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  • La cause juste, le double standard et le pragmatisme dans les relations internationales

    Alain Navarra-Navassartian. PhD Histoire de l'Art, PhD Sociologie La guerre en Ukraine, la crise qu’elle suscite à bien des niveaux dans le monde occidental et son traitement par les instances internationales appellent à quelques réflexions. Il faut préciser le point de vue à partir duquel nous menons ces considérations : une association intervenant dans le domaine de la culture et des droits humains dans le sud Caucase et enTurquie ayant d’autre part comme président et directeur des français d’origine arménienne. Hyestart s’est engagée, notamment, pour la préservation du patrimoine culturel arménien en Artsakh, au travers du réseau de son board, aussi bien auprès des instances européennes, que de l’ONU ou d’autres organismes internationaux. L’Union européenne vient de signer une résolution sur ce patrimoine culturel le 10 mars 2022, reste à savoir quels résultats effectifs aura cette résolution. Mais là encore, la temporalité de la décision, même si nous ne pouvonsque nous en réjouir, ne cesse d’interpeller. QU’EST-CE QUI CHOQUE LA CONSCIENCE DE L’HUMANITÉ ? Carl Schmitt, auteur grandement discuté, écrivait : « On continue à dire qu’une guerre ne devrait être menée que ex justa causa : mais c’est là une évidence qui n’engage à rien, puisque tout souverain prétend être dans son droit et avoir raison ; que des motifs de propagande suffisent à lui interdire de tenir un autre langage ». Les conflits se suivent, ne se ressemblent pas et ne génèrent pas les mêmes indignations : les conflits en Syrie, au Yémen, en Libye, en Somalie, au Darfour, ou en Artsakh n’ont pas eu le même traitement que ceux au Kosovo ou en Bosnie. Qu’est-ce qui fait intervenir un État, se réveiller une opinion publique ou prendre fait et cause pour un peuple en danger ? Il faudrait tout d’abord se poser la question de «la conscience de l’humanité » qui reste à définir tout comme le contexte, le lien et le temps dans lequel s’échafaude ou s’exprime cette conscience. Pourquoi une telle mobilisation pour un conflit et un silence, parfois coupable, pour un autre ? Il est évident que beaucoup d’Arméniens de l’Artsakh (comme de non Arméniens, d’ailleurs) ont souligné cette différence de traitement. Il ne s’agit évidemment pas de faire une hiérarchisation des victimes, ce qui serait abject, mais de réfléchir aux processus qui contredisent la prétention à l’universalité des droits humains et qui ne semblent s’appliquer qu’à certaines conditions. On ne peut que constater que chaque fois qu’un droit fondamental est bafoué ou violé, il ne déclenche pas la même batterie d’intervention. Encore une fois il ne s’agit pas de minimiser, un seul instant, la douleur, l’absurdité et le tragique qui s’abat sur la population ukrainienne. Nous nous battons depuis des années sur différents fronts des droitshumains pour ne pas penser qu’il y a des malheurs majuscules et des souffrances mineures. Ce qui nous a interpellé, par contre, c’est dans le compte rendu des évènements de ces conflits, par exemple, la différence du traitement du discours politique de certains pays occidentaux ou la différence qui s’applique envers les régimes autoritaires aux origines de ces conflits. L’intervention de l’État russe n’a jamais été discutée, il était clairement établi qui avait tort. Dans le cas de la guerre azéro-arménienne, l’intention de l’État azéri sur la population arménienne du Haut-Karabagh n’a jamais soulevé aucune inquiétude. Et ceci malgré des discours performatifs du président Aliev particulièrement agressifs, ou des actes de violence envers le patrimoine culturel arménien, malgré le cessez-le-feu. C’est pourquoi nous nous sommes interrogés sur ce que l’on considère les mauvaises intentions d’un État et selon quels critères ? Si nous devons parler d’intentions, les pays occidentaux ont fait preuve de beaucoup de bonnes intentions qui se sont exprimées par des discours qui articulaient faits et évènements en faveur du président Aliev. Dire l’évènement a été un enjeu de taille dans ce conflit. Il fallait bien démontrer la soi-disant inintelligibilité du processus qui a amené à ce conflit qui était montré comme seul conflit territorial alors que sa complexité était niée. (cf.textes Hyestart). Dans le conflit russo-ukrainien, la présentation du pouvoir de Poutine par l’Occident repose, à juste titre, sur la domination et l’acceptation par ce pouvoir d’un type de légitimité reposant sur des valeurs et des normes privilégiant l’usage de la violence, mais qu’en est-il du pouvoir de Aliev ou de Erdogan par exemple ? On n’a jamais rencontré le même tollé général contreles logiques violentes du président Aliev. Tout en précisant qu’il existe des rationalités diverses dans les causes des guerres. Le mot « démocratie » utilisé à l’envie dans les programmes post-conflits proposés aux Arméniens d’Arménie fonctionne comme un « signifiant imaginaire « que l’on peut opposer aux totalitarismes (quant aux Arméniens de l’Artsakh, leur sort semble scellé, par le gouvernement arménien lui-même, qui ne cite plus le statut qui attend cette population qui est pourtant en danger de mort). L’articulation de la démocratie et des contingences du néolibéralisme est le produit d’une histoire occidentale et son universalité n’est pas facilement reproductible, alors dans certains cas, il s’agit moins, d’offrir une possibilité de discussion ou de médiation qu’une affirmation et une décision péremptoire à des populations qui dérangent la politique du double standard parleurs revendications déplacées. Il n’y aurait de droit que dans un ordre guerrier ? Mais si la guerre est devenue le « crime » par excellence, il faudrait que, quel que soit celui qui la mène,il soit défini comme un criminel. Pourquoi le déploiement de la force militaire russe met en danger les normes légales et rationnelles mises en place par l’occident et pas dans le cas d’autres régimes autoritaires ? Ces doubles standards, à l’œuvre dans les politiques occidentales permettent à ces régimes d’interdire la pratique éthique et politique de la reconnaissance de l’autre et de favoriser le discours antagoniste ami/ennemi, de définir l’ennemi par sa nature et pas seulement par ses actions. ETHIQUE DES RELATIONS INTERNATIONALES ? On a longtemps cru que, dans un monde interdépendant, une guerre serait trop coûteuse, même pour la Russie, il va falloir réviser notre jugement. Le monde des « commerçants » semble s’opposer à un autre, celui des « héros protecteurs et virils ». Je n’ai pas les compétences pour analyser ce conflit, mais on pourrait juste souligner que l’Occident ne semblait pas semblait ou ne voulait pas être trop « choqué » par les victimes civiles dans les deux camps durant la guerre russo-ukrainienne de 2014-2015. A présent l’Ukraine est devenue l’enjeu, sa population, la victime de perceptions divergentes et peut-être irréconciliables entre un occident qui désigne ses « méchants » et s’offre une « guerre juste » et la Russie qui craint que l’Ukraine soit une « arme occidentale ». Mais ce qui nous intéresse ici, c’est de souligner que l’ordre international implique, évidemment des règles et des normes qui sont censés agir sur le comportement des acteurs du système mondial, mais que cela est à géométrie variable et se résume à de simples stratégies de puissance, comme dans ce conflit russo-ukrainien. Qu’y peut y croire encore, si l’on avance une éthique des relations internationales ? Pour les populations arméniennes de l’Artsakh, libyennes, ou syriennes ces traitements différenciés sont un déni d’égalité qui mettent en question les conceptions universelles de justice. Comment alors pouvoir définir ce qui est commun ? C’est une expérience de la discrimination particulière, puisqu’on renvoie ces populations au fait qu’elles ne sont pas égales en droit à d’autres. Je prendrais un seul exemple : la demande de gratuité totale des transports publics pour les réfugiés ukrainiens. Pourquoi pas la gratuité totale des transports pour l’ensemble des réfugiés ? Il suffit de lire les déclarations des politiques bulgares ou hongrois pour comprendre de quelle discrimination on parle. Cette guerre aura un coût élevé pour les Ukrainiens avec ses milliers de victimes et les réfugiés, pour la Russie également mais aussi, symboliquement pour le monde occidental : le modèle de justice et les représentations que les sociétés occidentales se font d’elles-mêmes est remis en cause. Le maintien de la paix et de la sécurité est au cœur des relations internationales, mais entre interventions musclées ou incohérentes, entre opportunisme et « guerre juste », entre bonnes intentions et intérêts économiques, le pragmatisme l’emporte souvent sur le principe de justice qui devrait prévaloir, c’est du moins ce que l’on nous répète à l’envi. Si on s’intéresse à l’intervention internationale ces dernières années (sanctions, déclarations, intervention militaire, etc.), on ne peut que constater une politique marquée par le double standard. Les éléments discursifs ou les moyens utilisés sont variables selon les intérêts en jeu. Il suffit de comparer les situations de crise et leur traitement au Kosovo, au Darfour, en Somalie ou au Congo. On ne peut donc plus s’étonner que l’on s’interroge sur le traitement équitable des crises par la « communauté internationale ». Expression qui semble exprimer une conception harmonieuse du système international par la mise en vigueur de ses forces unificatrices, mais qui est des plus ambigüe. Il ne s’agit pas d’être naïf et nous sommes conscients que les interventions internationales sont sujettes aux contingences du moment. Et nous entrons dans le champ miné de la morale et de l’éthique. Mais il y a ce que Weber appelait la « morale de la responsabilité » qui devrait dépasser le simple raisonnement comptable, et j’entends par comptable, pas seulement les intérêts économiques, mais aussi les visées idéologiques, comme la partition ami/ennemi que nous vivons en ce moment même au travers de cette guerre désastreuse. La rhétorique creuse de l’intervention juste et son inaccomplissement (il ne semble pas y avoir de troupes occidentales engagées dans le conflit russo-ukrainien, par exemple) qui crée des attentes dans l’opinion mondiale comme chez les victimes, jette un discrédit sur le concept et ne peut rendre que suspicieux toutes motivations réelles ou supposées des états et des organisations internationales. L’ensemble de l’équipe de Hyestart a pu constater combien le discours et l’attitude des divers hommes et femmes de pouvoir que nous avons rencontrés, concernant la défense du patrimoine culturel arménien, étaient lié à divers intérêts autre que le respect des droits humains, sans pour autant mettre en doute leur bonne volonté. DANGER DU DOUBLE STANDARD Il est aisé pour les États autoritaires de pointer du doigt la façon dont les pays occidentaux ne respectent pas les valeurs qu’ils prônent, leur permettant de justifier leurs propres violations graves des droits de la personne. L’absence d’éthique dans l’engagement ne fait qu’apporter des arguments aux leaders des régimes autoritaires (tout système politique, qu’il soit démocratique ou autoritaire, doit conserver un certain niveau de légitimité afin d’assurer sa persistance sur le long terme) qui s’appuient sur les manques, les tergiversations ou les incohérences de certaines interventions ou non interventions des pays occidentaux. Les différents épisodes qui ont conduit à cette guerre russo-ukrainienne le démontre assez : les réactions, les discours ou les actes mêmes des pays occidentaux dont les USA après la guerre de 2014-2015 ont conduit Poutine à établir un discours nationaliste de mise en danger du pays par les forces occidentales prêtes à « envahir la Russie », discours qui permet aussi, de maintenir la croyance que les institutions politiques existantes sont les plus adéquates pour la société dans ce moment de crise. Ainsi, le discours nationaliste soutenu par des stratégies de légitimation pointe facilement les manques de la prétention universaliste occidentale. Les revendications de légitimité, bien formulées et orchestrées, deviennent un outil efficace pour orienter les perceptions de légitimité de la population en général. Les modes d‘engagement des membres de la communauté internationale entraînent des répercussions dans les pays à régime autoritaire, on le constate en Russie, mais