Le film d'Avo Kaprealian, "Houses without doors", vient d'être primé au festival du film de Turin. Entre long métrage et documentaire, le film est tourné du balcon de l'appartement familial du quartier arménien d'Alep, tableau désabusé d'une communauté ancrée depuis le moyen âge dans cette ville.
Le cinéaste Arméno-Syrien capture la vie quotidienne, la peur et l'incertitude qui gagne la ville. Le père qui reproche à son fils de mettre la famille en danger et la mère qui le soutient en se confiant sans restriction devant la caméra participe de cette histoire d'amour, de mort et d'exil dont le peuple arménien est coutumier.
Entre "homeland" et "l'eau argentée", films qui racontent les conflits d'Irak et de Syrie, le film d'Avo Kaprealian met l'accent, sans concessions, sur les réactions face à un conflit. Ce n'est pas tant la guerre elle-même qui est décrite, mais la réaction des humains et les tragédies qui découlent de cette folie meurtrière.
C'est une réflexion complexe et esthétiquement raffinée sur l'art de filmer un événement en devenir, lui restituant le sens et la profondeur de l'histoire. Utilisant parfaitement un matériel audiovisuel, notamment des documents d'archive, Avo Kaprealian réussit à faire comprendre pourquoi pour la communauté arménienne d'Alep, cette guerre, ces départs forcés vers l'exil sont la mémoire ravivée de l'exode de 1915 et de la fuite pour la survie.
Son film raconte l'archive, mais pas seulement. Au travers du présent agonisant de tout son pays, il permet de mettre en imaginaire une expérience vécue et pénible.
Le peuple Syrien devient ainsi le nouveau "prototype" de l'anéantissement au 21 ème siècle, pris au piège d'une guerre qui oscille entre guerre froide par procuration dans un monde multipolaire, silence embarrassé des occidentaux pour ce conflit "peu présentable" et la tragédie humaine de tout un pays.
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