humanité, etc.) est sur le point de prendre fin.

  • Arménie : De la nécessité de nouvelles élections

    & de faire la lumière sur les raisons internes qui ont conduit à la défaite du 10 novembre Alexis Krikorian Pachinyan, qui a été élu en décembre 2018 avec 70% des voix (8 mois seulement après avoir été porté au pouvoir par la rue), mettant ainsi fin à un règne de 18 ans du parti républicain, pourrait en théorie rester au pouvoir jusqu’en 2023 au maximum. Pourtant, la question que l’on peut légitimement se poser après la terrible défaite arménienne au terme de la dernière guerre du Karabagh est simple : peut-il rester au pouvoir ? Si oui, combien de temps ? S’il l’on regarde les raisons pour lesquelles un pouvoir exécutif démissionne – elles varient en fonction des systèmes constitutionnels -, l’on peut les regrouper de la manière suivante : o Raisons techniques ; o Raisons liées à l’impossibilité de faire voter des lois ; o Raisons externes (instabilité, scandale, événements politiques ou économiques internationaux, etc.). Dans le cas de la France et pour en rester aux raisons externes qui nous rapprochent ici du cas arménien, le Président du Conseil Paul Reynaud, en désaccord avec les principaux membres du gouvernement face à la débâcle de 1940, démissionne et est remplacé par le Maréchal Pétain qui signera l’armistice 6 jours plus tard et installera le « Régime de Vichy » 24 jours plus tard, mettant ainsi fin à la Troisième République, elle-même proclamée le 4 septembre 1870, 2 jours seulement après la capitulation de Napoléon III face aux Prussiens à l’issue de la bataille de Sedan. Deux défaites cuisantes ont donc conduit à deux des quatre derniers changements de régime de l’histoire de France. Dans un cas, dans un sens positif avec l’instauration de la Troisième République. Dans un autre, pour le pire avec le régime de Vichy. Alors bien entendu, comparaison n’est pas raison. L’Arménie a son histoire propre et, plus encore, une géographie peu enviable avec deux voisins aux visées panturques qui ne veulent que concourir à sa perte. Sans parler de changement de régime en Arménie (la transition d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire a déjà eu lieu en 2015-2018 et c’est en fait ce changement qui a conduit à la prise de pouvoir par Pachinyan ; voir les nombreux articles de Hyestart sur le sujet) et afin de répondre à la question « Pachinyan peut-il rester au pouvoir ? », il est nécessaire de se poser la question de la source de la légitimité politique en Arménie. Cette dernière varie en fonction des contextes, ou encore des histoires de chaque pays. Mais c’est bien la question de la source de la légitimité politique qui est posée, me semble-t-il, dans le cas présent, à savoir la question des mécanismes à l’œuvre qui permettent le maintien au pouvoir des acteurs politiques en Arménie. A priori, il peut sembler difficile pour celui qui a signé la déclaration tripartite du 10 novembre entre l’Arménie, la Russie et l’Azerbaïdjan, déclaration aux clauses léonines qui consacre la perte de 75% de l’Artsakh (20% des territoires arméniens dans leur ensemble) au profit de l’Azerbaïdjan de rester au pouvoir, alors qu’une classe d’âge entière a été décimée. La domination charismatique, pour reprendre un terme wébérien, qui avait en quelque sorte légitimé sa prise de pouvoir en 2018, s’est complètement évaporée avec la déclaration tripartite du 10 novembre. Au plan symbolique, qu’on apprécie le personnage ou pas, peu importe, il incarne désormais la défaite. A cette domination charismatique s’est substituée, du jour au lendemain, une domination plus traditionnelle, celle de l’hégémon russe. Ainsi, le 2 décembre, Pachinyan a reçu le soutien de Poutine qui a déclaré lors d’une réunion par visioconférence de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) : « Le gouvernement arménien a été obligé de prendre une décision très difficile, mais nécessaire … Ces décisions ont été douloureuses et ont demandé du courage personnel de la part du Premier ministre arménien » ajoutant que « notre tâche est désormais de soutenir le Premier ministre et son équipe pour organiser une vie pacifique » au Karabagh. Plus qu’avant encore sous le règne du parti républicain, le source de la légitimité politique – dans une forme de domination traditionnelle pour poursuivre avec une lecture wébérienne de la légitimité politique - semble appartenir à celui qui défend la politique du Kremlin tant l’Arménie est affaiblie par la défaite du 10 novembre et tant sa sécurité dépend de la seule Russie. Alors qu’il pouvait il y encore peu être qualifié de manière péjorative de « sorosien » (défendant par exemple des valeurs « dégénérées ») par les cercles proches de Moscou, Pachinyan, suffisamment humilié et remis à sa place, peut satisfaire le Kremlin en étant l’homme qui défend et applique méticuleusement la déclaration du 10 novembre si défavorable à l’Arménie et si favorable aux intérêts russes et azéris. Cette source de légitimité de domination traditionnelle, si elle permet le maintien au pouvoir de Pachinyan à court terme, ne devrait normalement pas suffire dans la durée tant le rapport à l’hégémon russe peut apparaitre comme clivant dans la société arménienne (même si tout le monde s’accorde sur la nécessité du parapluie de protection russe dans un environnement plus qu’hostile). On l’a vu, Pachinyan bénéficie d’un mandat au maximum jusqu’en 2023. Et si légitimité et légalité sont intimement liées, la légitimité ne s’y réduit pas. En d’autres termes, si la légitimité électorale est nécessaire, elle ne suffit pas toujours : à partir du moment où des conditions essentielles comme la confiance ou le consentement ne sont plus réunies, il convient de la renouveler et de retourner aux urnes. Pachinyan, qui est devenu d’un seul coup un personnage a-charismatique, ne pourra pas éviter ce retour aux urnes. Après un tel choc systémique, il parait en effet difficile pour celui qui a été porté au pouvoir par la rue en 2018 de ne pas remettre son mandat en jeu tant la source de sa légitimité politique ne peut venir dans la durée que du seul Kremlin. A moyen terme Pachinyan – qui a lui-même indiqué l’horizon juin 2021 - devrait remettre en jeu son mandat et retourner devant le peuple. Il se pourrait qu’il gagne à nouveau. Si tel était le cas, il bénéficierait d’une légitimité renouvelée qui lui permettrait de diriger le pays pour 5 nouvelles années et il aurait ainsi la force nécessaire pour négocier l’accord de paix. Quel que soit le vainqueur, l’Arménie a besoin, à l’issue d’élections libres et régulières, d’un nouveau gouvernement pour sortir de l’ornière et pour négocier dans des conditions les moins mauvaises possibles l’accord de paix avec l’Azerbaïdjan. Car la déclaration tripartite du 10 novembre, signée par l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie, si elle a des éléments qui vont très loin (voir le point 9 sur la construction de nouvelles infrastructures de transport reliant la République autonome du Nakhitchevan aux régions occidentales de l'Azerbaïdjan, point qui touche donc à l’intégrité territoriale même de la République d’Arménie), et qui font penser à un accord de paix, n’en est pas un. Il ne s’agit que d’un accord de cessez-le-feu. Il s’agit maintenant de négocier la paix au mieux avec le peu de cartes qui restent aux mains de l’Arménie. En l’état, Pachinyan est tellement abîmé par cette défaite qu’il ne peut pas être l’homme de cette négociation. A moins de voir son mandat renouvelé lors de nouvelles élections. Un sondage récent en Arménie montre qu’une majorité, certes faible, de la population est favorable à de nouvelles élections. Hyestart, qui a assisté aux deux dernières élections nationales (2017 et 2018) en tant qu’observateur, est d’avis que l’un des enjeux essentiels de ces élections à venir sera de savoir et de s’assurer qu’elles seront libres et régulières. Et ce ne sera pas une mince affaire ! Dans l’attente de ces élections, la question de la formation d’un gouvernement d’union nationale est également posée. Et ce d’autant plus que seize partis d’opposition viennent de donner à Pachinyan un ultimatum lui donnant jusqu’à mardi 8 décembre pour démissionner ou faire face à des manifestations dans tout le pays. Le Président Armen Sarkissian est également favorable à cette solution. Des intellectuels demandent aussi le départ de Pachinyan. L’un des problèmes majeurs de l’Arménie est, à l’évidence, le manque de personnel politique qualifié pour assumer la direction du pays tant l’émigration a été forte depuis l’indépendance de l’Arménie. La défaite, et c’est normal, exacerbe les tensions. Dans ces conditions, il est très difficile de trouver une personne à la fois qualifiée et consensuelle pour assumer la direction du pays, et ce d’autant plus que Pachinyan, bénéficiant d’un mandant de 5 ans et du soutien de Moscou, on l’a vu, ne semble pas vouloir démissionner. Si elle devait avoir lieu, la question des conditions encadrant la formation d’un tel gouvernement d’union nationale dans l’attente d’élections anticipées est à mon sens essentielle : Les éléments les plus nocifs de l’ancien régime seront-ils exclus ? Le parti « Mon Pas » de Pachinyan qui représente encore au moins autant (si ce n’est plus) que les 16 partis d’opposition ayant formulé un ultimatum sera-t-il représenté ? La diaspora (et quelle diaspora ?) sera-t-elle associée ? Le gouvernement d’union nationale s’engage-t-il à organiser des élections libres et régulières dans un délais raisonnable ? S’engage-t-il à faire la lumière, toute la lumière, sur les raisons qui ont conduit à la défaite du 10 novembre ? Une réponse affirmative à ces différentes questions, le cas échéant, m’apparait comme absolument nécessaire. Un mécanisme propre à l’Arménie devrait en effet être mis en place par un gouvernement d’union nationaleou par Pachinyan lui-même en y associant toutes les forces politiques afin de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé du 27 septembre au 10 novembre et sur ce qui a conduit, en interne, à la défaite du 10 novembre. Le peuple arménien, qui a à nouveau été blessé dans sa chaire, doit savoir. On lui doit la vérité. L’une des conditions de la légitimité d’un pouvoir politique, quel qu’il soit, est la confiance qu’on lui accorde. A l’évidence, la confiance avec Pachinyan a été rompue. Il s’agirait de répondre, entre autres (la liste n’est pas exhaustive !), aux zones d’ombres suivantes : o la non-mobilisation générale, o la non-utilisation des Iskender ou autres Mig, o la non-acceptation d’un cessez-le-feu le 20 octobre, o la perte de Chouchi, o les conditions et les acteurs des négociations qui ont mené aux clauses léonines du 10 novembre, o la stratégie de communication de guerre interne et externe du gouvernement, o la non-reconnaissance par l’Arménie de l’Artsakh alors qu’il avait toujours été dit qu’en cas de guerre cette reconnaissance viendrait, etc. Sans doute conviendrait-il par ailleurs d’étendre la temporalité d’un tel mécanisme de vérité aux années qui ont précédé la prise de pouvoir par Pachinyan, tant il est évident qu’on ne peut pas imputer le désastre du 10 novembre au seul Pachinyan. Ce serait trop facile ! Les anciens gouvernements ont une part de responsabilité énorme dans la défaite arménienne. Peut-être conviendrait-il aussi d’étendre le champ de ce mécanisme à la diaspora et aux relations Arménie-Diaspora afin de faire la lumière sur l’impréparation de cette dernière ou du couple Arménie-Diaspora en termes de plaidoyer, de communication, d’investissements dans la défense, etc. Quoi qu’il en soit, un mécanisme qui permettrait de faire cette lumière-là sur les faillites propres à l’Arménie (et à la diaspora) permettrait un tant soit peu de retisser le nécessaire lien de confiance entre le peuple et le pouvoir, condition sine qua non à une Arménie forte en mesure de répondre aux immenses défis économiques, diplomatiques, sociétaux qui l’attendent au lendemain de la défaite du 10 novembre.