aussi en Azerbaïdjan ou en Turquie. Les défaillances du système universaliste occidental autorisent des revendications de légitimité fondées sur l’idéologie. Le nationalisme permettant d’écrire un récit exclusif qui souligne la position particulière de la nation (russe, turque ou azérie) par rapport aux autres pays. On comprend que la stabilité mondiale est fondée sur la conciliation entre les principes éthiques universels et les asymétries de pouvoir. Ce pouvoir qui semble s’éloigner de l’Occident puisque de nombreux pays se soustraient à la portée des normes mondiales sur les droits humains, la justice pénale internationale, l’État de droit, etc. Il y a donc un réel intérêt à renforcer un ordre mondial fondé sur des règles, des normes et des valeurs, mais il ne s’agit pas de l’affaiblir en continuant à soumettre les « autres » à des normes tout en s’en dispensant ou en démontrant une indignation éthique sélective à a fois des gouvernements mais aussi des commentateurs et des institutions internationales. Le décalage entre rhétorique universaliste des principes de l’Occident et la poursuite particulariste des intérêts économiques, géopolitiques et autres devient de plus en plus insoutenable. Comment vouloir, alors, incarner un « leadership moral » ? L’ÉTHIQUE ? L’architecture normative dominante de l’ordre international se fait par le jeu du pouvoir, mais aussi des idées et des valeurs. Tous les conflits sont sous-tendus par des contestations éthiques, la lutte pour le pouvoir est sous-tendue par des contestations éthiques. Mais la société internationale ne semble pas homogène en matière des droits humains, on brandit, certes, des rapports onusiens, d’Amnesty international ou de Human Right Watch pour sermonner certains pays, mais pas d’autres. La bonne conscience a la mémoire courte. L’histoire est pleine de ces épisodes sanglants ou de ces manquements aux droits fondamentaux de l’homme sans que l’on veuille s’y appesantir au nom de concept glissant comme l’équilibre des forces, je ne peux que citer le remarquable ouvrage de Gary. J.Bass, professeur de sciences politiques à Princeton : "The blood telegram. Nixon, Kissinger and a forgotten genocide" qui pointe avec un regard nuancé, mais sans complaisance, la juxtaposition de la géopolitique et de la crise humanitaire, durant les évènements qui touchèrent le Pakistan en 1971. Mais nous punissons Assange, Chelsea Manning ou Snowden. Des millions de Syriens ont été jetés sur les routes de l’exil, des millions d’euros ont été payés à la Turquie pour « garder » ces réfugiés. Un ministre bulgare décrit les réfugiés ukrainiens comme « intelligents, éduqués, et hautement qualifiés» et les compare aux « autres ». D’autres leaders européens soulignent qu’ils sont européens et donc qu’il ne se trouve aucun terroriste parmi eux. Il ne s’agit pas de comparer les douleurs, les drames et la tragédie que vivent les réfugiés de tel ou tel pays, ce serait honteux, mais de relever que le double standard de la prise de position crée un droit légitimé par l’Occident à offenser, agresser ou exterminer certaines populations et pas d’autres par des régimes autoritaires « adoubés » par le monde occidental. Il est évident qu’étant un individu d’origine arménienne, je ne peux que relever la différence de traitement pour la population arménienne de l’Artsakh : peu ou pas de réactions à l’utilisation d’armes chimiques, à l’utilisation des mercenaires syriens, aux scènes de torture sur la population civile, etc. Une valse-hésitation qui permettra à Aliev de mener sans problèmes sa politique agressive contre la population arménienne du Haut-Karabagh. Je ne reviendrai pas ici sur les inconséquences du gouvernement arménien (cf texte blog Hyestart). L’effort de sécurité a été partial et exclusivement en direction de l’Azerbaïdjan, ce qui a permis de façonner la réalité dans la logique étroite de la présentation des faits par l’État azéri. Harry Truman se plaisait à dire qu’il ne pouvait y avoir « aucun compromis avec le mal », vraiment ? Joe Biden qualifiait Poutine de « tueur » avant l’attaque contre l’Ukraine, dans un discours qui montrait les traces du passé de la guerre froide, mais pas un mot sur d’autres « tueurs » autorisés. Le spectacle du « moi bienveillant » contre « l’autre malveillant » se joue toujours avec succès. Les relations de pouvoir sont impliquées par un certain nombre d’idées, d’intérêts et de compréhension partagés en termes d’aspects culturels, raciaux, géopolitiques, militaires et économiques. Hyestart s’est battu sur bien des fronts pour faire prendre conscience du danger encouru par le patrimoine arménien du Haut-Karabagh et par la population, mais il faut reconnaître que nous avons souvent soulevé un certain agacement. La volonté des institutions internationales d’engager des ressources pour condamner et agir contre l’oppression et la violation des libertés d’un peuple s’effectue plus en fonction des relations économiques, militaires ou géopolitiques qu’en fonction des droits humains bafoués. D’autant plus que dans le cas de la population arménienne du Haut-Karabagh, le gouvernement arménien semble ne vouloir en rien déranger un processus néo-libéral de pacification de la région après avoir perdu ou joué - comme on voudra - la vie de 5000 personnes dont la plupart étaient de jeunes gens. Il n’en reste pas moins que ces jeux de pouvoir internationaux ont pour effet l’invisibilisation de la souffrance de certaines populations. La vision de ce qui est le « mal » semble donc intentionnellement articulé pour servir de moyen de façonner nos attitudes politiques et notre imagination sur la façon dont nous voyons, pensons et agissons sur les questions de sécurité. L’ensemble articulé par de fortes interactions entre des acteurs privilégiés : États, médias, élites économiques, etc. Mais à ce jeu de la définition des ennemis à vaincre ou des violations qui ont le droit à notre attention, nous finissons par bafouer nos propres valeurs et en fin de compte nous mettre en danger. Que l’on me comprenne bien, je ne défends pas Poutine ou un autre leader de régime autoritaire, mais je m’interroge juste sur la différence de traitement (militaire, humanitaire, médiatique, etc.) pour des situations similaires qui font des milliers de victimes, font des populations entières de réfugiés et mettent à mal des concepts fondamentaux : exclusion/inclusion, démocratie, citoyenneté, confiance/méfiance, place de l’individu et conscience individuelle dans la société. SANCTIONS OU LOGIQUE DU COMPROMIS ? Nous arrivons, ainsi, à une politique de l’UE pour les droits humains qui est criblée d’incohérences, voire d’inefficacité et qui mine des résultats notables. L’Union européenne est l’union économico-politique qui prend le plus de sanctions à l’étranger mais très peu, voire jamais dans son propre espace. Même en cas de violations de droits fondamentaux, le cas de la Pologne ou de la Hongrie en sont les parfaits exemples. Aussi on ne peut que constater le décalage entre l’idée même de sanctions et toute la politique européenne de compromis et d’accommodement mutuel. Si il y a une importante littérature scientifique sur l’environnement structurel dans lequel la politique commune de sanction a émergé (cf.Bibliographie) il y en a peu sur la légitimité et le caractère approprié de la politique des sanctions de l’UE en général. En fait, il ne s’agit pas de sanctions économiques ou d’ostracisme traditionnel, le fait de faire une chasse aux artistes russes, de leur interdire des représentations ou d’annuler des évènements artistiques ou de supprimer un cours sur Dostoïevski ne semble pas être le meilleur moyen de soutenir les opposants au régime de Poutine qui ont pris des risques ces derniers jours et parmi lesquels se trouvent un grand nombre d’artistes et d’acteurs du monde culturel et intellectuel. Ces sanctions ne peuvent que conforter une population qui, au travers des discours nationalistes du Kremlin, voit le monde occidental comme l’éventuel envahisseur et destructeur de la civilité russe. On aura compris que notre interrogation porte sur le fait que le monde occidental se montre si conciliant avec certains régimes autoritaires et pas avec d’autres. Bien sûr, on pourra avancer « la casuistique des décisions », la nécessité du compromis. On pourra même, puisque l’on parle d’éthique, dire qu’il ne s’agit que d’une pastorale pour les dévots des droits humains. Mais, on pourrait aussi insister sur l’intersection nécessaire entre éthique et politique. Prendre la mesure des phénomènes de puissance qui caractérisent les relations internationales ne doit pas signifier, pour autant, que l’éthique soit hors propos, mais devrait nous amener à repenser la manière dont s’articulent ses exigences avec le réalisme de situations données. Ce que posait clairement une des grandes figures des sciences politiques, Stanley Hoffman : "Etant donné la nature de la politique internationale et les contraintes qui s'exercent sur toute politique étrangère, quelles sont d'une part les limites morales que les acteurs (États, organisations internationales, régionales, acteurs transnationaux...) doivent respecter et d'autre part les objectifs moraux qu'ils doivent se fixer ?". Pour rappel, il fut l’un des premiers à plaider pour une éthique des relations internationales. Poutine offre un grand avantage au monde occidental : on peut définir clairement son régime, sans ambiguïté. Mais qu’en est-il pour les « partenaires » nécessaires dans cette période de conflits autour des énergies, comme la Turquie ou l’Azerbaïdjan ? De quel régime parle-t-on ? De « démocrature » terme popularisé par Pierre Hassner ? Mais les renégociations perpétuelles face aux contraintes du réel, si elles ne sont pas tempérées par une éthique du politique, peuvent conduire à n’avoir qu’une représentation purement instrumentale de la démocratie et de ceux qui l’incarnent. Nous ne serions plus que dans des « post-démocraties », néologisme formalisé et popularisé par le sociologue britannique Colin Crouch qui l’applique à un système politique qui derrière les apparences de la démocratie prive le peuple de son rôle politique, une pseudo démocratie privée de toute substance. Concept utile pour décrire l’affaissement, et le sentiment d’impuissance et d’éloignement que les peuples ressentent à l’égard de leurs gouvernants. La montée en puissance des firmes transnationales, des organisations internationales et de la technocratie signe l’invasion des intérêts et des normes privées au cœur de la sphère publique et des appareils d’État. Il ne s’agit pas d’avoir une conception naïve de la nature humaine qui défendrait un finalisme des valeurs mais il faut bien noter que le jeu des intérêts géopolitiques, économiques, énergétiques et autres conduit à une séparation croissante entre ordre du marché et ordre des droits humains. Qui pourra croire encore à la loi internationale, si tous les jours, nous constatons que l’impunité de certains soutenue par les déroutes stratégiques occidentales laisse le champ libre à des crimes commis par des États félons ? La détermination occidentale face à l’attaque russe est importante puisqu’il faut de la détermination pour affirmer des valeurs, mais cette affirmation doit être la même face à tous ; si nous n’acceptons pas que ce soit l’autorité qui édicte la loi mais la vérité, alors nous devons appliquer ce précepte à tous, et pas seulement au méchant désigné. Quelle exigence de justice avons-nous ? Nous contenterons-nous d’articuler des théories normatives qui puissent guider notre comportement en systématisant nos jugements moraux, afin de produire des réponses moralement correctes ? Une sorte de réalisme moral. Mais la morale ne se conçoit pas sur le modèle de la législation, il est important de la ramener à nos pratiques, nos motifs d’agir ou pas. Il est normal de réagir et d’agir devant des centaines de milliers d’individus chassés de chez eux, devant les atrocités de la guerre en Ukraine, mais il est tout aussi nécessaire de se révolter contre les atrocités et les crimes de guerre commis dans le Haut-Karabagh contre la population arménienne, au Yemen, en Libye ou en Syrie. BIBLIOGRAPHIE Littérature anglo-saxonne Bass GJ (2013) The Blood Telegram: Nixon, Kissinger and a Forgotten Genocide. Alfred A, Knopf, New York. Christopher Hill, The Changing Politics of Foreign Policy, Palgrave Macmillan, Basingstoke, 2003. Katzenstein, Peter and Rudra Sil, Beyond Paradigms: Analytical Eclecticism in the Study of World Politics, Palgrave Macmillan, New York, 2010. David Cannadine, The Undivided Past: History Beyond Our Differences (Allen Lane, London, 2013). Frost M (2008) Global Ethics: Anarchy, Freedom and International Relations. Routledge, London. Ward B (2012) Europe's Own Human Rights Crisis. Human Rights Watch, New York. 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  • A l'occasion de la sortie de "3è sexe" de JC Tekgyozyan, interview avec la traductrice A. Avetissian

    Interview menée à Erevan par Alexis Krikorian, directeur de la bourse de traduction de Hyestart, à la fin septembre 2021. Q. Bonjour Anahit, peux-tu nous parler un peu du livre que tu as traduit, « Troisième sexe » de Jean-Chat Tekgyozyan et qui sort aux éditions Belleville (Paris) le 8 octobre 2021 ? De quoi ce livre parle-t-il, quelles sont ses thématiques ? R. Comme l’annonce le texte du livre lui-même (juste après les dédicaces), c’est une histoire semi-documentaire de quatre accidents survenus. C’est à la fois une description assez juste, mais également très trompeuse. Car si le lecteur s’attend à une évolution linéaire d’un sujet, décrit avec un style documentaire, il sera forcément déçu. On a effectivement quatre protagonistes, et le livre d’ailleurs est composé de quatre parties, chacune portant le nom de l’une d’entre elles. Les hommes, eux, ont des rôles somme toute ponctuels et relayés au second plan. Et donc, les quatre parties du livre parlent à travers les voix de ces quatre femmes, aux tonalités et rythmes très différents les uns des autres. Et même si les personnages sont bien réels, des actrices assez connues par au moins une partie de la société, les histoires qu’elles racontent sortent de l’individuel et parlent finalement du rôle et de la place de la femme dans nos sociétés, à des périodes différentes. Q. Lors de sa sortie à Erevan, le livre avait fait un mini-scandale. Je me rappelle notamment d’un article dans le journal Herabarak où un lien avait été fait, me semble-t-il, avec la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Alors que le débat faisait rage sur la ratification ou non de la Convention par l’Arménie, le ou la journaliste, qui n’avait même pas lu le livre, avait assumé que le livre était un livre militant pour la Convention, c’est bien ça ? R. Il est vrai que le titre peut prêter à confusion. Moi-même, quand je ne l’avais pas encore lu et que je n’avais vu que le titre, j’avais pensé qu’il traitait des sujets LGBTQ. Il n’en serait pas moins intéressant, bien entendu, mais il se trouve que ce n’est pas le cas, et le fait de critiquer le livre en se basant juste sur son titre est révélateur d’une société. Ou au moins d’une partie de celle-ci. Et en particulier des journalistes pour lesquels faire le « buzz » est synonyme de « célébrité », alors tant pis pour le contenu. Alors que tous ces gens qui critiquaient le livre, et la Convention d’ailleurs, gagneraient sûrement à le lire, et à se poser des questions sur ces femmes qui vivent et qu'ils côtoient, mais qui ne peuvent pas être justes des femmes, qui appartiennent à un « troisième » sexe ou sexe « intriguant » comme le dit l’une des personnages du livre, car elles ne peuvent pas entrer dans les cases imposées par la société. Q. Tu as été membre du jury arménien du Prix de littérature de l’union européenne qui a décerné son prix à Aram Pachyan cette année pour son roman « P/F ». Tu avais également traduit en français un livre précédent de Aram Pachyan, «Au revoir, Piaf » sorti en 2020 aux Editions Parenthèses (Marseille). Y-a-t-il des points communs entre ces auteurs ? Dirais-tu qu’ils et elles constituent une nouvelle vague de la littérature arménienne ? Si oui, quelles seraient ses caractéristiques au plan stylique et autres et qu’est-ce qui la distinguerait d’une génération précédente comme celle de Vahram Martirosyan (né en 1959 à Gyumri)? R. Je ne suis pas critique littéraire, et il m’est difficile de dresser des généralités et de faire émerger des points constituants de telle ou telle vague. Mon impression personnelle est qu’il n’y a pas de tendance ou d’école à proprement parler. Les deux auteurs en question, et en particulier les deux œuvres que j’ai traduites, sont, pour moi, assez différents à la fois dans le style, le rythme et les sujets traités, à part qu’on pourrait dire que dans les deux cas c’est la condition humaine, en quelque sorte, qui est révélée, dans des circonstances particulières, mais n’est-ce pas propre à toute œuvre littéraire si l’on devait généraliser à l’extrême. « Au revoir, Piaf » d’Aram Pachyan, par exemple, me faisait penser, quand je travaillais sur sa traduction, au nouveau roman, avec son absence d’évolution linéaire de l’intrigue, ses répétitions des mêmes scènes, avec de subtils changements à chaque fois, qui nous font justement avancer dans la compréhension du texte, etc. Alors que le livre de Jean-Chat est complètement différent, même si l’on ne peut pas parler, dans ce cas non plus, d’une intrigue linéaire. Pour moi, si l’on devait parler d’un trait caractéristique de cette génération, ce serait la recherche ou l’expérimentation. La recherche du style, de la voix et l’expérimentation avec différents modes d’écriture. Q. De ton point de vue, comme se porte la lecture en Arménie ? Je me rappelle qu’en 2010, alors que je faisais une mission d’enquête pour l’Union internationale des Editeurs, il n’y avait que 5 ou 6 librairies à Erevan. Aujourd’hui il semble y en avoir beaucoup plus. Il y aussi des développements en ligne avec des initiatives comme Vlume. Est-ce juste un effet d’optique ou y-a-t-il vraiment plus de librairies, plus de points d’accès au livre et donc plus de lecteurs qu’il y a dix ans ? R. Il y a certainement plus de libraires à Erevan aujourd’hui, qu’il y a dix ans. Et c’est vrai aussi qu’on achète plus de livres aujourd’hui. Il est vrai que les livres les plus vendus appartiennent à la littérature de jeunesse. Mais ce n’est pas pour autant un mauvais signe pour moi. Si les enfants grandissent entourés de livres, on peut espérer qu’ils continuent à lire quand ils seront plus grands. Je ne suis pas tout à fait sûre que le confinement lié au Covid-19 ait nuit au marché du livre. Personnellement, je me rappelle avoir commandé tant de livres début 2020, surtout pour ma fille (de la littérature jeunesse, encore !) quand l’Arménie a connu son premier confinement, qu’on est encore en train de les lire. Certes, j’en avais commandé une partie de l’étranger, mais encore une fois, je pense que plus les gens liront, mieux le marché du livre se portera in fine. Q. D’après toi, comment a évolué l’édition arménienne sur ces 10 dernières années ? Les gouvernements successifs ont-ils mis en place une politique de soutien efficace ? On oserait dire une politique du livre ? R. Il existe certainement certains projets de soutien pour la publication des livres en arménien, ou pour la traduction, etc. Mais de là à parler d’une politique de soutien à l’édition, je ne le pense pas. Il suffirait de dire que malgré plusieurs efforts déployés par différents acteurs du livre pendant des années, le livre ne bénéficie d’aucun taux réduit de la TVA et est taxé à 20 %, comme tout autre produit commercial ! Q. Enfin, peut-être quelques questions sur ton domaine de prédilection, la traduction littéraire. Comment dirais-tu que la traduction a évolué ces dernières années en Arménie ? Y-a-t-il plus de traductions ? Cela semble être le cas des langues étrangères vers l’arménien (on pense ici à des maisons comme Zangak ou Antares qui publient énormément de traductions), mais est-ce aussi le cas dans le sens inverse ? Dirais-tu que le déséquilibre existant il y 10 ans s’est accentué, stabilisé ou a diminué ? R. Oui, le déséquilibre existe toujours, et je pense que c’est, en quelque-sorte, inévitable. Oui, on ne fait pas assez pour promouvoir la littérature arménienne à l’étranger, mais il faut garder à l’esprit qu’on est quand-même un petit pays et même si on a des auteurs de talent, et même si on fait beaucoup plus pour les promouvoir à l’étranger, il est évident que la littérature mondiale aura toujours beaucoup plus à nous offrir, et donc, il y aura beaucoup plus de traductions vers l’arménien que l’inverse. Q. Le centre PEN a été recréé en Arménie sous l’impulsion d’Arevik Ashkharoyan et de Armen Ohanyan, en bonne intelligence avec l’ancienne président Anna Hakobyan. J’ai participé il y quelques années à une réunion constitutive à Erevan, ainsi qu’à une réunion exploratoire à Francfort avec le directeur de PEN International, Carles Toner. Y-a-t-il au sein de PEN Arménie un comité de traduction et des droits linguistiques ? Ou sinon, est-il en projet ? Est-ce que cela pourrait, d’après toi, apporter une valeur ajoutée aux traducteurs et traductrices en Arménie ? Ou faudrait-il également créer une association spécifique dans ce domaine afin de promouvoir la défense des intérêts des traducteurs ? Il me semble qu’il y a eu des actions en ce sens en Arménie ? Sais-tu où on en est ? R. Effectivement, un projet de créer une association de traducteurs était en gestation depuis un moment déjà, justement par les efforts d’Arevik Ashkharoyan, parmi d’autres. Mais la guerre et toutes les conséquences désastreuses ont pris le dessus pour le moment. Et je pense qu’une association spécifique serait mieux placée, même si je ne minimise pas le rôle des comités au sein du PEN. Comme par exemple l’ATLF en France, très active, et qui est d’ailleurs membre du Syndicat national de l’édition (encore une entité qu’on aimerait bien avoir un jour chez nous). Il existe par exemple une association des interprètes de conférence en Arménie, qui n’est pas très connue, mais qui arrive quand-même à défendre des causes et à promouvoir, au niveau local, les droits des interprètes. Il serait bien je pense, pour les traducteurs littéraires, de se mobiliser à la fois pour défendre les intérêts des traducteurs et pour promouvoir la littérature traduite, de et vers l’arménien. Q. Enfin (c’est une vaste question), que faudrait-il faire d’après toi pour soutenir la création littéraire en Arménie et favoriser la traduction d’une production littéraire de qualité de l’arménien vers d’autres langues ? Au-delà de tout ce qui est déjà fait, dans le domaine de la promotion littéraire et de soutien à la traduction, n’ y-a-t-il aussi un travail d’enseignement à faire sur la création en langue arménienne elle-même ? On pense ici à des cours de « creative writing » par exemple (question subsidiaire : j’imagine que la littérature est enseignée lors du cursus scolaire en Arménie, mais la création littéraire est-elle enseignée à l’université par exemple ?). R. Ce travail en amont dont tu parles est certainement essentiel. Car il ne suffit pas d’avoir des projets de soutien et de promotion, ou de critiquer leur absence ou leurs manquements, encore faudrait-il avoir des créations de qualité, des œuvres que les maisons d’éditions étrangères seraient prêtes à publier et à diffuser. Car même avec une aide à la traduction, une maison d’édition qui se respecte devra d’abord apprécier le texte pour s’engager à partir à l’aventure avec ce dernier. Alors oui, des cours de « creative writing », des ateliers de traduction, des conférences de personnalités du monde littéraire ou de la traduction littéraire, etc., tout cela favoriserait certainement la création littéraire. Il faudrait aussi qu’on ait de bons critiques littéraires. Et là, ce n’est pas seulement une question de formation, mais aussi de culture. L’Arménie étant un petit pays où presque tout le monde connaît tout le monde, la critique littéraire a du mal à être acceptée comme quelque-chose d’objectif, comme une occasion de se voir de côté, de s’améliorer. C’est souvent perçu comme une critique tout court, une attaque personnelle. Et encore, quand c’est écrit et publié. Je connais des cas où la personne s’est autocensurée et n’a rien écrit sur tel ou tel texte, parce que l’auteur est un ami et qu’elle ne voulait pas le vexer. Donc, au-delà des anecdotes, il faudrait, encore une fois, avoir une approche générale, systématisée, favorisant toute la chaîne du livre, à partir de la création jusqu’à sa diffusion (et sa critique). Anahit Avetissian, merci. Plus sur le livre et pour commander: https://www.belleville-editions.com/produit/troisieme-sexe/ EAN 9791095604396

  • Conflit du Karabagh : Une paix juste respectant les droits des Arméniens est-elle encore possible ?