  • Protéger le patrimoine culturel et l'héritage culturel arménien du Haut-Karabagh

    Dr. Alain Navarra; Ph.D. art history ; sociology Les biens culturels ne sont pas des biens comme les autres ; ils font partie du patrimoine de l’humanité et en constituent sa richesse. Le conflit du Haut-Karabagh entraîne des risques d’atteinte importants au patrimoine culturel arménien de la région. Nous souhaitons donc attirer l’attention sur le danger, évident, de l’effacement de toutes traces d’un passé et d’une culture millénaire sur ce territoire. Mais bien des éléments de cet héritage culturel doivent être perçus dans la dimension mondiale de ce patrimoine, autant par leurs intérêts historiques que leurs caractéristiques artistiques et les liens qui les relient à d’autres centres artistiques régionaux et internationaux. Il est évident que cela s’inscrit dans un présupposé universaliste, mais celui-ci est la source de la légitimation de la notion de protection du patrimoine mondial. Il s’agit aussi d’une rhétorique de l’urgence. La demande de préservation de ce patrimoine est envisagée comme un combat contre les risques de disparition de lieux devenus vulnérables, en raison du conflit. Elle est aussi justifiée par les craintes que la population et les professionnels (historiens de l’art, archéologues, etc.) sont, légitimement, en droit d’avoir après la destruction systématique du cimetière arménien de khatchkars (croix de pierre) de Djougha menée par le gouvernement azéri de 1998 à 2005, destruction largement documentée. C’est donc à un universalisme des valeurs que nous faisons appel. La préoccupation patrimoniale convoque aussi les valeurs de l’universel, dans un mouvement qui allie la volonté de porter secours et de faire justice aux hommes comme à leur héritage culturel et à leurs œuvres. QUELLE VALEUR POUR LE PATRIMOINE ARMÉNIEN DU HAUT-KARABAGH ? La première réflexion sur le patrimoine culturel arménien porte sur des aspects importants du patrimoine, puisqu’ils sont liés aux droits de l’homme, et promeut une conception plus large du patrimoine et de ses relations avec les communautés humaines et la société. En effet, le patrimoine ne se résume pas à un bien public ; il a même souvent été à l’origine de conflits. De nombreux exemples montrent qu’aujourd’hui comme hier, le patrimoine peut devenir un facteur de division si des groupes l’instrumentalisent pour exprimer des différences. Les « valeurs » sont devenues un vaste sujet de débat dans la société contemporaine. Les valeurs ont une influence sur ce que nous choisissons de protéger ou de conserver et sur la manière dont nous représentons le passé et gérons le présent. La société moderne est confrontée à la difficulté de concilier des points de vue divergents, qui accordent au patrimoine une valeur esthétique, historique, communautaire ou encore économique. Dans le cas du patrimoine arménien du Haut-Karabagh, beaucoup d’édifices, y compris religieux, sont utilisés, il ne s’agit donc pas d’un patrimoine uniquement lié au passé ; il faut l’inscrire résolument dans le présent et dans l’avenir. Un patrimoine isolé du flot de la vie pourrait avoir une valeur limitée, ce qui n’est pas le cas ici. Il s’agit donc en protégeant cet héritage culturel, d’être dans la vision du conseil européen et de l’UNESCO qui envisage le patrimoine comme une notion, comme un ensemble de processus et comme une dynamique qui aide à mieux préparer l’avenir. Nous pourrions nous attacher uniquement aux buts de la convention de l’UNESCO de 1972 sur la valeur exceptionnelle d’éléments majeurs de ce patrimoine, mais c’est à une définition holistique du patrimoine culturel que nous ferons appel pour attirer l’attention sur ce territoire. Cette approche veut retenir l’attention de l’ensemble des acteurs de la protection du patrimoine mondial sur le lien existant entre conservation de ce patrimoine et droit pour tous de se reconnaitre dans un ou plusieurs patrimoines et au droit de participer à la vie culturelle au sens de la déclaration universelle des droits de l’homme. Si des destructions importantes advenaient, la population arménienne du Haut-Karabagh ne serait plus dans la possibilité d’avoir accès à ces droits. Nous nous référons ici, à la convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. D’autre part la destruction de certains éléments du bâti, ancien comme moderne, aurait des conséquences sociales et économiques sur la population arménienne du territoire. Le tourisme, par exemple, source importante de l’économie locale, en serait impacté. Ainsi outre la valeur intrinsèque du patrimoine, d’autres valeurs seraient impactées : · valeur institutionnelle (valeur en tant que centre et catalyseur de l’action locale pouvant renforcer les liens et faciliter des fonctions sociales plus larges); · valeur instrumentale (comme élément contribuant à tel ou tel autre objectif social, par exemple comme moyen de dispenser une éducation générale); · valeur économique (comme un atout qui, lorsqu’il est utilisé durablement, peut produire des recettes financières à la population en général, comme le tourisme). On pourrait également ajouter que : « Le patrimoine culturel constitue un ensemble de ressources héritées du passé que des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ». Nous ajouterons que la protection du patrimoine culturel arménien, peut être une source de dialogue, même si ce n’est pas de façon immédiate, entre les deux parties, une amorce de dialogue interculturel et peut être envisagé comme un outil de prévention des conflits (déclaration d’Opatja de 2003, du conseil de l’Europe). Le patrimoine culturel porte les traces de l’histoire souvent troublée de la région, les appels sans cesse répétés, des différentes instances mondiales pour retrouver la paix dans la région, peuvent donc trouver matière à aller au-delà des simples mots, en intervenant dans ce dossier. En soulignant l’existence d’une responsabilité partagée envers le patrimoine du territoire. L’Azerbaïdjan a montré un grand intérêt pour le travail de l’UNESCO et devrait saisir toute l’importance de ce concept. Des mécanismes qui sont au cœur des politiques onusiennes et européennes : La conciliation des valeurs contradictoires et le respect du patrimoine d’autrui. Les politiques du patrimoine visent depuis une dizaine d’années à concilier des valeurs contradictoires et en ce sens, elles s’apparentent aux politiques de promotion du dialogue interculturel. Nous entendons par là, la promotion d’un dialogue démocratique entre des communautés culturelles différentes. Nous ne doutons pas que cet argument, souvent répété, sera mis en avant pour une mise en place efficiente du processus de protection du patrimoine culturel arménien du Haut-Karabagh. Nous savons bien la difficulté de concilier les intentions, les aspirations et le domaine des jeux de pouvoir et des mécanismes de contrôle. Mais dans un temps ou l’état de droit est mis en avant et devient un critère de l’idéologie contemporaine de la démocratie, nous espérons que l’ensemble des acteurs de la protection du patrimoine mondial saisira l’importance de faire respecter la sécurité du patrimoine des « autres ». PATRIMOINE UNIVERSEL OU PARTICULIER ? Nous appelons à considérer cet héritage culturel comme universel. La notion d’appartenance à l’humanité proposée par Kant et les droits et responsabilités qui en découlent impliquent que toute personne devrait, pour être un citoyen à part entière, avoir le droit d’accéder à l’ensemble des connaissances accumulées par les hommes et de connaitre les grandes réalisations de l’humanité à travers les âges. Le patrimoine culturel est une métaphore. Il désigne les biens hérités du passé et porteurs d’une valeur publiquement reconnue qui doivent être préservés pour les futures générations afin qu’elles puissent à leur tour en hériter. La préservation d’éléments matériels et conceptuels à l’intention des futures générations comporte, dans une certaine mesure, le devoir de mettre également ces éléments à la disposition des générations actuelles. C’est en cela aussi que le patrimoine culturel arménien du Haut-Karabagh est un enjeu important. De la plus haute antiquité en passant par les églises des premiers temps de la Chrétienté, dont certains sont d’un intérêt majeur pour l’histoire de l’architecture et des idées, ces monuments font partie d’un corpus d’éléments partagés par d’autres civilisations et soulignent un minimum de points communs fondamentaux à caractère civilisateur. La convention de l’UNESCO de 1970 (sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels) introduisait la notion de civilisation humaine et le texte tentait d’établir des points communs universels : « Les biens culturels sont un des éléments fondamentaux de la civilisation et de la culture des peuples, et ils ne prennent leur valeur réelle que si leur origine, leur histoire et leur environnement sont connus avec la plus grande précision ». Dans de nombreux documents ultérieurs de l’UNESCO, y compris la convention de 2001 (sur la protection du patrimoine culturel subaquatique), le patrimoine culturel est considéré comme patrimoine de l’humanité tout entière. C’est aussi un patrimoine commun en matière des droits de l’homme, de démocratie et d’état de droit. C’est pourquoi nous espérons que tout sera mis en œuvre pour éviter les destructions et autres menaces qui pèsent sur le patrimoine culturel arménien. Les menaces qui pèsent sur ce patrimoine sont de trois ordres Le patrimoine est en train de changer de statut : reflet des désordres et des violences de ce conflit. Le patrimoine est devenu une cible et une arme de guerre. Trois menaces pèsent donc sur le patrimoine arménien : La haine patrimoniale Qui intervient souvent, comme on le sait, dans le cas des guerres non internationales. Le risque d’épuration de l’espace public des symboles de la culture de « l’autre » est dans ce cas réel, le bombardement puis les tags sur les murs de la cathédrale de Chouchi en sont le parfait exemple. La haine patrimoniale est, dans ce cas, particulièrement à craindre puisqu’elle procède d’un refus d’admettre l’historicité des choses, des gens et des communautés sur ce territoire. Nous citons de nouveau la destruction du cimetière de Djougha, par les autorités azéries de 1998 à 2005. La privation, la prédation et le déni La privation serait d’empêcher l’usage de certaines églises par exemple, ce serait donc couper le groupe arménien de son histoire, de ses biens, qu’ils soient matériels ou immatériels. Le patrimoine entendu au sens de l’identité culturelle serait d’autant plus en danger. Il y a aussi le risque de mutilation (dégradation ou destruction des inscriptions arméniennes sur les églises, les stèles, etc.). L’instrumentalisation patrimoniale A savoir la manipulation politique du patrimoine. Tout un corpus de textes ayant été déjà édité par l’Azerbaïdjan pour souligner l’appartenance de certains monuments à l’histoire azérie. C’est donc ici, le rapport de la mémoire à l’histoire qui est souligné. Ainsi que les usages et les mésusages politiques de l’histoire. La reconversion du patrimoine qui est le support du refoulé historique. RÉPONSE INTERNATIONALE AUX DANGERS MENACANT L’HÉRITAGE CULTUREL ARMÉNIEN DU HAUT-KARABAGH Trop souvent, face au pire, le discours tient lieu d’action. Pourtant, la communauté internationale n’est pas condamnée à l’impuissance. Des membres de ce groupe, sont intervenus au cours d’actions de l’ICCROM ou de l’ICOMOS et nous avons pu constater que la définition du patrimoine culturel juridiquement protégé, tant matériel qu’immatériel, s’est trouvée enrichie par l’important développement normatif qu’ont connu ces dernières décennies, notamment celui mené au sein du système onusien, même si parfois ses contours précis relèvent encore partiellement de la libre appréciation des états. C’est pourquoi, nous exprimons ici, notre inquiétude. Le cas du territoire du Haut-Karabagh, état non reconnu, nécessite l’appréhension des obligations de protection du patrimoine sur une palette d’instruments plus variés que ceux régissant la seule conduite des hostilités. La situation du territoire du Haut-Karabagh peut être considérée comme étant issue d’un conflit armé de caractère non-international. Et l’occupation militaire qui en découle et qui semble durable, entrainera de profondes modifications du tissu économique et social des sociétés concernées, des modes de vie et des comportements. Autant d’éléments qui pourront porter atteinte à l’identité culturelle des individus. Le conflit ayant été également considéré comme un conflit interne par l’Azerbaïdjan, et ayant présenté un caractère ethnique, culturel et religieux, il est à craindre que cela soit un facteur de fragilisation des biens, mais également, des expressions culturelles et spirituelles qui leur sont attachées. Nous voudrions attirer l’attention de l’ensemble des acteurs de la protection du patrimoine culturel et de l’héritage culturel sur le danger de changement d’affectation d’éléments du patrimoine culturel arménien du Haut-Karabagh. Ceci ayant été avéré en Azerbaïdjan. Nous savons qu’il n’y a pas de normes interdisant expressément de tels agissements. Même si on pourrait déduire une telle interdiction de certaines dispositions du droit des conflits armés relatives aux situations d’occupation militaire. Mais ce qu’il est important de souligner, pour nous