    Alexis Krikorian La guerre de 44 jours qui a ravagé le Karabagh à l’automne dernier a rabattu les cartes dans la région, marquant l’entrée fracassante de la Turquie dans le règlement d’un conflit vieux d’un siècle déjà si l’on ne met pas de côté la parenthèse soviétique. Cette guerre, menée par l’Azerbaïdjan avec le soutien plein et entier de la Turquie et de centaines de mercenaires djihadistes syriens, contre les Arméniens du Karabagh, fut d’une violence inouïe. Ces deux pays ont en effet décidé de prendre par la force et la violence le pouvoir dans un État sur lequel ils n’exerçaient aucun contrôle depuis au moins 30 ans et dont le statut international faisait l’objet de négociations dans le cadre du groupe de Minsk de l’OSCE (co-présidé par la France, la Russie et les Etats-Unis). Ce dernier, plus que passif pendant la guerre, après avoir laissé se développer une rhétorique haineuse anti-arménienne et revancharde pendant de si nombreuses années, essaie aujourd’hui, bien timidement (quelles pressions sur l’Azerbaïdjan dont un documentaire sur Arte vient de rappeler à quel point le pays avait corrompu les élites occidentales et européennes en particulier[1] ?), de reprendre la main, alors même qu’Aliev déclare à qui veut l’entendre que la question du Karabagh est désormais réglée, par la force. Pour Bakou et Ankara, il ne reste plus qu’à l’Arménie (harcelée qu’elle est tous les jours sur ses frontières, à l’intérieur même de ses frontières, dont on bloque les routes[2] ou incendie les forêts, etc.) qu’à reconnaitre l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et donc à reconnaitre la perte définitive du Karabagh et tout ce qui s’en suivra (dépeuplement et destruction du patrimoine arménien). A la tribune de l’ONU, à New York, Aliev a d’ailleurs enjoint la communauté internationale à ne plus utiliser le terme de « Nagorno-Karabagh[3] ». Ce conflit semble au final conjuguer à merveille le droit du plus fort, porté par la Russie, la Turquie et l’Azerbaïdjan, et la diplomatie du carnet de chèque et de l’ouverture des marchés portée par les Etats-Unis, la Russie et l’Union européenne au détriment des droits du peuple arménien à la vérité, à la justice, et à la vie sur ses terres ancestrales. Une réorientation fondamentale la politique étrangère de l’Arménie, sous la houlette de Pachinyan, et qui serait compatible avec les intérêts de toutes ces grandes puissances dans la mise en place d’une paix « néo-libérale » ou « néo-impériale » (définies plus bas) semble en effet aujourd’hui être à l’œuvre. Est-elle pour autant une fatalité ? Une guerre planifiée de longue date avec l’accord tacite de la communauté internationale ? Pour qui s’intéresse un tant soit peu à la politique internationale, il était évident que la Turquie et l’Azerbaïdjan (qui constituent, selon leur devise, « deux États, une nation ») allaient attaquer l’Arménie et avec quels buts de guerre ils allaient le faire. La force des images s’explique souvent par la capacité qu’elles ont à tout dire en un instantané. Il en va ainsi, par exemple, de la photo ci-dessous qui représente le logo d’exercices militaires organisés par la Turquie et l’Azerbaïdjan en 2019. Sur cette photo, bien évidemment, le Karabagh arménien n’est plus. Le sud même de l’Arménie a disparu, permettant de faire le lien entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, entre la Turquie et monde turcophone d’Asie centrale. Une bonne partie de l’Arménie a disparu, conformément aux revendications territoriales exprimées par Aliev à Bakou le 10 décembre 2020 sur le sud de l’Arménie, sur Erevan et sur le lac Sevan. Pour continuer de mettre la pression sur une Arménie défaite et déboussolée et marquer le caractère azéri du Haut-Karabagh, les armées des deux pays ont d’ailleurs à nouveau mené des exercices militaires de grande envergure dans la région de Kars, à proximité du nord-ouest de l’Arménie en février 2021[4]. C’est dans cette ville frontière que le maire, membre du Halklarn Demokratik Partisi (HDP, pro-kurde), avait été arrêté le 25 septembre 2020 en prémices à l’offensive azéro-turque du 27 septembre. De même, 10 mois après le cessez-le-feu, en toute illégalité et en toute impunité, des dizaines de prisonniers de guerre arméniens sont toujours retenus en otage par l’Azerbaïdjan afin de faire pression sur l’Arménie pour qu’elle fasse toujours plus de concessions à l’axe panturc. Des exercices militaires turco-azéris ont également commencé de l’autre côté de l’Arménie, près du couloir Latchine reliant l’Arménie au Karabagh[5], le 7 septembre 2021. Le lendemain, le 8 septembre, le Premier Ministre arménien déclarait qu’il était prêt à discuter avec la Turquie. Quelques jours auparavant, contre toute évidence, il déclarait déjà avoir entendu des signaux positifs de la part de la Turquie. En parallèle, on entend une musique monter dans certaines ONG arméniennes soutenues par l’Union européenne selon laquelle il faudrait que l’Arménie dépriorétise la question de la reconnaissance du génocide des Arméniens. Logo des exercices militaires turco-azéris de 2019. Le Karabagh n’est plus, la moitié de l’Arménie a disparu (s’est fondue dans le rouge turc) et le lien entre la Turquie et l’Azerbaïdjan est réalisé par le sud de l’Arménie qui n’existe donc plus. La guerre contre le peuple arménien, planifiée, fut totale, avec un recours à des moyens matériels et humains considérables. Les villes arméniennes du Haut-Karabakh, dont la capitale Stepanakert, ont été bombardées sans relâche. 80 % des bâtiments de la ville de Martouni ont été détruits ou endommagés[6], par les bombardements azéris. L’Arménie a perdu plus de 4 000 jeunes hommes en 44 jours de guerre[7]. Pour une démocratie de 3 millions d’âmes, c’est un lourd tribut. Un peu comme si la France, le Royaume-Uni ou l’Italie avaient, chacune, perdu 80 000 jeunes hommes sur une période de 44 jours. Sans compter les milliers de blessés (11 000) et de mutilés à vie par les armes les plus sophistiquées comme les drones kamikazes israéliens et les drones Bayraktar turcs. Le 10 novembre 2020, une déclaration de cessez-le-feu[8] aux clauses léonines a été imposée à l’Arménie. Cette dernière a perdu de nombreux territoires, dont la ville symbole de Chouchi, sans pour autant obtenir, bien au contraire, de garantie sur le statut du Karabagh, et ce malgré le sang versé. Le point 9 de la déclaration de cessez-le-feu sur le déblocage des liaisons économiques et de transport dans la région, notamment entre l’Azerbaïdjan et l’exclave du Nakhitchevan, ne cesse d’interroger sur l’effectivité de la souveraineté que l’Arménie aura à l’avenir sur le sud même du pays, à savoir la région du Syunik qui a été revendiquée à de nombreuses reprises par l’Azerbaïdjan, et ce depuis plusieurs années[9] et qui est en partie occupée par l’Azerbaïdjan depuis le printemps 2021. En 2025, l’Azerbaïdjan pourra par ailleurs demander le départ des 2 000 militaires russes qui sont venus se déployer dans ce qu’il reste du Karabagh dès le lendemain de la signature du cessez-le-feu. Les Arméniens du Karabagh seront alors à la merci d’un régime qui a érigé le racisme anti-arménien au rang de racisme d’État. Peu après leur victoire, le président azéri Aliev a déclaré que les Arméniens avaient fui comme des « chiens[10] », alors qu’Erdogan déclarait que « le chiffon » (le drapeau arménien) ne flottait plus dans le ciel du Karabagh qui était désormais embelli par « les étoiles et les croissants[11] » (les drapeaux azéri et turc). Lors de la parade de la victoire à Bakou le 10 décembre 2020 (journée internationale des droits humains !), Aliev a à nouveau réclamé comme sien la moitié de la République d’Arménie et Erdogan a entonné les louanges d’Enver Pacha, l’un des architectes du génocide des Arméniens, par ailleurs responsable du massacre de 10 000 Arméniens dans la même ville de Bakou en 1918. Les nombreux crimes de guerre de l’Azerbaïdjan ont été documentés. En voici quelques-uns : * utilisation de bombes à sous-munitions, * utilisation de munitions incendiaires, * décapitations, * recours à des mercenaires djihadistes syriens. Face à cela, plus de la moitié[12] de la population du Karabagh a fui les bombes et les massacres dont elle savait qu’ils auraient été inéluctables si les Arméniens du Karabagh avaient perdu l’ensemble de leur territoire[13]. Le 22 octobre 2020, l’association internationale des universitaires spécialisés sur les questions de génocide (IAGS) publiait en effet une déclaration sur la « menace génocidaire imminente provenant de l'Azerbaïdjan et de la Turquie contre l'Artsakh [Haut-Karabakh] »[14]. Dans des conditions normales, non marquées par l’impunité remarquable dont jouit l’axe Bakou-Ankara, l’Azerbaïdjan aurait déjà perdu, depuis fort longtemps, tout droit moral sur le Haut-Karabagh et ses habitants et la sécession remède aurait été décrétée avec force par la communauté internationale, comme cela fut le cas dans le passé récent pour le Kosovo ou Timor-Est. Le crime, dans le cas de l'Arménie, continue de payer, encore et encore. Alors, pourquoi les Arméniens et leurs droits pèsent-ils si peu dans la balance ? Pourquoi, dans leur cas, la souveraineté territoriale l’emporte-t-elle, pour reprendre une expression un peu surannée, sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Il y a plusieurs raisons dont deux sont absolument évidentes : - La Turquie est un membre « estimé » de l’OTAN[15] (laquelle organisation avait trouvé plus avantageux, dans le cas du Kosovo, de mettre en avant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). - L’Azerbaïdjan fournit du gaz et du pétrole à l’Europe, tout en y exerçant une stratégie d’influence grâce à des moyens financiers quasiment illimités. Le Trans Adriatic Pipeline (TAP), financé par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque européenne d’Investissement (BEI, banque de l’UE) et 17 banques européennes, l’un des projets les plus « stratégiques » d’Europe d’après ses promoteurs, a en effet commencé à livrer du gaz azéri à l’Europe, quelques jours seulement après le cessez-le-feu du 10 novembre 2020. Les principaux actionnaires du TAP sont la Socar, la société pétrolière et gazière d’Etat en Azerbaïdjan, BP, la SNAM (Italie), ENAGAS (Espagne), Fluxys (Belgique) ou encore, dans une moindre mesure, des cantons suisses comme Zurich ou Aargau. Le siège du TAP est domicilié dans le canton de Zoug (Suisse). Bpifrance (450 millions d’euros), Euler Hermes (280 millions d’euros) et SACE (700 millions d’euros) ont assuré la couverture d’une partie du financement du projet[16]. Bref, un concentré d’Europe qui explique sans doute en grande partie la « neutralité » affichée par les Européens (et les occidentaux) dans cette affaire, malgré les déclarations encourageantes (et malheureusement sans lendemain) d’Emmanuel Macron[17] au tout début de la guerre. Le même jour que Macron, Mike Pompeo, le Secrétaire d’État américain de l’administration Trump déclarait que le Karabagh était un « piece of real estate »[18], suggérant ainsi, je le crois, que le plus offrant pouvait s’en « saisir ». Comme on pourrait se saisir du sexe d’une femme, comme le revendiquait l’ancien « boss » de Pompeo à la Maison blanche. La chaine d’information américaine CNN[19]nous a par ailleurs appris que Trump, pendant son mandat, parlait avec Erdogan jusqu’à deux fois par semaine au téléphone. En 2019, la décision de Trump de retirer les forces américaines de Syrie, a ensuite permis à la Turquie d'attaquer les Kurdes. Eux, qui avaient pourtant aidé les États-Unis à combattre l’État islamique. Cette décision fut directement liée, d’après ce même article, à la capacité d'Erdogan à obtenir ce qu'il voulait de Trump au téléphone. Rappelons enfin que l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, Michael Flynn, avait écrit un article dans « The Hill », intitulé « Il nous faut voir le monde dans la perspective turque » le jour même de l’élection de Trump en novembre 2016[22]. Depuis, le titre de l’article a été modifié et une note de l’éditeur a été ajoutée : « Le 8 mars 2017, quatre mois après la publication de cet article, le général Flynn a déposé des documents auprès du gouvernement fédéral indiquant qu'il avait gagné 530 000 dollars l'automne dernier pour des travaux de consultation qui auraient pu aider le gouvernement turc. Dans ces documents, Flynn a révélé qu'il avait reçu des paiements d'Inovo BV, une société néerlandaise détenue par un homme d'affaires turc ayant des liens avec le président turc et qu'Inovo avait examiné le projet avant qu'il ne soit soumis au Congrès. Ni le général Flynn ni ses représentants n'ont divulgué cette information lors de la soumission de l’article ». Une administration Biden aurait-elle fait plus pour arrêter le bain de sang à l’automne 2020 ? La question mérite d’être posée tant le département d’État considère avant tout l’importance de la Turquie au sein de l’OTAN, alliance au sein de laquelle les deux pays utilisent, par exemple, la base militaire d’Incirlik, en Turquie, où les États-Unis disposent par ailleurs de 50 bombes nucléaires[23]. Il convient de noter ici que cette base militaire a en partie été construite sur des terres volées à des familles arméniennes pendant le génocide de 1915[24], lesquelles familles n’ont jamais pu obtenir justice aux États-Unis. Deux jours après la reconnaissance historique du génocide des Arméniens par le président Biden le 24 avril 2021, le secrétaire d'État Antony Blinken annonçait au Congrès[25] que l’Administration fédérale prolongeait une dérogation au Freedom Support Act permettant le maintien de l’aide militaire américaine à l'Azerbaïdjan, aide qui a grimpé sous l’Administration Trump à plus de 100 millions de dollars sur la période 2018-19 (contre moins de 6 millions de dollars en 2016-2017)[26]. Une somme colossale pour un pays pourtant riches en hydrocarbures comme l’Azerbaïdjan ! D’un côté, l’administration Biden a donc tenu parole en reconnaissant le génocide des Arméniens. Mais, d’un autre côté, elle l’a trahie en maintenant une aide militaire importante à l’Azerbaïdjan. Le candidat Biden avait promis d’y mettre en terme en raison du rôle d’ « instigateur » de ce pays dans la deuxième guerre du Karabagh[27] [28]. Ces décisions contradictoires vont, pour certains observateurs comme Michael Rubin[29], saper la confiance, réduire davantage encore l'influence américaine dans la région et pourraient même accroître la probabilité d'une reprise du conflit. Il avait vu juste, car 16 jours après cette prise de décision inique, l’Azerbaïdjan, encouragé dans son irrédentisme, envahissait le territoire arménien en plusieurs points, à l’aide de 1000 hommes environ[30]. Il convient en effet de noter que l’aide militaire est maintenue à un État qui nie le génocide des Arméniens avec force, qui détient encore, au moment où ces lignes sont écrites (septembre 2021), environ 200 prisonniers de guerre arméniens, qui détruit le patrimoine arménien au Karabagh (ou lui ôte son caractère arménien) et qui occupe le territoire arménien en plusieurs points[31]. En toute impunité. Le Département d'État avait dans un premier temps repris à son compte la désignation mensongère de l'Azerbaïdjan qui qualifie les prisonniers de guerre arméniens de « détenus »[32], ce qui a permis, de manière éhontée et en contradiction flagrante avec, par exemple, le rapport de Human Rights Watch du 19 mars 2021[33], de placer ces derniers en dehors de la protection du droit international, y compris de la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre. Avec retard, une déclaration conjointe de la co-présidence du groupe de Minsk (États-Unis, France, Russie) du 13 avril 2021 désigne enfin les prisonniers de guerre arméniens comme tels et demande leur libération[34]. Cependant, le discours fluctue. Dans leur déclaration du 5 mai 2021[35], par exemple, les co-présidents du groupe de Minsk, suite à la libération de 3 prisonniers de guerre arméniens, ne parlent plus de prisonniers de guerre mais seulement de « détenus » et de « prisonniers » . Dans ce contexte, que vaut la reconnaissance du génocide des Arméniens par l’Administration Biden qui, contrairement à son prédécesseur démocrate Barack Obama, a honoré sa promesse de campagne[36] sur cette question-là ? Cette déclaration présidentielle[37] est sans aucun doute un jalon important à tout le moins d’un point de vue moral. Dans le contexte d’une aide militaire massive maintenue à l’Azerbaïdjan, renforcera-t-elle pour autant l 'approche des États-Unis en matière de prévention des génocides (y compris culturels) et des atrocités de masse dans le sillage de la loi Elie Wiesel sur la prévention des génocides[38] ? Permettra-t-elle aux familles spoliées (comme celles de la base d’Incirlik en Turquie) d’enfin obtenir des réparations ? Permettra-t-elle de conduire à une reconnaissance universelle du génocide des Arméniens ? Permettra-t-elle d’aboutir à une paix juste dans le Caucase du Sud ? Ces deux décisions contradictoires de l’Administration américaine du 24 avril 2021, sur la reconnaissance du génocide des Arméniens, et du 26 avril 2021, sur le maintien d’une aide militaire à l’Azerbaïdjan, montrent que cette administration a cherché à ménager les intérêts de ses industriels et la question des droits humains en Turquie et dans la région. Au final, aurait-elle fait plus que l’Administration Trump pour arrêter le bain de sang à l’automne 2020 ? Probablement oui, même si rien n’est sûr, lorsque l’on voit la réaction timorée des États-Unis à l’invasion du territoire arménien en plusieurs points en mai 2021[39]. De la nécessaire reconnaissance du génocide des Arméniens par la Turquie elle-même La déclaration portant reconnaissance du génocide des Arméniens par les États-Unis en fait, à raison, une question de droits humains. Dans un monde qui commence enfin à s'attaquer à la question du racisme systémique, le but ultime de tout défenseur des droits humains est la reconnaissance du génocide des Arméniens par la Turquie elle-même, où les droits humains seraient alors enfin respectés. Dans un pays où l'appareil d'État s'enfonce plus que jamais dans une posture négationniste (un « institut de recherche » niant le génocide des Arméniens a par exemple été créé en juillet 2021 par le Conseil de l'enseignement supérieur de Turquie [40]), le chemin sera long. Il requiert l’engagement sans failles de petites ONG résolues comme Hyestart, ONG que j’ai cofondée avec le sociologue et historien de l’art Alain Navarra en 2017 dans le but de promouvoir la démocratie et les droits humains en Turquie et en Arménie[41], aussi bien que celui des plus grandes institutions tant gouvernementales que non gouvernementales. Nombreux sont ceux qui, y compris au sein des ONG, mettant les nationalismes turc et arménien sur un même plan, ont et continuent de faire, a minima, une erreur d’analyse. Car ne nous y trompons pas, c’est bien l’Arménie qui est la victime séculaire du nationalisme turc, le génocide de 1915 n’étant que le point culminant d’une série de massacres qui avaient commencé dès la fin du 19ème siècle sous le sultan Abdülhamid II[43]. L’histoire est indubitablement dans une forme de répétition. Abandonnée lâchement par l'occident, et dans une moindre mesure également par la Russie, qui a elle aussi affiché sa neutralité lors du conflit, les Arméniens ont à nouveau payé le prix lourd leur droit à la vie. L’impunité du génocide des Arméniens permet indubitablement l’inscription de la persécution des Arméniens dans la durée. Dans ce contexte, comme le relève la militante et philanthrope Anna Astvatsatuvian Turcotte, l’expression « nationalistes arméniens » a clairement été utilisée en occident (notamment dans les pays anglophones) en tant qu’arme contre les légitimes revendications des Arméniens à la justice et aux réparations. La carte ci-dessous est édifiante : elle illustre la réduction drastique des territoires de vie des Arméniens depuis le génocide de 1915, pris en étau entre ce qui allait devenir les Républiques de Turquie et d’Azerbaïdjan. Source : haymapa on Reddit. Face à cela, face aux mensonges éhontés des médias turcs et azéris (qui ont notamment affirmé que c’est l’Arménie qui avait attaqué le 27 septembre 2020, tout en étant sur place en Azerbaïdjan pour y faire des direct live !), face à une guerre de l’information payée à coups de millions de dollars, la neutralité affichée par les pays occidentaux pendant la guerre fut et demeure scandaleuse. Le moment choisi pour déclencher la guerre, l’élection américaine et la pandémie de Covid 19, ne peut en aucun cas constituer une excuse sérieuse