qui officions dans le cadre de la culture et du patrimoine, c’est qu’un changement d’affectation est susceptible de détruire des éléments intangibles ou immatériel de ce patrimoine, tels que les connaissances et l’histoire qui sont liées à ces biens et qui leur confèrent un sens et une valeur. (Article 52§2 du règlement de 1907, ainsi que les articles 4§3 et 5 de la convention de 1954. Ainsi que le deuxième protocole de la convention de la Haye). Mais une autre fonction serait mise en danger, celle de la libre participation du groupe arménien aux manifestations de ce patrimoine. Éradiquer un monument ou empêcher l’accès aux lieux où s’exprime ce patrimoine doit être pris en compte. Il s’agit bien d’une atteinte dont le corps de droit pourrait être cherché dans les normes relatives à la protection des droits de l’homme. Nous voudrions donc souligner que la connexion entre patrimoine culturel matériel et biens culturels a été mise en lumière par les différentes conventions onusiennes et la notion de patrimoine de l’humanité ne se limite plus à une liste d’excellences, de sites ou de monuments exceptionnels répartis sur toute la planète, définis par des limites topographiques, culturelles et chronologiques précises, à la valeur universelle, mais elle comprend aussi « les usages, les représentations, les expressions, les connaissances, tout comme les instruments, les objets, les artefacts et les espaces culturels qui leur sont associés ». Ainsi nous demandons à l’ensemble des acteurs de la défense du patrimoine culturel de prendre en compte cette réflexion menée depuis un certain temps par les différents organismes internationaux, afin de mieux comprendre les dangers qu’encourent l’héritage culturel arménien du Haut-Karabagh. Dans ce nouveau sens élargi du patrimoine, l’attention ne doit pas se concentrer sur la destruction des « excellences » mais elle doit prendre en compte la défense des cultures différentes et la protection de la diversité culturelle. Notre crainte étant qu’il y ait un choix délibéré de détruire des édifices historiques ou religieux, qui pourrait être envisagé, alors, comme un désir de nettoyage ethnique de la région. Le but des destructions serait alors d’éliminer les traces culturelles, sociales et religieuses qui marquent la présence de la communauté arménienne sur ce territoire. L’exemple du cimetière de Djougha hante encore les mémoires. PATRIMOINE CULTUREL ET DROITS DE L’HOMME La question du patrimoine culturel arménien du Haut-Karabagh questionne le rapprochement entre patrimoine culturel et droits de l’homme, les concepts d’universalité et de globalité. Toute destruction de site reconnu comme patrimoine culturel est finalement une atteinte à la mémoire collective. Le rapprochement entre patrimoine culturel et droits de l’homme apparait comme très significatif dans la résolution sur les droits de l’homme adoptée par le parlement européen en mars 2015 : « Le Parlement européen rappelle que dans le cadre de l’universalité des droits de l’homme, et sur la base des conventions de l’UNESCO, la diversité culturelle et l’héritage culturel font partie du patrimoine mondial et que la communauté internationale a le devoir de coopérer afin d’assurer leur protection et leur valorisation ; considère que les formes intentionnelles de destruction du patrimoine culturel et artistique, telles qu’elles se déroulent actuellement en Syrie et en Iraq, devraient être poursuivies en tant que crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Mais nous savons la faible valeur contraignante de telles conventions. Il serait donc important, dans le cas présent comme il l’a été dans d’autres cas (Tombouctou, Mali), de mettre l’accent sur les principes fondamentaux de l’individu, à savoir l’interdiction des discriminations, la liberté de religion et d’expression ce que la convention de l’UNESCO de 2003, souligne en faisant explicitement référence à la déclaration universelle de 1948 et aux pactes des Nations Unies sur les droits civiques et politiques et sur les droits économiques et sociaux de 1966 (voir également le convention UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles). Quant à l’Union Européenne, elle peut intervenir dans le cadre diplomatique des missions de paix qui ont en leur sein, depuis 2017, un expert dans le domaine du patrimoine culturel. L’intervention du représentant permanent de la France lors de la conférence internationale de Genève, en avril 2019, lors de l’anniversaire du deuxième protocole de 1999 à la convention de la Haye de 1954, est assez importante pour en souligner le passage où il est dit que la protection du patrimoine est un enjeu de civilisation, un enjeu éthique, qui nous rassemble dans la diversité de nos appartenances. « Croire que la modernité peut se fonder sur l’oubli est une imposture dangereuse ». Nous attirons, donc, l’attention sur le fait, que les destructions culturelles précèdent souvent les violences faites aux hommes et que tout acte de vandalisme doit être poursuivi afin d’envoyer un « signal » et d’avertir qu’aucune autre violence ne peut être tolérée. Les violences contre le patrimoine empruntent les mêmes voies que les violences contre les êtres humains. Le défi de l’application de l’arsenal juridique est bien en question, encore une fois. La destruction du patrimoine irakien et syrien était une interpellation importante, la réponse ne fut pas convaincante. Pour que la conception universaliste puisse encore prévaloir, il faut des signes fort, sinon c’est la remise en cause de l’édifice humaniste occidental qui est en jeu. PATRIMOINE RELIGIEUX Le rôle de la religion comme facteur aggravant de conflits ou de tensions n’est plus à démontrer. Il faut, de suite, souligner que l’origine de ce conflit ne réside absolument pas dans le fait religieux. Mais avec le temps il est devenu, aussi, un affrontement identitaire et dans ce cas les monuments religieux deviennent des cibles privilégiées, en tant que symboles de la culture de « l’autre ». Des dégradations et des atteintes à ce patrimoine culturel spécifique ont déjà été documentées sur le territoire du Haut-Karabagh. La protection du patrimoine religieux, comme du patrimoine culturel en général, peut devenir un élément intrinsèque du processus de construction de la paix. Nous nous référons à un ensemble de textes et de conventions onusiennes, mais aussi aux diverses conventions de l’ICCROM ou de l’ICOMOS : « La question de l’importance et de l’urgence de la poursuite de la mise en œuvre d’initiatives conjointes en matière de protection du patrimoine religieux et sacré, en exploitant efficacement les possibilités des programmes existants dans le cadre de l’UNESCO, de l’ICCROM, de l’ICOMOS, de l’UICN et d’autres organisations et institutions internationales pertinentes a également été posée par les autorités ukrainiennes durant la réunion du groupe de travail ouvert chargé de réfléchir à l’avenir de la Convention du patrimoine mondial (34ème session du Comité du patrimoine mondial, Brasilia, 2010). Cette question a été considérée par les États parties à la Convention de 1972 comme un thème émergent et il a été convenu que les résultats du séminaire de Kiev fourniraient la plate-forme permettant de lancer les débats et les consultations à ce propos ». Dans le même esprit : « Dans la plupart des pays du monde, les biens religieux et sacrés représentent peut-être la catégorie de biens la plus nombreuse. Selon l’ICCROM, le patrimoine religieux vivant présente des caractéristiques qui le distinguent des autres formes de patrimoine. Les sites sacrés, que le programme MAB de l’UNESCO désigne comme « de fait les plus anciennes zones protégées de la planète », « sont d’une importance vitale pour sauvegarder la diversité culturelle et biologique à l’intention des générations actuelles et futures. Ce patrimoine assure aux populations un sentiment d’identité. Collectivement, les biens religieux et sacrés recouvrent une grande diversité culturelle et naturelle et chacun d’entre eux peut manifester individuellement l’esprit d’un lieu particulier ». « Une nouvelle signification et une dimension d’histoire contemporaine pourraient être conférées aux lieux, monuments et sites possédant une signification religieuse et spirituelle, qui ne devraient plus être considérés seulement comme des sites culturels, religieux, sacrés ou saints, mais également comme des lieux d’éducation pour renforcer le respect, la connaissance et la compréhension mutuels de ce patrimoine culturel de la part de toutes les communautés ». Quel que soit le statut d’un groupe et dans ce cas, celui des Arméniens du Haut-Karabagh, il ne peut envisager d’avenir stable tant qu’il ne peut pas vivre et exprimer sans crainte son identité culturelle. Transformer les symboles des différentes identités régionales en outils pour créer un futur dialogue entre de communautés divisées est, très certainement, un des buts de la protection du patrimoine culturel. Il n’y a jamais eu, dès le début du conflit, une mise en place d’un processus de paix, mais juste une gestion du conflit. Le patrimoine culturel est souvent un enjeu géopolitique, mais nous ne devons pas oublier que la fonction symbolique du bâti religieux arménien du Haut-Karabagh s’inscrit aussi dans des fonctions sociétales. Ce patrimoine est du présent social. CONCLUSION Le conflit du Haut-Karabagh entraine certainement une réflexion sur le rôle du patrimoine culturel, de sa protection et des orientations nécessaires à l’efficience des mesures prises pour sa sauvegarde. Tout d’abord quid des territoires qui ne sont pas reconnus et qui ne sont donc membres d’aucune convention comme c’est le cas pour le Haut-Karabagh ? Les organisations gouvernementales et intergouvernementales ne peuvent travailler qu‘avec les autorités du patrimoine d’un état reconnu. Les parties non étatiques dans un conflit souffrent donc d’un manque de soutien de patrimoine ou de l’aide de nombreux établissements du patrimoine. Quel statut leur accorder pour qu’ils puissent rejoindre les conventions internationales ? L’appel du professeur Fabio Maniscalco (alors directeur de l’observatoire international pour la protection du patrimoine culturel) pour la protection du patrimoine culturel palestinien allait dans le sens de faire bénéficier aux autorités d’un état encore non reconnu de l’ensemble des instruments internationaux de protection du patrimoine culturel : « Je, soussigné, le prof. Dott Fabio Maniscalco Considérant que : - La Palestine n'est pas reconnue en tant qu'état, aussi elle ne peut pas ratifier des traités; - Bien qu'Israël ait signé la Convention de La Haye en 1957, il n'est pas obligé de respecter ses dispositions parce que l'Autorité Palestinienne ne l'a pas ratifiée #...# - Prie l'Autorité Palestinienne#...# - de promulguer des lois nationales concernant la sauvegarde, la conservation et la restauration du patrimoine culturel, plus adéquates aux impératifs accrus de la Palestine - de présenter une pétition à l'UNESCO pour obtenir l'"autorisation" de ratifier la convention de La Haye de 1954 et ses protocoles additionnels de 1954 et de 1999 Prie le Gouvernement d’Israël - de sensibiliser l'opinion publique au respect de leur identité culturelle et historique et celle des autres et d’adopter toute mesure utile pour observer les dispositions de Convention de La Haye de 1954 sur son territoire et dans les Territoires palestiniens; - de soutenir la possible demande de l'Autorité Palestinienne auprès de l'UNESCO pour ratifier la Convention de La Haye de 1954. Prie l’Unesco et tous les Etats Hautes Parties contractantes de la Convention pour la Protection des Biens Culturels en Cas de Conflit Armé (La Haye, 14 Mai 1954) - Au cas où l'Autorité Palestinienne présenterait une pétition à l'UNESCO pour ratifier la Convention de La Haye de 1954 - de l’accepter et de favoriser sa mise en oeuvre dans les Territoires palestiniens. #...# » . Cet appel fut ignoré car l’état est encore la base juridique première. Mais nous ne pouvons pas, d’un côté, appeler à un renforcement mutuel entre la protection des patrimoines culturels et des droits humains et, de l’autre, tolérer un usage croissant du droit international comme cadre de la violence. Le patrimoine culturel arménien de cette région possède un statut particulier, il reflète, en même temps, des valeurs de la communauté, la créativité, le lien intergénérationel, le sentiment d’appartenance mais aussi la diversité culturelle présente dans la région. Notre démarche s’inscrit dans la confiance suscitée par les initiatives internationales actuelles vers une protection, non pas per se, du patrimoine culturel, mais en raison de sa valeur pour les peuples, les minorités, les groupes ou les communautés. Soulignant ainsi que les intérêts des entités infra-étatiques sont prises en compte. RECOMMANDATIONS: Par conséquent nous recommandons : Aux autorités de Stepanakert de promulguer des lois nationales concernant la sauvegarde et la conservation du patrimoine arménien du Haut-Karabagh ne se trouvant de facto plus sous son contrôle; Aux autorités de Stepanakert de présenter une pétition à l'UNESCO pour obtenir l'autorisation expresse de ratifier la Convention de la Haye de 1954 et ses protocoles additionnels; Aux autorités arméniennes et aux co-présidents du groupe de Minsk, notamment la France, de soutenir Stepanakert dans ses démarches auprès de l'UNESCO.