à cette neutralité active, qui a pour conséquence de jeter l’Arménie dans les bras de la Russie plus qu’avant encore. Car quelle autre option ce pays sans ressource naturelle a-t-il pour assurer sa sécurité, alors que l’Azerbaïdjan et la Turquie menacent a minimade s’emparer du sud de l’Arménie ? Alors que « notre alliée » la Turquie construirait des bases militaires en Azerbaïdjan[44] [45]? L’Arménie prisonnière de l’ « Alliance russe » (qui a néanmoins, et c’est tout le paradoxe, le mérite d’exister) L’ « alliance » russe est pour l’Arménie une alliance captive au service de la relation turco-russe. En regardant la déclaration du ministre russe des Affaires étrangères Lavrov du 13 mai 2021[46], qui met en avant la déclaration tripartite du 11 janvier 2021 sur le développement économique de la région et ne condamne certainement pas l'intrusion d'Aliev en territoire arménien, on ne peut s'empêcher de se demander si les Russes n'ont pas donné une forme de feu vert à cette intrusion. Le soupçon est d’autant plus fort que l’ Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), l’organisation de défense sous l’égide de la Russie censée défendre l’intégrité territoriale de ses membres s’ils sont attaqués, dont l’Arménie, est restée les bras ballants tout au long de la crise. Le ministre de la défense du Bélarus, qui est également membre de l’OTSC, a rendu visite à l’Azerbaïdjan afin de signer des accords de coopération avec son homologue azéri le 20 mai 2021, en pleine crise pour l’Arménie[47]. La Russie n’a jamais condamné l’invasion du territoire Arménien soulignant ainsi, me semble-t-il, son unité de vue avec l’axe Bakou- Ankara dans la réalisation de son but de guerre : une liaison terrestre entre les deux républiques turques par le territoire arménien. La Russie a, historiquement, déjà cédé de nombreux territoires arméniens à l’axe Bakou – Ankara (le Karabagh, le Nakhitchevan, etc.). Que la démonstration soit faite de l’inutilité de l’OTSC pour ses membres non russe lui importe peu. L’Arménie est un sujet aux droits limités qui reste de toute façon captive de cette « alliance » sous domination russe. Car l’Arménie a-t-elle vraiment une alternative en matière de sécurité? On l’a vu, les États-Unis portent également une part de responsabilité dans cette débâcle arménienne : en maintenant son aide militaire à l'Azerbaïdjan - malgré la promesse électorale de Biden d'y mettre un terme[48], l’exécutif américain a encouragé Aliev à poursuivre ses projets irrédentistes. Il a fallu attendre le 28 juillet 2021 pour que la branche législative commence à s’exprimer très clairement sur le sujet avec le vote à l’unanimité d’un amendement à la Chambre des Représentants bloquant l’aide militaire à l’Azerbaïdjan[49], le jour même d’une attaque azérie d’envergure en territoire arménien (voir ci-dessus) et le jour où le Président de l’Assemblée nationale turque, Mustafa Sentop, en visite à Bakou avec son homologue pakistanais aurait qualifié l'Arménie de « menace pour la stabilité régionale » et aurait discuté des plans de création d'une « armée turque » conjointement avec l'Azerbaïdjan[50]. Le Pakistan est par ailleurs, il convient de le souligner, le seul pays au monde qui ne reconnait pas l’existence de la République d’Arménie[51]. Après la Chambre des Représentants, il faudra que le Sénat s’exprime à son tour. La diplomatie du carnet de chèque de l’Union européenne est-elle destinée à ce que l’Arménie réoriente de fond en comble sa politique étrangère et ne défende plus les droits du peuple arménien ? Le 3 juillet 2021, réitérant l’opération du 13 juin, 15 prisonniers de guerre arméniens ont été libérés « en retour de la décision prise par Erevan de préciser à Bakou la position de champs de mines installés dans la « zone disputée[52] » ». Or la libération des prisonniers de guerre devrait se faire sans condition. La prise d’otage est un crime de guerre et est également un crime en droit azéri[53]. L’accord de cessez-le-feu du 10 novembre 2020 signé par l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie prévoit aussi un échange des prisonniers de guerre sans condition en son point 8[54]. L’UE a salué l’opération du 3 juillet 2021 et soutiendrait donc la conditionnalité de ces libérations. Le Drian, Ministre français des affaires étrangères, a abondé dans le même sens dans sa lettre de félicitations envoyée au nouveau ministre arménien des affaires étrangères, Mirzoyan. Sur la question de l’invasion du territoire arménien en plusieurs points, l’UE s’est illustrée par des déclarations à la fois vides et peu utiles[55], reflétant sans doute une division au sein des États Membres sur la question. Le 16 juillet 2021, le Président du Conseil européen Charles Michel, en visite à Erevan, a d’ailleurs parlé de « zones discutées[56] » au sujet des territoires envahis par l’Azerbaïdjan, parfois sur plusieurs kilomètres et l’aide de 1000 soldats[57] au moins. Au sujet du Karabagh, territoire dans lequel l’UE n’a jamais investi, il est resté très prudent, indiquant dans ce même discours que le « statut du Karabagh doit pouvoir être abordé », alors qu’Aliev ne cesse de clamer que la question du Karabagh a été réglée par les armes[58]. Michel n’a d’ailleurs pas eu le courage de répéter le terme de « statut » à Bakou le jour suivant, où il a prononcé l’énigmatique phrase suivante : « nous pensons qu'une paix, une paix durable, suppose que de bons accords puissent être pris et puissent être respectés. Cela veut dire qu'il y a d'autres questions qui devront être aussi abordées tôt ou tard afin que cette paix durable puisse être une réalité dans l'intérêt de la stabilité, de la prospérité et de la sécurité[59] ». A Erevan, Michel avait visité le monument au génocide des Arméniens. Sur Twitter, il avait indiqué rendre hommage « aux victimes arméniennes », sans préciser de quelles victimes il s’agissait. Cet homme, qui s’était déjà illustré par son manque de soutien à Ursula von der Leyen dans l'affaire du Sofagate, n'a pas nécessairement le courage comme vertu première. Dans la capitale culturelle du Karabagh, Chouchi, occupée par l’Azerbaïdjan suite à la deuxième guerre du Karabagh, l’Azerbaïdjan a d’ailleurs organisé une visite des ambassadeurs en poste à Bakou. 46 ont répondu à l’appel, dont les ambassadeurs de Turquie, de Suisse, de Belgique, de Croatie, de Hongrie, de Géorgie, d’Italie ou encore d’Israël. Parmi ces pays, des pays alliés de l’Azerbaïdjan comme la Hongrie ou Israël. Mais aussi des pays probablement attirés par les millions liés à la « reconstruction[60] » engagée par Bakou. Plus surprenant, l’ambassadeur de Grèce, censé être un allié de l’Arménie, a également été du déplacement. Les trois co-présidents du Groupe de Minsk (États-Unis, France, Russie), dont le but est la recherche d’une solution pacifique et négociée au conflit du Haut-Karabagh, ont heureusement refusé de se plier à cette mascarade en déclinant l’invitation azérie de se rendre à Chouchi le 10 juillet 2021[61]. La liste des pays ayant cédé aux sirènes de Bakou sur le Karabagh montre bien que les États-Membres de l’UE sont, sur cette question comme sur d’autres, divisés quant à l’attitude à adopter. Prise sans doute d’une forme de remords pour la neutralité politique qu’elle a affichée pendant la deuxième guerre du Karabagh, l’UE (l’on peut émettre l’hypothèse que la France a joué ici un rôle) a annoncé vouloir « mobiliser un paquet financier sans précédent de 2,6 milliards d'euros[62] » dans les prochaines années pour financer les « priorités de l’Arménie », notamment dans le domaine des transports et des infrastructures avec un soutien important au barreau Sud d’un projet stratégique (qui aurait dû être réalisé il y longtemps déjà), le « corridor nord-sud », devant relier le sud et le nord de l’Arménie, de l’Iran à la Géorgie. Cet investissement de 600 millions d’euros pour cette autoroute dans le Syunik (région sud de l’Arménie revendiqué par l’Azerbaïdjan) est, a contrario du message donné sur les « zones disputées » (voir ci-dessus), un signal fort donné à Bakou et aux acteurs régionaux que l’Union européenne soutient a minima l’intégralité territoriale de l’Arménie en investissant enfin dans ce projet vital pour cette dernière. L’UE soutiendrait ainsi une alternative nord-sud au seul axe panturc est-ouest qui n’aura besoin, pour se réaliser, que de passer par les 30 kilomètres de la région du Syunik. Au final cependant, alors qu’un documentaire d’Arte (« La caviar connexion ») vient de rappeler la corruption de l’Azerbaïdjan au cœur même des institutions européennes, l’Union européenne refuserait de ne pas choisir entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan si elle tenait réellement aux valeurs qu’elle entend incarner : elle soutiendrait l’Arménie ET le Karabagh sans hésitation, y compris et surtout au plan politique et militaire, au-delà de la seule diplomatie du carnet de chèque visant potentiellement à faire accepter à un petit pays désargenté et isolé la nouvelle perte d’un territoire historiquement sien. Pour l’instant, le soutien financier massif qu’elle a annoncé vouloir donner à l’Arménie peut également être interprété comme une forme de prise de pouvoir dans la conduite et les priorités de la politique étrangère arménienne au détriment de la diaspora arménienne qui, bien qu’elle donne beaucoup, n’est pas et ne sera jamais en mesure de mobiliser une telle somme approchant les 3 milliards d’euros. Selon l’adage que l’on traduit au Québec par « Qui paie les violons choisit la musique », l’on peut se demander, à mon avis légitimement, si l’Union européenne ne cherche pas, ce faisant, à imposer une réorientation de la politique étrangère arménienne dans sa dimension de relation à la Turquie notamment, mais pas seulement. Il s’agirait aussi de permettre l’instauration d’une paix a minima (superficielle) compatible (en tant que dénominateur commun) avec les intérêts de toutes les grandes puissances actives dans la région. Le risque d’une paix « néo-libérale » ou « néo-impériale » ? Le risque existe que la paix que l’ensemble des acteurs internationaux, avec le soutien du gouvernement arménien actuel, souhaite imposer aux Arméniens soit une paix a minima, superficielle, que l’on pourrait qualifier de « néo-libérale » ou d’ « impériale ». Comment pourrait-on définir une telle paix ? Tout d’abord comme une paix qui passe, nécessairement, par l’ouverture des marchés et des voies de communication. Cette ouverture est à son tour présentée comme étant nécessairement bonne (en premier lieu au développement économique), alors qu’elle pose bien des questions : par exemple, les intérêts de la nation arménienne sont-ils compatibles avec une telle ouverture dans une région où, du fait de l’hostilité séculaire de la Turquie aux Arméniens marquée par des massacres et des migrations, l’équation démographique est très en défaveur de l’Arménie ? Deuxièmement, une paix « néo-libérale » ou « néo-impériale » ne se préoccupe ni de justice, ni de vérité. Ce n’est pas son sujet. Il n’est donc pas question de parler de « réparations », simplement de « prospérité partagée ». La réparation des injustices commises par le plus fort sur le plus faible n’est pas au menu d’une telle paix. Le risque est grand qu’elle telle paix, imposée, ne fasse que donner un habillage légal, a posteriori, au droit du plus fort, entérinant telles quelles les nouvelles réalités de terrain créées par des puissances impériales (Turquie, Azerbaïdjan) dont les buts de guerre, atteints, auraient ainsi les habits de la légalité. La visite à Chouchi, ville occupée, par près de 50 ambassadeurs à Bakou démontre que les partisans d’une telle paix sont intéressés par les perspectives de profits pour leurs propres agents économiques. Elle est, au demeurant, présentée comme étant sans alternative. Une telle paix est superficielle dans la mesure où elle n’aborde pas les causes profondes du conflit. Elle est donc pas essence injuste pour la partie la plus faible au conflit, la partie lésée. La réorientation de la politique étrangère arménienne qui permettrait l’instauration d’une telle paix se fait d’autant plus facilement que le garant de la sécurité de l’Arménie, la Russie, elle-même une puissance impériale, a déclaré être favorable au rapprochement turco-arménien et est en soutien à l’ouverture des voies de communication dans la région. Le ministre russe des affaires étrangères a d’ailleurs déjà invité les entreprises de transport russes à regarder de près les opportunités à venir dans ce « territoire plein de promesses[63] ». La neutralité de l’Europe, de la Russie et des Etats-Unis lors de la deuxième guerre du Karabagh déclenchée par la Turquie et l’Azerbaïdjan aurait également pu avoir comme bénéfice, du point de vue des puissances, on peut en faire l’hypothèse, de démontrer aux Arméniens d’Arménie l’impuissance relative de la diaspora arménienne à influer de manière significative sur les processus décisionnaires en matière de politique étrangère dans ces grandes puissances (au-delà du seul ministère de la parole). L’un des éléments clés de la réorientation de la politique arménienne serait de ne pas exiger reconnaissance de la vérité historique sur le génocide des Arméniens et, dans une logique néo-libérale, d’obtenir en échange une ouverture des frontières et des marchés. Rappelons ici que la Turquie fait un blocus de l’Arménie depuis la première guerre du Karabagh. La souveraineté de l’Arménie et le sacrifice d’un agenda pan-arménien vieux de plusieurs décennies dans le domaine de la politique étrangère reposant sur des exigences morales fortes de justice et de vérité, mais aussi sur des réparations, seraient-ils un prix que la nouvelle équipe au pouvoir en Arménie serait prête à payer ? De la responsabilité du Premier Ministre arménien Même si la responsabilité principale de ce qui incombe aux Arméniens provient à mon sens de l’extérieur, la question de la responsabilité du Premier ministre arménien se pose en effet également, de même que celle des gouvernements qui l’ont précédé en termes de gabegies, d’opportunités perdues, d’erreurs, de renoncements, etc. Nikol Pachinyan, pour en rester ici à lui, en véritable animal politique qu’il est, a cherché à se maintenir au pouvoir à tout prix, y compris en contournant son propre ministère des Affaires étrangères, à deux reprises. D’abord avec Zohrab Mnatsakanyan, alors ministre des affaires étrangères, et la déclaration de cessez-le-feu du 10 novembre 2020[64]. Ensuite avec son successeur, Ara Ayvazyan, pour la déclaration traitant de la démarcation des frontières arméniennes[65] qu’il a indiqué vouloir signer le 20 mai 2021 après qu’elle a fuité. Ara Ayvazyan a démissionné le 27 mai 2021[66], le jour même où 6 soldats arméniens ont été capturés par les forces azéries sur le territoire même de la République d’Arménie[67]. De nouvelles concessions territoriales auraient alors été envisagées. L’Arménie n’a pas eu de Ministre des affaires étrangères pendant près de 3 mois avant qu’un proche de Pachinyan soit nommé à ce poste, Ararat Mirzoyan, le 19 août 2021. Lui, tout comme la nouvelle ambassadrice arménienne à Washington, Lilit Makunts[68], n’a aucune expérience diplomatique. Il va sans dire que la « diplomatie » arménienne appliquera dorénavant sans sourciller la politique souhaitée par le chef de gouvernement qui, contre toute évidence, dit voir des signaux positifs d’une Turquie dont le racisme anti-arménien au plan étatique atteint pourtant des niveaux paroxystiques. Pour sa part, Alen Simonyan, le Président de l’Assemblée nationale, est-il allé jusqu’à dire en septembre que les rapports du défenseurs des droits Arman Tatoyan sur les tortures subies par les prisonniers de guerre arméniens à Bakou étaient montés de toute pièce[69] ? Il est assez difficile de démêler le vrai du faux tant l’antagonisme est fort (et contre-productif) entre la majorité et l’opposition. S’il a vraiment tenu ces propos au sujet des rapports étayés et professionnels de l’Ombudman, ils sont éminemment condamnables à la fois au plan moral et au plan de l’efficacité pour la libération de ces hommes. Pachinyan, qui avait été porté au pouvoir par la révolution de velours en 2018, aurait sans doute dû démissionner après la défaite de novembre 2020 et chercher à favoriser la mise en place d’un gouvernement d’union nationale pour soigner les plaies de la deuxième guerre du Karabagh et engager un front uni face à un axe panturc uni et résolu. Au lieu de cela, il s’est lancé dans une polarisation extrême, brandissant par exemple un marteau pendant ses meetings de campagne. S’il a vu sa légitimité réaffirmée par les élections législatives anticipées de juin 2021, dispose-t-il pour autant d’un mandat de fer comme il le répète à l’envie ? La question mérite d’être posée. Nombreux sont celles et ceux qui veulent croire en cet agenda de paix. Il est d’ailleurs difficile de les blâmer tant, on l’a vu, la communauté internationale est aux abonnés absents dans La défense de la démocratie arménienne. La tentation est donc grande de vouloir tourner la page, même si le prix à payer serait immense pour l’Arménie si la paix qui devait être conclue devait être cette paix « impériale » ou « néo-libérale ». D’un autre côté, force est de constater que la liesse populaire n’était pas au rendez-vous du 30ème anniversaire de l’indépendance du pays. Beaucoup d’Arméniens, submergés par le chagrin, ont ainsi préféré bouder les cérémonies du lundi 21 septembre 2021. Au final, il conviendra surement de faire la lumière sur le déroulement de la deuxième du Karabagh tant les questions sont nombreuses : Tout l’armement et toutes les forces à disposition ont-t-ils été utilisés ? Sinon, pourquoi ? La guerre aurait-elle pu être arrêtée à la mi-octobre 2020 ? Des centaines de vies auraient-elles ainsi pu être sauvées ? L’Arménie aurait-elle pu garder le contrôle de la ville symbole de Chouchi comme Poutine l’a affirmé[70] ?, etc. En pleine guerre, Pachinyan a par ailleurs laissé entendre qu'il voulait régler la question arménienne des 500 dernières années[71]. C’est une déclaration à la fois claire et qui interroge, nécessairement. Que voulait-il dire par là ? Savait-il déjà ce qu’il allait faire dans les mois qui suivent ? Enfin, a-t-il refusé une offre de la France dans le domaine sécuritaire[72] ? Si oui laquelle ? La complémentarité entre le droit du plus fort (porté par Moscou, Ankara et Bakou) et la diplomatie du carnet de chèque (Union européenne) est-elle une fatalité ? Y a-t-il place pour une paix juste ? Face à l’invasion du territoire arménien en plusieurs points, des trois coprésidents du groupe de Minsk, seule la France a vivement réagi, le 13 mai 2021, au plus haut niveau de l’État par la voie du Président Macron[73] qui a demandé le retrait immédiat des troupes azéries du territoire arménien et a indiqué vouloir saisir le Conseil de sécurité de l’ONU. Au moment où ces lignes sont écrites, on ne sait pas quel suivi a été donné à cette déclaration. Comme au début de la guerre en septembre-octobre 2020, les mots du président de la République sonnent justes, mais ils ne sont pas incarnés dans une série d’actions qui auraient donné corps à ces déclarations engagées. Ce faisant, il risque de s’aliéner une grande part des électeurs français d’origine arménienne à l’approche de la présidentielle de 2022. À l’international, le monde a basculé. Les puissances occidentales ont perdu de leur superbe, y compris les États-Unis, comme on vient de le voir en Afghanistan. Les puissances comme la Russie et la Turquie ne connaissent, à l’évidence, que le droit du plus fort et se sentent d’ailleurs plus fortes que jamais. Des territoires comme le Rojava ou le Karabagh en paient le prix fort. Les droits de leurs habitants ne comptent pas. Le droit international semble être instrumentalisé au seul bénéfice des grandes puissances. Les « petits » peuples, comme le peuple arménien, subissent le droit international comme une injustice, sans en bénéficier. Un petit peuple, comme le peuple kosovar, ne peut en bénéficier que si ses intérêts coïncident avec ceux d’une grande puissance (en l’occurrence ceux des États-Unis et de l’OTAN pour le Kosovo). Pour que les mots d’Emmanuel Macron pèsent dans le Caucase du sud, il faudrait (ou aurait fallu) qu’il les accompagne d’une démonstration de solidarité (et de force) militaire avec l’Arménie, comme il avait su le faire en Grèce en 2020[74], lorsque la souveraineté de celle-ci était régulièrement attaquée par la Turquie en mer Égée. À la fin de cet exercice de solidarité, la Grèce a fini par acheter 18 avions Rafale