  • Pétition - Les Arméniens du Haut-Karabagh ont le droit à la vie et à l’autodétermination

    Via le comité Suisse - Karabagh Pour soutenir le droit à l’autodétermination des Arméniens du Haut-Karabagh, nous vous invitons à signer la pétition suivante adressée au Conseil fédéral et à l'Assemblée fédérale de la Confédération suisse (texte reproduit ci-dessous) : https://www.change.org/RecognizeNagornoKarabakh Les soussigné.e.s demandent au Conseil fédéral et à l’Assemblée fédérale de la Confédération Suisse de: Reconnaître le droit l'autodétermination des Arméniens du Haut-Karabagh comme seule possibilité garantissant leur sécurité et leur droit à la vie sur leur terre ancestrale. Sanctionner économiquement et diplomatiquement l’Azerbaïdjan pour ses crimes de guerre contre le Haut-Karabagh et son peuple. Déployer immédiatement une aide humanitaire conséquente en faveur de la population civile du Haut-Karabagh. Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan a ouvert les hostilités contre les Arméniens du Haut-Karabagh par une attaque puissante et coordonnée sur l’ensemble de la ligne de front. L’agression a été menée avec le soutien logistique, tactique et opérationnel de l’armée turque. Le 9 novembre 2020, l’Arménie a dû signer un accord de cessez-le-feu à des conditions défavorables qui passent sous silence les questions relatives au statut futur du Haut-Karabagh. Plus de la moitié de la population du Haut-Karabagh a fui les bombes et les massacres dont elle savait qu’ils auraient été inéluctables si les Arméniens du Haut-Karabagh avaient dû perdre. L’association internationale des spécialistes de génocide (IAGS), qui fait autorité dans son domaine, avait émis une alerte génocide sur la population du Haut-Karabagh fin octobre. Les crimes de guerre de l’Azerbaïdjan (utilisation de bombes à sous-munitions et de munitions incendiaires au phosphore, décapitations, exécutions sommaires de prisonniers, recours à des mercenaires djihadistes syriens) ont par ailleurs été largement documentés. L’Azerbaïdjan a ainsi perdu tout droit moral sur le Haut-Karabagh et ses habitants. Seule l’auto-détermination peut garantir leur sécurité. Il est grand temps que la communauté internationale, à commencer par la Suisse, reconnaisse ce fait. Comme le peuple suisse l’avait fait il y a plus d’un siècle, nous appelons aujourd’hui nos autorités à servir la cause de la justice et à employer tous les moyens possibles sur le plan national et international pour empêcher de nouveaux crimes contre l’humanité. La Suisse, qui est candidate à un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, doit agir d’urgence. Pour signer: https://www.change.org/RecognizeNagornoKarabakh

  • Nous sommes atterrés, mais nous n'abandonnerons pas

    Alain Navarra-Navassartian & Alexis Krikorian, co-fondateurs de Hyestart Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan a ouvert les hostilités contre les Arméniens du Haut-Karabagh par une attaque puissante et coordonnée. L’agression, d’une violence inouïe, a été menée avec le soutien logistique, tactique et opérationnel plein et entier de l’armée turque. Le 9 novembre 2020, un cessez-le-feu aux clauses léonines a été imposée à l’Arménie par la Russie. L’Arménie perd de nombreux territoires dont la ville symbole de Chouchi sans pour autant obtenir de garantie sur le statut du Karabagh. Plus de la moitié de la population du Karabagh a fui les bombes et les massacres dont elle sait qu’ils auraient été inéluctables si les Arméniens du Karabagh avaient perdu. Le dictateur azéri Aliev a encore déclaré hier, ivre de la victoire, que les Arméniens avaient fui comme des « chiens ». Bien que peu couverts dans les médias, les nombreux crimes de guerre de l’Azerbaïdjan ont été documentés, notamment : · Utilisation de bombes à sous-munitions; · Utilisation de munitions incendiaires; · Décapitations; · Recours à des mercenaires djihadistes syriens. L’Azerbaïdjan a de facto perdu tout droit moral sur le Haut-Karabagh et ses habitants. Seule l’auto-détermination peut garantir leur sécurité. Il est grand temps que la communauté internationale reconnaisse ce fait. L’Arménie a perdu 1500 jeunes hommes en 44 jours de guerre. Pour une démocratie de 3 millions d’âmes, c’est un tribut lourd. Très lourd. Pendant des années, nous nous sommes engagés pour la démocratisation et les droits humains en Turquie. Pour une multitude de raisons. Parce que nous étions attachés à cette terre et à son destin. Parce qu’il en allait aussi de l’intérêt et de la sécurité de l’Arménie. Et nous avions raison : ce qui vient de se passer montre que la sécurité de l’Arménie n’était pas assurée avec un voisin négationniste. Face à cela, face aux mensonges éhontés de médias turcs et azéris contrôlés par des pouvoirs autoritaires et dictatoriaux (qui ont notamment affirmé que c’est l’Arménie qui avait attaqué le 27 septembre !), le silence de certains de nos "amis" fut et reste assourdissant. Face à cette agression caractérisée visant à vider la population arménienne d’une de ses dernières terres historiques, ce silence de nos compagnons de route ne peut et ne pourra que laisser des traces. Seuls nos amis kurdes et certains de nos amis turcs ont exprimé leur solidarité et nous tenons à les en remercier. Beaucoup parmi nos amis dits libéraux sont des hommes et des femmes qui, mettant les nationalismes turc et arménien sur le même plan, ont et continuent de faire, a minima, une erreur d’analyse. Car ne nous y trompons pas, c’est bien l’Arménie qui est la victime séculaire du nationalisme turc. Pas le contraire ! S’engager pour les droits humains en Turquie n’a pour l’instant pour nous plus de sens tant que ce pays ne changera pas de manière profonde et radicale son logiciel ultra-nationaliste et raciste. Tant qu’une révolution copernicienne, et non pas cosmétique, de l’Etat turc n’aura pas eu lieu. Dit plus clairement, nous ne nous engagerons plus pour les droits humains en Turquie tant qu’il n’y aura pas une réelle volonté de changement et tant qu’un homme ou une femme d’Etat n’affrontera pas l’histoire et la culture de la violence de son pays. Dans les semaines et les mois qui viennent, Hyestart va par conséquent modifier ses statuts afin de s’adapter à cette nouvelle donne. L’histoire est indubitablement dans une forme de répétition. Abandonnée lâchement par l'occident, l'Arménie a à nouveau payé le prix lourd son droit à la vie. Nos activités se concentreront par conséquent sur l’Arménie et l’Artsakh et leurs besoins (démocratiques, socio-économiques ou autres), selon des modalités qu’il nous conviendra de définir. Le crime, dans le cas de l'Arménie, continue de payer, encore et encore. A ce jour, l'impunité de l'axe Bakou-Ankara est en effet totale. La lutte contre l’impunité des dirigeants de ses deux pays sera par conséquent également au cœur de notre nouveau modèle. Nous sommes atterrés, mais nous n’abandonnons pas. Alain Navarra, Alexis Krikorian, co-fondateurs de Hyestart.

  • Para un reconocimiento internacional de la República de Artsakh

    La version francaise "Pour une reconnaissance internationale de la République d'Artsakh" suit la version espagnole ci-dessous. The English version follows the French version. Para un reconocimiento internacional de la República de Artsakh Desde el 27 de septiembre de 2020, la República de Artsaj, la región histórica de Armenia, ha sido atacada militarmente por Azerbaiyán con el pleno apoyo de Turquía. El presidente Macron indicó, el 1 y 2 de octubre de 2020, la presencia en Azerbaiyán de combatientes yihadistas que habían transitado por Turquía (Gaziantep). Christian Triebert, periodista de investigación del New York Times, por su parte, demostró el 7 de octubre la realidad de la intervención de Turquía junto a Azerbaiyán (una foto satelital revela la presencia de 2 F16 del ejército turco en la pista del aeropuerto de Ganja). Para el Primer Ministro armenio, está claro que 150 altos oficiales turcos están al mando de la agresión turco-azerí que fue planeada durante mucho tiempo. El objetivo de guerra declarado abiertamente: un Artsaj bajo control azerí y vaciado de su población armenia. La comunidad internacional, en su conjunto, ha mostrado neutralidad al pedir a las dos partes que depongan las armas, sin nombrar al agresor y, por tanto, poniendo a las dos partes, el agresor y el agresor, en pie de igualdad. Pero todos sabemos que si Azerbaiyán y Turquía dejaran de luchar, habría paz de inmediato. Por la sencilla razón de que Armenia y los armenios solo quieren vivir en paz en sus tierras ancestrales. Por otro lado, si Armenia dejara de luchar, al menos habría una limpieza étnica. En el peor de los casos, un genocidio, como en 1915. Al final, el hecho de no nombrar al agresor es la prueba de lo que se podría llamar una neutralidad tóxica que tiene el efecto de hacer olvidar el desastroso historial de Azerbaiyán, un dictadura hereditaria rica en petróleo, y de Turquía, una cuasi dictadura liderada por el mismo hombre desde 2003, sin reconocer que Armenia y Artsaj son, por el contrario, democracias que luchan solas frente a este eje pan-turco desinhibido y del cual nada indica que vaya a ser sancionado. La famosa línea roja mencionada por Emmanuel Macron el 2 de octubre en Bruselas se esfumó, su canciller declaró ante la asamblea nacional del 7 de octubre que Armenia tenía que negociar ahora qué territorios iba a devolver al país. Azerbaiyán. Si bien Stepanakert, la capital de Artsakh, acaba de pasar una noche entera bajo las bombas azerí y turca y que al menos la mitad de la población de Artsakh está desplazada, es urgente detener esta guerra de agresión, esta guerra criminal. Recordemos aquí que Amnistía Internacional, que cuenta con un equipo de respuesta a crisis de primer nivel, confirmó el 5 de octubre el uso de municiones en racimo por Azerbaiyán contra la población civil de la capital Stepanakert, que constituye una grave violación del derecho internacional humanitario. Por lo tanto, ya es hora de que uno o más países reconozcan la República de Artsaj. ¡Entendemos que este reconocimiento no vendrá de Europa que vive bajo el yugo de Erdogan y con la que todavía oficialmente sigue negociando la adhesión a la Unión Europea! ¡Europa ha elegido de facto su campo! No, este reconocimiento puede y debe provenir de países lejanos que no tienen vínculos demasiado fuertes, ni con Turquía ni con Azerbaiyán, y que por lo tanto no tienen mucho que temer de las amenazas de represalias. Pensemos aquí, por ejemplo, en Uruguay, que fue el primer país del mundo en reconocer la realidad del genocidio armenio de 1965. O en otro país de América Latina. Recordemos aquí que el Secretario General de la Organización de los Estados Americanos (OEA) condenó en términos inequívocos la agresión de Azerbaiyán en Artsaj. Existe una necesidad urgente no solo de condenar a Turquía y Azerbaiyán en su guerra de agresión contra Armenia, de condenar sus crímenes de guerra, de sancionarlos, sino que es aún más urgente reconocer a Artsaj, como viene convocar al consejo municipal de la ciudad de Ginebra, como única vía para garantizar la seguridad de los Artsakhiotes y su derecho a la vida en sus tierras ancestrales. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Pour une reconnaissance internationale de la République d'Artsakh Depuis le 27 septembre 2020, la République d'Artsakh, région historique de l’Arménie, est attaquée militairement par l'Azerbaïdjan avec le soutien plein et entier de la Turquie. Le Président Macron a indiqué, les 1 et 2 octobre 2020, la présence en Azerbaïdjan de combattants djihadistes ayant transité par la Turquie (Gaziantep). Christian Triebert, journaliste d’investigation du New York Times, a pour sa part prouvé le 7 octobre la réalité de l’intervention de la Turquie aux côtés de l’Azerbaïdjan (une photo satellite révèle la présence de 2 F16 de l'armée turque sur le tarmac de l'aéroport de Ganja). Pour le Premier Ministre arménien, c’est clair, ce sont 150 hauts gradés turcs qui sont aux commandes de l’agression turco-azérie qui était planifiée de longue date. Le but de guerre déclaré ouvertement : Un Artsakh sous contrôle azéri et vidé de sa population arménienne. La communauté internationale a, dans son ensemble, fait preuve de neutralité en appelant les deux parties à déposer les armes, sans nommer l’agresseur et en mettant, par conséquent, les deux parties, l’agressé et l’agresseur, sur un pied d’égalité. Or nous savons tous que si l'Azerbaïdjan et la Turquie cessaient de se battre, il y aurait la paix, immédiatement. Pour la bonne et simple raison que l’Arménie et les Arméniens ne veulent que vivre en paix sur leurs terres ancestrales. En revanche, si l'Arménie cessait de se battre, il y aurait a minima un nettoyage ethnique. Au pire un génocide, comme en 1915. Au final, le fait de ne pas nommer l'agresseur est la preuve de ce qu’on pourrait appeler une "neutralité toxique" qui a pour effet de faire oublier le bilan désastreux de l'Azerbaïdjan, une dictature héréditaire riche en pétrole, et de la Turquie, une quasi-dictature dirigée par le même homme depuis 2003, sans reconnaître que l'Arménie et l'Artsakh sont, au contraire, des démocraties qui se battent seules face à un axe panturc décomplexé et dont rien n’indique qu’il sera sanctionné. La fameuse ligne rouge évoquée par Emmanuel Macron le 2 octobre à Bruxelles semble avoir fait long feu, son ministre des affaires étrangères déclarant devant l’assemblée nationale française, le 7 octobre, qu’il fallait que l’Arménie négocie maintenant quels territoires elle allait rendre à l’Azerbaïdjan. Alors que Stepanakert, la capitale de l’Artsakh vient encore de passer une nuit entière sous les bombes azéries et turques et que la moitié au moins de la population de l’Artsakh est déplacée, il est urgent de stopper net cette guerre d’agression, cette guerre criminelle. Rappelons ici qu'Amnesty International, qui dispose d’une équipe de réponse aux crises de premier ordre, a confirmé le 5 octobre l'utilisation de bombes à sous-munitions par l'Azerbaïdjan sur les populations civiles de la capitale Stepanakert, ce qui constitue une grave violation du droit international humanitaire. Il est donc grand temps qu’un ou plusieurs pays reconnaissent la République d’Artsakh. On l’a compris, cette reconnaissance ne viendra pas d’Europe qui vit sous le joug d’Erdogan et avec lequel elle continue toujours officiellement de négocier une adhésion à l’Union européenne ! L’Europe a de facto choisi son camp ! Non, cette reconnaissance peut et doit venir de pays éloignés qui n’ont pas de liens trop forts, ni avec la Turquie, ni avec l’Azerbaïdjan et qui n’ont donc pas trop à craindre de menaces de représailles. L’on pense ici par exemple à l’Uruguay qui fut le premier pays au monde à reconnaitre la réalité du génocide des Arméniens en 1965. Ou à un autre pays d’Amérique latine. Rappelons ici que le Secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains (OEA) a condamné en des termes on ne peut plus clair l'agression de l’Azerbaïdjan sur l’Artsakh. Il y a urgence à non seulement condamner la Turquie et l’Azerbaïdjan dans leur guerre d'agression contre l'Arménie, à condamner leurs crimes de guerre, à les sanctionner, mais il est encore plus urgent de reconnaitre l’Artsakh, comme vient de l’appeler de ses vœux le conseil municipal de la ville de Genève, comme seul moyen de garantir la sécurité des Artsakhiotes et leur droit à la vie sur leurs terres ancestrales. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ For an international recognition of the Republic of Artsakh Since September 27, 2020, the Artsakh Republic, a historical region of Armenia, has been under military attack by Azerbaijan with the full support of Turkey. President Macron of France indicated, on October 1-2, 2020, the presence in Azerbaijan of jihadist fighters who transited through Turkey (Gaziantep). Christian Triebert, an investigative journalist for the New York Times, for his part, proved on October 7 the reality of Turkey's intervention alongside Azerbaijan (a satellite photo reveals the presence of 2 F16s of the Turkish army on the tarmac of Ganja airport). For the Armenian Prime Minister, it is clear that 150 high-ranking Turkish officers are in command of the Turkish-Azeri aggression that was planned for a long time. The openly declared aim of the war: An Artsakh under Azeri control and emptied of its Armenian population. The international community as a whole showed neutrality by calling on both sides to lay down their arms, without naming the aggressor and thus putting both sides, the aggressor and the aggressed, on an equal footing. Now we all know that if Azerbaijan and Turkey stopped fighting, there would be peace, immediately. For the good and simple reason that Armenia and Armenians only want to live in peace on their ancestral lands. On the other hand, if Armenia stopped fighting, there would at least be ethnic cleansing. At worst a genocide, as in 1915. In the end, not naming the aggressor is proof of what might be called "toxic neutrality" which has the effect of making people forget the disastrous record of Azerbaijan, an oil-rich hereditary dictatorship, and of Turkey, a quasi-dictatorship led by the same man since 2003, without recognizing that Armenia and Artsakh are, on the contrary, democracies that are fighting alone against a panturkic axis that is uninhibited and for which there is nothing to indicate that it will be sanctioned. The famous red line evoked by Emmanuel Macron on October 2 in Brussels seems to have been long-lasting, with his Minister of Foreign Affairs declaring before the French National Assembly on October 7 that Armenia must now negotiate which territories it will return to Azerbaijan. At a time when Stepanakert, the capital of Artsakh, has just spent an entire night under Azeri and Turkish bombs and when at least half of the population of Artsakh is displaced, it is urgent to put a clear stop to this war of aggression. Let us recall here that Amnesty International, which has a first-rate crisis response team, confirmed on October 5 the use of cluster bombs by Azerbaijan on the civilian population of the capital Stepanakert, which constitutes a serious violation of international humanitarian law. It is therefore high time for one or more countries to recognize the Republic of Artsakh. It is understood that this recognition will not come from Europe, which lives under the yoke of Erdogan and with whom it is still officially negotiating membership in the European Union! Europe has de facto chosen its side! No, this recognition can and must come from distant countries that do not have too strong ties, neither with Turkey nor with Azerbaijan, and which therefore do not have too much to fear from threats of reprisals. One thinks here, for example, of Uruguay, which was the first country in the world to recognize the reality of the Armenian genocide in 1965. Or another Latin American country: The Secretary General of the Organization of American States (OAS) condemned in the clearest possible terms Azerbaijan's aggression on Artsakh. It is urgent not only to condemn Turkey and Azerbaijan in their war of aggression against Armenia, to condemn their war crimes, to decide sanctions on them, but it is even more urgent to recognize Artsakh, as the Geneva City Council has just called for, as the only way to guarantee the security of the Artsakhians and their right to life on their ancestral lands.

  • Alerte Arménie: Ecrivez au Conseil de l'Europe

    Hyestart vous invite à envoyer l'exemple de courriel ci-dessous à la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe Marija Pejčinović-Burić à l'adresse suivante: Miroslav.PAPA@coe.int (copier et coller dans un nouvel email) Il est grand temps que le Conseil de l'Europe mette fin à sa position de neutralité toxique et prenne des mesures pour exclure la Turquie et l'Azerbaïdjan du Conseil de l'Europe. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Titre proposé: A l'attention de Mme Pejčinović-Burić: Guerre contre les Arméniens: Mettre un terme à la neutralité toxique et suspendre la Turquie et l'Azerbaïdjan Madame la Secrétaire générale, Votre homologue de l'Organisation des Etats Américains (OEA) a condamné en des termes on ne peut plus clair l'agression le 27 septembre 2020 de l'Artsakh par l'Azerbaïdjan avec le soutien plein et entier de la Turquie. Comme le Président Macron l'a rappelé les 1 et 2 octobre 2020, la présence en Azerbaïdjan de combattants djihadistes ayant transité par la Turquie (Ganziantep) est avérée. Pourquoi est-il important de condamner cette guerre d'agression préméditée à l'encontre des Arméniens ? Si l'Azerbaïdjan et la Turquie cessaient de se battre, il y aurait la paix, immédiatement. Si l'Arménie cessait de se battre, il y aurait a minima un nettoyage ethnique. Au pire un génocide, comme en 1915. Le fait de ne pas nommer l'agresseur est la preuve d'une neutralité toxique qui a pour effet de faire oublier le bilan désastreux de l'Azerbaïdjan, une dictature héréditaire riche en pétrole, et de la Turquie, une quasi-dictature dirigée par le même homme depuis 2003, sans reconnaître que l'Arménie et l'Artsakh sont, au contraire, des démocraties. Les demandes par l'Arménie de mesures provisoires à l'encontre de l'Azerbaïdjan et de la Turquie au sujet du conflit du Haut-Karabagh ont été accordées par la Cour européenne des droits de l'homme, ce dont nous nous félicitons. Cela est nécessaire, mais pas suffisant. Nous attirons en effet votre attention sur le fait qu'Amnesty International a confirmé le 5 octobre l'utilisation de bombes à sous-munitions par l'Azerbaïdjan sur les populations civiles de la capitale Stepanakert, ce qui constitue une grave violation du droit international humanitaire. Madame la Secrétaire générale, nous vous appelons par conséquent à : · condamner la Turquie et l’Azerbaïdjan dans leur guerre d'agression contre l'Arménie; · condamner leurs crimes de guerre; · entamer les démarches visant à l'exclusion de ces deux pays du Conseil de l'Europe; · exprimer votre solidarité avec le peuple de l'Artsakh. La Russie a été suspendue de l’Assemblée du Conseil de l'Europe de 2000 à 2001 à cause de sa politique en Tchétchénie, puis en 2014 à la suite de l’annexion de la Crimée et de la guerre dans le Donbass. La politique de l'Azerbaïdjan et de la Turquie à l'encontre des Arméniens, planifiée, criminelle et visant à vider le territoire de l'Artsakh de sa population arménienne, mériterait a minima une suspension immédiate de ces deux pays aux titres des articles 8 et 9 des statuts du Conseil de l'Europe pour violations répétées de l'article 3. Nous vous remercions de l'attention que vous porterez rapidement à cette question et restons à votre disposition pour de plus amples informations. Cordialement, Signature

  • Alerte Arménie: Ecrivez au Président de la République

    Hyestart vous invite à envoyer la lettre qui suit au président de la République. Le moyen le plus rapide ? Par email en copiant collant le texte de la lettre ci-dessous dans le lien ci-après: https://www.elysee.fr/ecrire-au-president-de-la-republique/ Vous pouvez également l'envoyer par la poste. Il suffit alors d'imprimer ce modèle ci-dessous et de l'envoyer à l'adresse indiquée. Une version PDF de la lettre est également disponible. Il y urgence à demander une réorientation de la diplomatie française sur le Haut-Karabagh. Merci de votre soutien, également dans la diffusion la plus large possible de ce cette alerte. Rappelons ici que la France est l'un des trois co-présidents du groupe de Minsk chargé d'encourager la recherche d'une solution pacifique entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ NOM – Prénom Adresse Mail Téléphone Palais de l’Élysée 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré 75008 Paris, France Le 6 octobre 2020 Monsieur le Président, Nous souhaitons, par la présente, vous remercier pour vos prises de position du jeudi 1 octobre et du vendredi 2 octobre à Bruxelles : « Je vais être très clair. Dimanche, les frappes qui sont parties d’Azerbaïdjan n’avaient pas de justification… Nous disposons d’informations qui indiquent de manière certaine que des combattants syriens djihadistes ont quitté le théâtre d’opération pour rejoindre le Haut-Karabagh en transitant par Gaziantep (Turquie). C'est un fait très grave, nouveau, qui change la donne ». « Je ne voudrais pas vous dire que c'est une ligne rouge parce qu'elle est franchie. Elle est franchie! Et quand je donne une ligne rouge, j'ai pu le montrer à d'autres égards, je pense à la Syrie, j'apporte une réponse. Je dis que c'est inacceptable. J'invite l'ensemble des partenaires de l'OTAN à regarder simplement en face ce qui est un comportement de membre de l'OTAN, et je ne pense pas que ça en relève ». Le 4 octobre à Ankara, le Secrétaire général de l’OTAN, Monsieur Stoltenberg a déclaré qu’il « s’attendait à ce que la Turquie use de son influence considérable pour calmer les tensions », semblant ainsi exonérer la Turquie de toute ligne rouge qui aurait été franchie. Devons-nous comprendre, en tant que citoyens français, que nous faisons partie d’une alliance dont les valeurs sont compatibles avec l'envoi de djihadistes visant à tuer des civils et des militaires arméniens ? Le soir même, avec ses homologues américain et russe, Jean-Yves Le Drian a rendu publique une déclaration des co-présidents du groupe de Minsk dans laquelle les parties (l'Arménie et l'Azerbaïdjan) sont invitées « à s'engager dès maintenant à reprendre le processus de règlement sur la base des principes fondamentaux existants et des documents internationaux pertinents bien connus des deux parties ». Cette déclaration, manifestement en retrait par rapport à vos propos lucides de la semaine dernière à Bruxelles, nous déçoit à deux titres au moins: Elle ne condamne pas explicitement l'agression de l'Azerbaïdjan et de la Turquie sur l'Artsakh. Or soyons clairs : Si l'Arménie arrêtait les combats, un génocide aurait lieu, comme il y a 105 ans. Si l'Azerbaïdjan et la Turquie cessaient de se battre, il y aurait la paix. Cette neutralité toxique ne dénonce pas non plus le bilan désastreux de l'Azerbaïdjan, une dictature héréditaire riche en pétrole, et de la Turquie, une quasi-dictature dirigée par le même homme depuis 2003, en matière de droits humains, tout en ne reconnaissant pas que l'Arménie et l'Artsakh, dans l'ensemble, sont des démocraties. Nous attirons par ailleurs votre attention sur le fait qu'Amnesty International a confirmé le 5 octobre l'utilisation de bombes à sous-munitions par l'Azerbaïdjan sur les populations civiles de la capitale Stepanakert, ce qui constitue une violation grave du droit humanitaire international, qu'il convient également de condamner. Elle remet en avant les principes de Madrid qui sont des principes profondément asymétriques, exigeant de l'Artsakh des concessions (terres et sécurité) immédiates, stratégiques et irrévocables en échange de promesses vagues, différées et réversibles concernant le statut de la part de l'Azerbaïdjan. De plus, la mise en œuvre progressive des Principes de Madrid fait peser tous les risques sur l'Artsakh. SURTOUT, comment croire qu’après une telle guerre d'agression préméditée, dont le but déclaré est un territoire d’Artsakh vidé de sa population arménienne, les parties arméniennes pourraient retourner à la table des négociations en acceptant comme première étape au règlement du conflit un retrait unilatéral de ce qui constitue leur ceinture de sécurité ? Ces principes sont désormais caducs. Monsieur le Président, nous vous appelons par conséquent à : reconnaître l'indépendance de la République de l'Artsakh au plus vite afin de rétablir la paix et la sécurité dans la région et de d'assurer le droit à la vie des Artsakhiotes; condamner la Turquie et l’Azerbaïdjan dans leur guerre d'agression contre l'Arménie; condamner les crimes de guerre de ces pays; imposer un cessez-le-feu au plus vite par tous les moyens, y compris par l’adoption de sanctions nationales si nécessaire. Monsieur le Président, nous sommes très inquiets. Vos déclarations de Bruxelles des 1 et 2 octobre ont fait naitre un espoir, celui de voir enfin réalisée une réorientation rapide de la doctrine française sur le Haut-Karabagh dans un sens permettant la reconnaissance internationale rapide de cette démocratie. En tant que citoyens français, nous ne comprendrions tout simplement pas que ce qui a été possible pour le Kosovo ne le soit pas pour le Haut-Karabagh, a fortiori après le déclenchement de cette violente guerre d'agression par l'Azerbaïdjan le 27 septembre. Dans l'attente de votre réponse, je vous souhaite d'agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées. Signature

  • Stratégies performatives dans le discours nationaliste azéri sur le conflit du Haut-Karabagh

    Alain Navarra-Navassartian Depuis quelques semaines, les différents médias azéris rapportent les propos virulents du président Aliev sur le conflit du Haut-Karabagh. Propos repris et amplifiés par la presse et les réseaux sociaux. Ces actes de langage ne sont pas anodins, tout d’abord par leur violence, ensuite par la référence à un système de conventions, de rituel et une stratégie qui croise les références historiques, le discours politique, la symbolique des récits épiques (le culte du héros) et le nationalisme le plus vindicatif. Avant toute chose, je dois préciser la position à partir de laquelle je parle : celle d’un individu d’origine arménienne. Mais il s’agit, comme nous l’avions fait dans le cas arménien, de voir comment la construction du discours nationaliste se fait et comment il va interdire, dans ce cas, une réelle possibilité de dialogue. Depuis 2003 et l’accession au pouvoir d’Ilham Aliev, le ton a changé. Il y a donc une métamorphose du discours nationaliste, notamment avec la personnalisation extrême du régime en Azerbaidjan, qui démontre le rôle clé que le nationalisme joue dans la résolution de ce conflit. Il faut préciser que le nationalisme est envisagé comme un phénomène moderne et non immémorial. Nous nous étions déjà penchés sur les effets du nationalisme genré en Arménie pour constater le rôle important du conflit du Haut-Karabagh et sa militarisation sur un ensemble de comportements sociaux. Dans ce cas, c’est la lecture des journaux, blogs, médias divers et du net, ainsi que les réseaux sociaux azéris sur plus de trois mois qui constituent la base de travail pour cet article. La première question que l’on peut se poser quand on voit le déferlement de propos vindicatifs, haineux ou violents, c’est de savoir si l’ensemble de la société partage ce sentiment ou si ce sont les entrepreneurs identitaires qui s’en saisissent et l’instrumentalisent ? La réponse semble assez claire, la haine de l’Arménien réunit, semble-t-il, une majorité de la population, opposition incluse. Mais ce discours dominant et vertical, fait-il place à un autre discours, horizontal celui- là, qui laisserait la parole à d’autres voix ? Notamment, celles des habitants des zones rurales où le voisinage et la cohabitation entre communautés avaient parfois un autre visage que celui de la haine ? Donc, tous ces actes de langage se font sur une base de conflit ethnique et cela est répété à l’envi, on insiste sur la distinction entre Arméniens et Azéris, qui existait bien avant le conflit sur la base des attributs culturels, de la langue et de la religion. Toute cohésion éventuelle des populations est rejetée. Ce sont donc des thèses primordialistes qui mettent en avant des haines immémoriales. Ces thèses s’appuyant sur des « figures historiques » combattant l’ennemi arménien depuis la nuit des temps, pour retrouver la « pureté » du territoire. Jamais ne sont soulignés les modes d’appartenance populaire à la nationalité ; on évoque peu les relations contingentes, jamais l’hybridité qui fut une des caractéristiques de ce territoire comme dans l’ensemble du Caucase du sud. Ce discours hyper nationaliste ne s’attache pas, ni ne veut pas s’attarder sur les conditions d’émergence du conflit ; il ne fait que souligner l’interprétation ethnique. Aussi, dans cette verticalité il n’y a aucune place possible à d’autres narrations des évènements. Le nationalisme sud-caucasien a ses propres particularités dues aux développements socio-historiques de la région. On pourrait d’ailleurs se demander si l’identité ethnique a été, de tous temps, l’identité la plus importante de la région ? Ce questionnement n’est évidemment plus de mise aujourd’hui. Quand on se penche sur l’histoire de cette région, Karabagh et Haut-Karabagh, on constate que les identités sont aussi politiques et construites historiquement, de la période des melikats au passage à province russe puis aux formes de partenariat russo-arménien et aux « réveils » des deux communautés, la région et sa population ont eu d’autres facteurs identitaires que la simple ethnie. Pourtant Ilham Aliev fait appel à des sentiments d’appartenance pré-modernes, essentialisant l’identité et usant du prisme psychologique ainsi que d’un ensemble d’émotions. Notamment lorsqu’il met en avant le « génocide » azéri commis par les Arméniens, argument utilisé pour promettre la reprise de l’Azerbaïdjan occidental, à savoir l’Arménie. L’accent est donc mis sur l’aspect psychologique de l’appartenance, un ethno-symbolisme qui voit le lien national comme immémorial, donc a-historique. A partir de là, la réification des groupes ethniques peut se faire, groupes qui sont obligatoirement soumis à des haines ancestrales. L’histoire, appelée à la rescousse du discours vindicatif, ne vient que confirmer l’impossibilité de sortir des catégories « groupes ethniques ». La violence au nom de ce nationalisme est valorisée, l’assassinat de Gurgen Margarian en Hongrie en est le parfait exemple, et s’inscrit d’autre part dans une valorisation virile de l’individu. La tolérance envers le geste criminel est d’autant plus grave qu’elle appelle explicitement à de nouveaux passages à l’acte. Tolérance d’autant plus accrue que le voisin, et ami, Turc soutient ce type d’acte qu’il pratique à l’envi dans son propre pays. Mais cette rhétorique est dangereuse puisqu’elle lève toutes les inhibitions de la violence. Les politiques de la mémoire dans la région ne faisant qu’accentuer la concurrence des narrations (l’Azerbaïdjan soutenant évidemment la Turquie négationniste), il devient pratiquement impossible d’analyser les rapports sociaux sur lesquels reposent, aussi, les bases du conflit du Haut-Karabagh. Il ne faut surtout pas laisser de place à un travail d’analyse rationnel pour un sujet qui voudrait comprendre, tout d’abord les origines du conflit et ensuite le choix de la population arménienne du Haut-Karabagh du sortir du joug de l’état azéri. Le travail d’intercompréhension devient également impossible, les discours politiques, voire académiques deviennent une forme de construction-obstruction performative. NÉCESSITÉ DU NATIONALISME VINDICATIF DANS UNE SOCIÉTÉ FRACTURÉE La situation intérieure de l’Azerbaïdjan, la manne pétrolière dilapidée par le clan Aliev pour ses propres investissements, une situation économique difficile, des réfugiés du Haut- Karabagh qui n’ont pas été si bien intégrés que cela et vingt ans de sinistre social font que Aliev a besoin d’un discours de va-t-en-guerre, en se départissant de toutes barrières éthiques ou morales pour créer ce que B. Anderson appelait les « occasions d’unissonalité ». Il faut souligner que le ton des interventions de Aliev a évolué avec les différents changements dans la politique extérieure turque, les avancées de l’un confortant l’autre. On pousse donc loin dans le temps la conception de communauté nationale pour asseoir un droit ancestral sur le territoire du Haut-Karabagh, ce qui ne fait pas sens. Difficile d’en trouver, y compris dans l’opposition des forces anti-guerre. Précisons que la censure et la répression sont telles dans le pays que peu de gens prendraient le risque de contredire le gouvernement. D’autre part si le visage du gouvernement azéri est connu par le monde occidental, ce dernier se contente tout juste de froncer les sourcils pour la répression qui sévit dans le pays, pour l’absence de liberté d’expression ou pour les atteintes aux droits humains. L’importance économique du pays, mais surtout sa position de pourvoyeur de gaz, l’immunise contre les velléités universalistes, souvent incohérentes, des puissances occidentales. Il y a différentes formes de lâcheté, la lâcheté complice en est une facette. La mise en forme de la conscience nationale n’est pas quelque chose de nouveau dans la région. Les premières républiques du Caucase s’y sont attelées de 1918 à 1920. ASPECTS HISTORIQUES Il ne s’agit pas de relater, ici, l’histoire du Haut-Karabagh et de sa population arménienne (on trouvera dans la bibliographie un ensemble d’ouvrages traitant de l’histoire du territoire), mais de s’appuyer sur certains passages de cette histoire longue pour saisir les modalités du nationalisme. Modalités différentes selon l’époque historique. La pénétration russe dans le Caucase et la Transcaucasie (1801-1864) est une expérience importante de l’expansion russe, le culte populaire, lui ne s’emparera pas de cet expansionnisme occulte. On est loin de l’Orient des fastes et de l’opulence, d’un Orient imaginaire. La région est plutôt une zone d’indigence, ce que soulignera Alexis Iermolov, après une visite dans le Zanguezour et le Karabagh. Mais c’est après la chute de l’empire russe et le retrait des troupes tsaristes de la Transcaucasie que le problème du Karabagh se pose. Les trois républiques transcaucasiennes : Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan proclament leur indépendance, et le conflit naît de la revendication territoriale de l’Azerbaïdjan sur le Zanguezour et le Karabagh. Le 29 juillet 1918, le premier congrès des Arméniens du Karabagh, qui se tient à Chouchi, proclame le Haut-Karabagh entité territoriale indépendante et forme un gouvernement. Mais dès 1919, le blocus azéro-britannique est mis en place et le général Soultanov, gouverneur sadique d’une vaste région dominée par les Anglais, se livre à une politique de massacre. De 1923 à 1988, durant la période soviétique, de nombreuses démarches seront faites pour le rattachement du Haut-Karabagh à la RSS d’Arménie. C’est donc, pour les Arméniens et dès le début de la territorialisation ethnique soviétique, la construction du fait minoritaire dans un rapport à la violence et à un système de clôture sociale. Système qui détermine l’accès à un certain nombre de droits et impose des critères de sélection. Il y avait donc pour les Arméniens, même sous le régime soviétique, moins d’accès aux diverses options sociales que pour les Azéris. Le sentiment anti- Arménien est parfois nettement exprimé dans des « pratiques de distinction » (Bourdieu, 1982). Il faut souligner que ce concept de minorité et le traitement à accorder à ces minorités apparaît chez le voisin Ottoman à la fin du dix -neuvième siècle, avec une violence de masse qui prend pour cible les populations minoritaires ; c’est-à-dire non- assimilable à la Nation. Mais comment et pourquoi en est-on arrivé à ce sentiment anti-Arménien en Azerbaïdjan, qui correspond aujourd’hui, au sentiment anti-Azéri en Arménie ? Il faut, pourtant, sortir de l’essentialisation des identités ethniques et oublier la « haine ancestrale » pour se pencher sur des faits historiques et sociaux qui révèlent, à un moment de l’histoire des deux populations, des conflits d’intérêts en réponse à une crise autant sociale que politique et économique. Conflits qui vont entraîner une fracture profonde dans les rapports azéro-arméniens. Bakou est la « citadelle ouvrière de la Transcaucasie » (A. Ter Minassian). D’après les données du recensement de 1897, les Arméniens représentent 6,9% de la population dans le gouvernorat de Bakou (les Azéris 58%), 35% dans le gouvernorat d’Elisabethpol et 53% dans le gouvernorat de Erevan. L’ordre colonial russe qui s’est établi dans la région, joue un rôle important dans le duo Arméno-Azéri. Les Azéris reprochent aux Russes de favoriser à la fois certaines classes sociales et certaines nationalités : bourgeoisie arménienne et population arménienne (A. Ter Minassian). L’économie du pétrole a, également, une importance cruciale : en 1888, sur 54 exploitations de pétrole, deux seulement appartiennent à des Azéris. D’autre part, en 1913 la population arménienne de Bakou a pratiquement rattrapé celle des Azéris : 42000 contre 46000, ce qui est vécu par la nouvelle intelligentsia azérie, pratiquement comme « une guerre démographique ». Se profile, donc, la « menace arménienne », sentiment d’autant plus facilement partagé dans la communauté azérie, que les deux populations connaissent une renaissance culturelle, sociale et politique qui entraîne une concurrence et une rivalité. La période des tanzimats de l’empire ottoman et la révolution jeune turque étaient, par ailleurs, des références importantes pour ces jeunes intellectuels Azéris qui rêvent de « moderniser » les structures sociales, économiques et politiques de leur population. La religion sera également un sujet de débat et l’on constate une volonté de réformes importante, comme, entre autres sujets, la place des femmes dans l’Islam. Réformisme ou modernisme, les intellectuels tatares s’emploient à rénover leur culture. Dans le même temps, les Arméniens connaissent le même phénomène. La vague réformiste des Tatars de la Volga est arrivée jusqu’en Transcaucasie et ce débat prend une tournure non seulement religieuse, mais aussi identitaire et « nationale ». Dans cette fin du 19e siècle, dans un temps ou la diminution des ressources à répartir dans la population azérie se fait jour, apparaît une question importante : quel groupe est privilégié dans la distribution des ressources ? La guerre Arméno-Tatare de 1905 sera le point paroxystique du phénomène. A noter que l’on connait bien les rapports de classe et les conflits ethniques à Bakou, dans cette période qui va de la fin du 19e siècle à 1920. Mais qu’en est-il du monde rural, largement majoritaire dans le territoire ? On connait peu ou pas l’intimité d’un groupe vis-à-vis de l’autre. Il y a peu de littérature scientifique sur ce sujet. Mais l’homogénéisation du discours nationaliste a eu pour conséquence une distance face à ceux qui étaient auparavant voisins, collègues et pourquoi pas amis. Aucune trace, ou si peu, de la vie dans des régions rurales. Avec l’apparition d’un nouveau type d’intellectuel tatar se mettent en place différentes actions pour la modernisation culturelle et sociale des Musulmans. La première montée d’un sentiment national pourrait-être cherché, durant les années 1870, quand l’Islam russe sort de sa torpeur, grâce aux penseurs azéris, criméens ou kazakh. On trouvera, d’autre part, la trace d’activités de groupes marxistes azéris (une première dans le monde musulman). Bakou est le centre d’organisations révolutionnaires azéris et les contacts avec la Turquie des jeunes turcs sont importants. On retrouve un certain nombre de ces intellectuels azéris dans le travail d’élaboration du corpus idéologique du nationalisme turc (Etienne Copeaux), comme Hüseyinzade Ali (1864-1942) qui participera à la naissance de l’opposition jeune turque, ou encore Ahmed Agaev, un des leaders du mouvement national en Turquie jusqu’à l’époque kémaliste. Mais quel type de nationalisme a été privilégié ? Le nationalisme ne peut être vu, de façon unilatérale, comme un phénomène de modernisation. A-t-on assisté à la naissance d’un nationalisme conservateur ? Le mot d’ordre de Ali Bey : Hüseinzade "Türklesmesk, Islamlasmak,murasirlesmek" (turquisation, islamisation et modernisation) sera d’ailleurs repris par Zya Gökalp : « Nous appartenons à la Nation turque, à la religion musulmane et à la civilisation européenne ». TERRITORIALISATION DE L'ETHNICITÉ. L'HÉRITAGE SOVIÉTIQUE Durant la période soviétique, les démarches pour être rattaché à la RSS d’Arménie seront constantes de la part de la population arménienne du Haut-Karabagh, démarches qui iront en s’amplifiant avec le « dégel » kroutchévien. On l’a déjà souligné, la colonisation russe incorporait de multiples groupes ethniques qui possédaient leur propre structure de pouvoir, voire de souveraineté, sur certains territoires. C’est bien le cas pour les Arméniens de la région et les Tatars (melikat pour les Arméniens, Khanat et système clanique pour les Azéris, entres autres), mais l’administration de l’empire russe ne faisait pas référence à l’ethnicité. Ce n’est qu’après 1917 qu’un répertoire des peuples sera mis en place au travers d’une démarche politique et scientifique de construction des peuples. Processus soutenu par une démarche géographique d’établissement des frontières. « Un peuple devient, dans le cadre de l’état, une personne ». L’appartenance ethnique devient un des éléments centraux qui figurent dans les dossiers de chacun. Tout un travail de formalisation des nationalités est mis en place. C’est une vision essentialiste des groupes humains qui va marquer pour longtemps les populations. L’ethnogenèse est profondément ancrée dans l’école ethnographique russe et soviétique, mais absente dans la tradition occidentale ; les pères fondateurs d’une histoire « socio-naturelle », Shirokogorov, Bromley et Gumilev se rattachent pourtant à la tradition allemande de l’ethnie (Volk). Le peuple devient un objet qui ne nécessite aucune demande ou aucune question de définition. Il est évident que dans l’espace post-soviétique où se sont noués des enjeux de recomposition identitaire, ces notions autour de l’ethnos ont été utilisés avec des inflexions nouvelles quand la conjoncture le nécessitait. L’ethnos russe et soviétique renvoie à une conception de la nationalité, difficile à comprendre pour le monde occidental puisque la citoyenneté et la nationalité ne sont pas distinctes comme dans le monde soviétique. Ainsi dans les années 1920, Shirokogorov, propose, pour rendre compte de la stabilité l’ethnos dans une région, que la corrélation entre la quantité de population et la superficie du territoire qu’elle occupe soit constante. Les revendications des Arméniens du Haut-Karabagh relèvent de cette logique. Mais le choix de l’ethnie en tant que communauté de référence sera arbitraire et artificiel. Comment regrouper, délimiter ou répertorier des populations nomades ou montagnardes, les clans, les lignages, etc… ? Tracer des frontières dans ces conditions est difficile et engendrera des luttes parfois violentes. Et c’est une décision arbitraire qui fait entrer, le 5 juillet 1921, le Haut-Karabagh dans le territoire de la RSS d’Azerbaïdjan bien que peuplé à plus de 90% d’Arméniens, qui n’avaient jamais été soumis au pouvoir de Bakou. Ainsi dans cette quête de la preuve du « territoire national » millénaire, l’archéologie et l’histoire seront les outils indispensables pour relever les indices de l’enracinement de tel ou tel groupe humain dans certains lieux. Il y a donc cette volonté de créer une continuité pour établir la permanence d’une culture. Moyen déjà utilisé par les Turcs dans les années 1930 : la construction de territoires ethniques, d’où la population d’origine est presque effacée. Après 1930, la territorialisation de l’ethnicité ne sera plus jamais remise en cause. Le groupe dominant est le seul à avoir des « racines » sur le territoire attribué. Ce peuple tutélaire aura, en certaines périodes de l’ère soviétique, des avantages comme un système de quotas, lui permettant d’accéder aux postes de responsabilité. Les Arméniens du Haut-Karabagh se vivront comme des « invités » sur leur propre « sol ». C’est une clôture sociale difficile à comprendre et à admettre. Majoritaires sur leur territoire, ils se retrouvent minoritaires socialement. D’autant plus que cette politique de privilèges accordés aux populations titulaires laisse planer un doute sur la loyauté des autres. La méfiance envers les Arméniens se nourrit aussi de ces constructions sociales soviétiques. Situation qui ne demande qu’à s’embraser en cas de problèmes majeurs : les pogroms d’Arméniens de Soumgait (27/02/1988) ou de Bakou (12-19/01/1990). Ainsi les pétitions et les différentes demandes de rattachement à l’Arménie ne trouveront pas d’échos sous le régime soviétique, car ces demandes étaient une remise en cause directe des catégories nationales établies par l’état. Hors de question de remettre en cause les décisions de Moscou ! Tracer les « limites » qui relèvent, et révèlent, la réalité d’un peuple et, de là, sa territorialisation, a évidemment des implications stratégiques et politiques (Cadiot). Le recensement de 1939 démontre bien le seul souci étatique du document. Les nationalités sont, en fin de compte, hiérarchisées et c’est donc par une forme de répression colonialiste que les catégories nationales sont définitivement figées. POLITIQUE DE L’IDENTITÉ Aucune lecture du passé commun, ancien ou proche, ne semble plus possible. Si en Arménie la construction identitaire nationale se fait en rapport à une construction stato-nationale, en Azerbaïdjan, cela est détourné au profit d’un pouvoir personnel, autoritaire et héréditaire. Il est donc difficile de sortir d’une vision verticale de ce conflit et de son irréductibilité. Aucune autre vision n’est plus tolérée par Aliev, le conflit du Haut-Karabagh servant de pivot à sa politique intérieure. Il privilégie, aussi, les liens non-rationnels, les aspects intangibles d’affinités spirituelles de l’ethnicité. Le fait religieux joue, comme dans les trois républiques sud-caucasiennes, un rôle certain. L’Azerbaïdjan a pourtant une longue tradition anti-cléricale. Comme dans les autres républiques, ce sont les élites post-soviétiques, communistes auparavant, qui useront de la religion pour servir les nouvelles politiques identitaires. Dans un Azerbaïdjan relativement séculier, la dynamique religieuse est portée par des mouvements venus de l’extérieur : Turquie, Salafistes du Golfe et, dans une moindre mesure, l’Iran, mais elle l'est aussi par des fondations privées. Le religieux reste sous contrôle, mais est utilisé par le régime dans les politiques de l’identité (Bayram Balci). L’utilisation de leviers "affectifs" où la symbolique des rapports de parenté, pour ne pas dire filiaux, empêche toute approche rationnelle du refus des Arméniens de retourner dans le giron de l’état azéri. Mais il faut préciser que la libération de la tutelle azérie était devenue une question de survie. Nous avons déjà signalé les pogroms contre les Arméniens. Le nationalisme est donc une ressource d’action politique évidente au sein d’un système de gouvernement qui produit divers modes d’expression de la radicalité : liberté d’expression, accès à la loi, etc. Lorsqu’on rappelle au gouvernement azéri ses exactions, les réponses sont étonnantes : elles rappellent l’illusion du bourreau devenu victime. Ces pogroms sont vite évacués dans un discours de justification des actions meurtrières. Le discours est important, il est un moyen de justification morale pour ne pas être celui que l’on déteste pour avoir commis des actes sordides. Bien qu’aujourd’hui, il n’y a même plus à chercher une justification morale. Les intérêts divers que les Occidentaux ont avec ces pays les absolvent de toute questions éthiques ou morales. Si le nationalisme et l’identité sont des produits historiques, le fait d’avoir peu ou pas d’options dans l’élaboration de sa propre identité significative à partir de différentes situations, rend nécessaire le besoin de s’attacher à une identité « traditionnelle ». C’est une situation que l’on constate dans l’ensemble du Caucase du sud. Les affiliations prescrites sont un danger et une arme efficace lors de la reconstruction de l’histoire aux mains du politique pour défendre une souveraineté. La sécession des Arméniens du Haut-Karabagh révèle bien de ces problématiques : conflits de principes de droit international, de géopolitique, du droit des peuples, mais aussi des structures sociales comme du cycle de la haine raciale et de son utilisation politique. Depuis peu, la propagande nationaliste azérie utilise un argumentaire qui a pour enjeux la seconde guerre mondiale. Sont donc diffusées des « informations » prouvant que des bataillons d’Arméniens auraient servis sous le régime nazi. On sort de l’argumentaire habituel pour jouer avec des objets symboliques de la sphère russe, le nationalisme russe se fondant, en grande partie, sur le constat du peuple vainqueur du fascisme. En retour, les Arméniens fournissent les preuves inverses. Les mémoires s’opposent, et, une fois la mémoire communiste effacée, il ne reste plus que la mémoire « nationalisée » qui rend impossible de travailler et de revenir sur les zones d’incompatibilités réciproques. Pourtant, elles expliqueraient cette décision des Arméniens du Haut-Karabagh et offriraient, peut-être, une approche de dialogue. A-t-il existé d’autres modalités de vivre ensemble pour ces deux communautés ou tout n’a-t-il été qu’artifices et reposait uniquement sur l’usage de la force ? Le discours officiel ne fait plus aucune place à cette interrogation, parfois une voix s’élève pour rappeler les voisins arméniens ou azéris, évidemment timide. Et si le plus important était la signification de l’appartenance au groupe, qui dans une confiance en soi collective serait capable d’intégrer les minorités ? Mais dans un pays qui se constitue sur un nationalisme très marqué par les théories turques, on a vu, d’ailleurs, comment les intellectuels azéris ont participé à la construction de cet édification nationale, l’importance de la valeur attribuée au groupe arménien était moindre. Deux états trouvent donc dans ce conflit les ressorts idéologiques et politiques à la construction de leur état (T. Papazian pour l’Arménie). Pour l’Azerbaïdjan, il devient un élément fédérateur. Mais de part et d’autre, le conflit fera des milliers de réfugiés : 300 000 pour les Arméniens, 197 000 pour les Azéris de 1988 à 1992. Sans compter les populations turcophones comme les Mechkets, qui avaient trouvé refuge en Azerbaïdjan après les pogroms en Ouzbékistan, population que le gouvernement azéri avait installée dans le Haut-Karabagh afin d’en altérer la balance démographique. Ce qui n’a fait qu’accentuer la crainte des Arméniens d’une turcisation du territoire et rappelait les événements du Nakhitchevan en 1921. Si les nations sont des récits fictifs (Gayatri Chakzavorty Spivak), il faut des personnalités pour que cet ensemble imaginé devienne réel. La personnalité de Heydar Aliev sera essentielle. Celui qui est appelé le père de la Nation saura instaurer le caractère paternaliste du pouvoir et va conditionner la forme et l’émergence du nationalisme dans la construction identitaire. Le rapprochement avec la Turquie voisine, sa volonté moderniste, le rêve d’un grand Azerbaïdjan (territorial) feront qu’on le compare à un petit Atatürk régional. Le conflit du Haut-Karabagh et sa perception du temps du gouvernement de Heydar Aliev, connaîtront une évolution au fil des ans, mais le grand changement vient lorsque le pouvoir est repris par son fils en 2003. Dans un pays ou toute voix critique est muselée, où la concentration des pouvoirs est organisée au profit de la famille dirigeante, le discours sur le Haut-Karabagh s’est durci. Le discours nationaliste est devenu une arme idéologique de cohésion, mais aussi un outil pour éviter toute protestation dans le pays, qui reçoit toujours un blanc-seing des pays occidentaux pour son fonctionnement liberticide. Il suffit de prendre l’exemple de Leyla et Asif Yunus, militants des droits de l’homme. Elle est la fondatrice de l’Institut pour la paix et la démocratie et ils ont œuvré pour la réconciliation entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Détenus en 2014 et condamnés à huit et sept ans de prison, ils demanderont l’aide de la France. François Hollande dira avoir « évoqué » le sujet avec Aliev. Les contrats d’armement étant les enjeux de cette rencontre, entre autres, les droits humains sont passés à la trappe. Leyla Yunus avait reçu la Légion d’honneur en 2013… La performativité du discours nationaliste d'Aliev a-t-elle produit les effets souhaités ? Oui, si l’on considère que la majorité de la population est d’accord pour mener une guerre contre l’Arménie. Mais ces mêmes actes illocutoires créent des réactions dans le camp adverse : Arménie et diaspora. Puisque les droits humains, la vie des civils, la paix des peuples ou les minorités ne semblent intéresser personne, on aurait pu croire que pour développer, ou faire aboutir, le projet de contrôle des routes d’approvisionnement gazier et pétrolier, Aliev aurait privilégié l’absence de conflit à sa porte. Les Européens ont misé beaucoup sur le TAP (Trans Adriatic Pipeline) pour assurer leur sécurité énergétique, cela à un coût de 400 millions de dollars. Il est vrai que les formes de conflictualité et de violence qui sont apparues dans cette zone géographique n’ont pas suscité un grand intérêt, y compris dans le domaine des sciences sociales et on n’y voit guère plus que le combat d’identités essentialisées qui commencent à agacer tout le monde parce que cela interfère sur des questions économiques ou de géopolitique. Mais les sources humaines et sociales sont totalement négligées. Dans ce ou ces discours nationalistes, l’autre est l’étranger, l’incarnation de l’ambivalence parfaite. C’est « la rationalité du mal » (Zygmunt Bauman) qui est mise en avant dans ce processus pour arriver à justifier une guerre sans jamais vouloir saisir les motivations, autres qu’ethniques, de ce conflit. Pour des raisons certes rationnelles : sécurité énergétique européenne, vente d’armes et autres, le but, la fin et les objectifs sont envisagés en dehors de toute considérations morales. Quels sont les facteurs qui freinent ou favorisent un règlement de ce conflit ? Les réponses sont multiples et traversent les champs de différentes disciplines des sciences sociales et de l’histoire. La bibliographie permet d’aller plus loin si on le souhaite. De tout évidence, et à juste titre, aucun Arménien du Haut-Karabagh ne retournera sous le joug de l’état azéri, soutenu en cela par une diaspora mondiale qui met là tout le potentiel et l’énergie dont elle dispose, comme une suite logique de la cause arménienne. D’autant plus que les propos de Aliev et de Erdogan se font écho. Ce conflit a très certainement changé la perception de soi d’une partie de la diaspora arménienne qui n’est plus décidée à correspondre soit à ce que l’on pense d’elle (victime ad vitam aeternam), ou à ce que l’on attend d’elle : se contenter d’actes compassionnels. Le Haut-Karabagh a toujours été un foyer ancestral de résistance et cet exemple a, semble-t-il, fait des émules. Il reste à organiser de manière collective, cohérente et stratégique, les communautés arméniennes afin de porter, là où nous sommes, la parole des minorités oubliées par l’ordre international. BIBLIOGRAPHIE "nationalisme" Anderson, Benedict R. O'G. 2006. Imagined Communities : RefleclÎons on the Origin and Spread ofNationalism. Londres et New York: Verso. Balibar, Étienne, et Immanuel Wallerstein. 2007. Races, nations, classes. Les identités ambiguës. Soliman Lotfallah, La Découverte. Paris: La Découverte. Ballinger, Pamela. 2009. «Cleansed of Experience? Genocide, Ethnie Cleansing, and the Challenges of Anthropological Representation». In Genocide. TrU/h, Memory, and Representation, Alexander Laban Hinton et Kevin Lewis O'Neill. Durham et Londres: Duke University Press. Bayly, Christopher A. 2007 [2004]. «Nation, Empire, ethnicité, des environs de 1860 à 1900». In La naissance du monde moderne, p. 327-400. Paris: Les Éditions de l'Atelier / Éditions ouvrières. 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