à la France pour un montant de 2,5 milliards d’euros[75] (elle vient également d’annoncer l’achat de navires de guerre). Il est clair que l’Arménie, dont le PIB nominal annuel est à peine 4 fois supérieur au montant de ce contrat, n’aura jamais les moyens de s’acheter des avions Rafale. Mais l’amitié séculaire entre ces deux pays, revendiquée d’ailleurs par l’un comme par l’autre, ne peut continuer à s’incarner dans les seuls mots ou dans les vers du poète Shiraz, cités par l’ex-Ambassadeur de France en Arménie[76]. Il faut aussi des preuves d’amour (en termes diplomatiques "des actes", comme la France elle-même en réclame aux Etats-Unis suite à la crise des sous-marins avec l’Australie). À défaut, l’axe Bakou-Ankara, avec la complicité de Moscou, n’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il cherche à tout prix: un lien direct entre l’Azerbaïdjan et la Turquie en passant par le Sud de l’Arménie. L’occupation des territoires de la République d’Arménie pourrait par ailleurs être utilisée par Aliev afin de faire pression sur l’Arménie pour conclure un accord de paix le plus rapidement possible dans lequel l’Arménie concèderait que le Karabagh est azéri. À terme, si une telle concession était faite par Pachinyan, cela signifierait un Karabagh vidé de sa population arménienne et de ses monuments arméniens. Comme au Nakhitchevan. Comme en Arménie historique (en Turquie orientale). De manière générale, même si cela peut sembler un vœu pieu au regard de leurs politiques passées et actuelles, les occidentaux ne peuvent pas laisser l’Arménie seule face à l’axe Bakou-Ankara + Moscou dans les négociations de paix sur le Karabagh. Ils doivent enfin faire réellement pression sur l’Azerbaïdjan pour qu’elles reprennent le plus vite possible dans le cadre d’un règlement global sous la coprésidence du groupe de Minsk de l’OSCE. Le tracé et la démarcation des frontières entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie doivent en faire partie. Surtout, la désoccupation des territoires de l’Artsakh (Karabagh) occupé comme la ville de Hadrout et la détermination du statut juridique final du Karabagh doivent être prioritaires dans le cadre de ce règlement global. Face au dépeuplement arménien garanti du Karabagh si l’Azerbaïdjan devait prendre le contrôle du reliquat de territoire pour l’instant protégé par les soldats russes, la sécession remède du Karabagh apparait comme la seule solution viable au « conflit » du Karabagh. De quoi s’agit-il ? Une population menacée de génocide ou de nettoyage ethnique par l’Etat dont elle dépend peut légitimement revendiquer en ultime recours son droit à l’autodétermination au nom de sa survie et de sa sécurité. Si un peuple a jamais été dans une telle situation, dans un Etat qui a érigé le racisme anti-arménien au rang de racisme d’Etat, ce sont aujourd’hui les Arméniens du Karabagh. Une autre solution consisterait à rattacher le Karabagh à la République d’Arménie, pour les mêmes raisons (un peuple en danger de mort ou d’expulsion de ses terres historiques). Pour que les Russes acceptent d’aller dans cette direction, et pour que les occidentaux l'acceptent (direction conforme aux idéaux qu'ils prétendent incarner), il faudrait (et cela peut également sembler être un vœu pieu au regard des antagonismes et de la désorganisation actuelle) que l’Arménie et la diaspora présentent un front uni en matière de politique étrangère et coordonnent leurs actions de communication et de plaidoyer au plan international. Cela pourrait passer par un grand raout "Arménie – Diaspora" sur le thème de la politique étrangère, un peu sur le modèle de ce qui avait été fait à Erevan lors du centenaire du génocide des Arméniens. Il est grand temps que les dirigeants actuels de l’Arménie se hissent à la hauteur des enjeux historiques et s’essaient enfin à une politique de rassemblement. A défaut, cela voudrait dire que le droit du plus fort, malgré les beaux discours, continue d’être la norme au plan international, et que l’occident, avec sa diplomatie du carnet de chèque, s’en ferait le complice éhonté. De même que le leadership de l’Arménie. Cela voudrait aussi dire que demain, à défaut d’une paix juste, de nouvelles déconvenues seraient inévitables pour l’Arménie face à des pays qui restent sur un logiciel panturc, non-démocratique et résolument anti-arménien. [1] https://www.coulisses-tv.fr/index.php/documentaires/item/19367-«-la-caviar-connection-»,-comment-l-europe-blanchit-des-dictatures,-mardi-28-septembre-sur-arte-vidéo [2] https://www.azatutyun.am/a/31428940.html [3] https://jam-news.net/ilham-aliyev-azerbaijan-is-ready-to-start-negotiations-on-peace-agreement-with-armenia/ [4] https://www.civilnet.am/news/2021/01/20/Turkey-and-Azerbaijan-to-Conduct-Joint-Military-Exercises-in-Kars/416626 [5] https://www.azatutyun.am/a/31448299.html [6] https://m.facebook.com/ZartonkMedia/photos/a.2108679539214335/3487699491312326/?type=3&source=57 [7] https://tass.com/world/1277921 [8] http://en.kremlin.ru/events/president/news/64384 [9] https://armenian.usc.edu/aliyev-makes-territorial-claims-on-armenia-yet-again/ [10] https://www.7sur7.be/monde/j-avais-dit-qu-on-chasserait-les-armeniens-de-nos-terres-comme-des-chiens-et-nous-l-avons-fait~a635a444/?referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com%2F [11] https://www.armenews.com/spip.php?page=article&id_article=73019 [12] https://www.dw.com/en/half-of-nagorno-karabakhs-population-displaced-by-fighting/a-55183758 [13] A la mi-février 2021, des dizaines de milliers d’habitants ont pu rentrer chez eux. La population du Karabagh est malgré tout inférieure de 35000 à ce qu’elle était avant-guerre sur une population de 150000. Il y a donc 35000 réfugiés en Arménie, sans compter 10000 sans-abris au Karabagh. Fin juillet 2021, il y avait encore 21615 réfugiés du Karabagh en Arménie. https://www.eng.kavkaz-uzel.eu/articles/56164/ [14] https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=3405171832883490&id=759921597408540&__xts__[0]=68.ARDfTjva25KeUXmcBf3O66wu81vwr7T6zKs1SM0-NdWRODOyX3ECBM_p07cs2N6ukybAgQeosC5iXsvzgKHU7zBT8UacHfrfZfCz87reMh2XV-BB-BREWF6sV-6k_2HJ-1Vo00zDd8GIpRzAcWqNi4JjytY7puo8IvGvHST5K7paBsYJ8amPn2iYxlSp8InI82TxVdip0W_np5-pJeJKJfpIkVbnf5YG4DyudU3ZC4KCJ-gIxkD_84Mnd-f0BekpoU19sBDyT_CegUhx-reP8n4EmpskNFC4PZE71nusjZ5XqGHMbKWGb2ZMGDvhg4FvYcZlPvRsav7dDHqE9pLOsgWTPA&__xts__[1]=68.ARBvKWKt7cJguw0pWQ_Umw0UxdsKCcPxEDC9gbUdBywqsUsI9_2HQHAI-wc03yamHjzZMGQhf0JJ5eP9X-OuWYLpEWsCHuDQa3a4QPgdk2hD5uzjTzOh4luy2pVZMx0mRxBIcJlFKjB5apwizD_5AJA7W-GOB4MCzCr6WEBw08Il1mpJoz_8WkWeOr5LnKZC0irFEnF4hqdlaYJ5L-5ah4VaZ43_8PzkIA0-6FHH5o_kDlYzqJ_n-2WeqS6f9dWXvlGOdWoaRK3E8DdLa47KuC2w8x1oTGKHOh2C_HsbOYOmkWaKhytv9hwf0Cp5zIrWR4FxOc98EQvVaM4moE86gMVBKg [15] Déclaration du Secrétaire général de l’OTAN, Stoltenberg, le 5 octobre 2020 à Ankara, soit quelques jours après le début de l’offensive turco-azérie. https://www.nato.int/cps/en/natohq/news_178545.htm [16] https://www.tap-ag.com/news/news-stories/tap-completes-successful-euros-39-billion-project-financing# [17] Ce dernier, lors d’un sommet à Bruxelles le 1er octobre 2020 avait en effet déclaré : « Nous disposons d’informations aujourd’hui, de manière certaine, qui indiquent que des combattants syriens ont quitté le théâtre d’opération, des combattants de groupes djihadistes, en transitant par Gaziantep (en Turquie) pour rejoindre ce théâtre d’opérations du Haut-Karabakh. C’est un fait très grave, nouveau, qui change aussi la donne », ajoutant surtout : « Je vais être très clair, dimanche [27 septembre 2020 au matin], les frappes qui sont parties d’Azerbaïdjan, à nos connaissances, n’avaient pas de justifications ». [18] Que l’on peut traduire par « bien immobilier ». https://www.nbcnews.com/think/opinion/armenia-azerbaijan-violence-shows-danger-u-s-diplomatic-indifference-foreign-ncna1242337 [19] https://edition.cnn.com/2020/06/29/politics/trump-phone-calls-national-security-concerns/index.html [22] https://thehill.com/blogs/pundits-blog/foreign-policy/305021-our-ally-turkey-is-in-crisis-and-needs-our-support [23] https://www.brookings.edu/blog/order-from-chaos/2019/11/05/its-time-to-get-us-nukes-out-of-turkey/ [24] https://www.fresnobee.com/opinion/op-ed/article250783979.html [25] https://thehill.com/policy/international/551577-biden-waiving-restriction-blocking-aid-to-azerbaijan-over-armenia [26] https://armenian.usc.edu/us-allocates-100-million-in-security-aid-to-azerbaijan/ [27] https://thehill.com/policy/international/551577-biden-waiving-restriction-blocking-aid-to-azerbaijan-over-armenia [28] https://joebiden.com/2020/10/13/nagorno-karabakh-statement-by-vice-president-joe-biden/# [29] https://nationalinterest.org/feature/blinken%E2%80%99s-cynicism-post-genocide-recognition-emboldens-further-aggression-184283?fbclid=IwAR33eWD1K88y_i8rd2BpFfih3Ujta1NJQpDxjmPaj3Qcmy3DN4Bnu4v0QSE [30] https://oc-media.org/armenian-soldier-killed-in-clashes-along-azerbaijani-border/ https://armenpress.am/eng/news/1056180.html [31] En effet, le 12 mai 2021, les troupes azéries sont entrées illégalement en territoire arménien dans la région du lac Noir (région de Syunik) et dans le marz (région) de Gégharkounik, violant les droits des résidents frontaliers de la République d'Arménie, les intimidant, et maintenant une grande tension au sein de la société arménienne à l'approche des élections législatives anticipées du 20 juin 2021 et dans les semaines qui ont suivi. Le 28 juillet 2021 au matin, les forces armées azéries présentes sur le territoire arménien (province de Gégharkounik) ont lancé une attaque sur des positions arméniennes, tuant 3 soldats arméniens et en blessant deux autres[31], tout en tirant sur les villages arméniens de Sotk, Kut et Verin Shorjah[31]. [32] https://www.state.gov/reports/2020-country-reports-on-human-rights-practices/azerbaijan/ [33] https://www.hrw.org/news/2021/03/19/azerbaijan-armenian-pows-abused-custody [34] https://www.osce.org/minsk-group/483416 [35] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/azerbaidjan/evenements/article/declaration-des-copresidents-du-groupe-de-minsk-de-l-osce-05-05-21 [36] https://armenpress.am/eng/news/1013396/ [37] https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/04/24/statement-by-president-joe-biden-on-armenian-remembrance-day/ [38] https://www.hyestart.net/post/de-la-crédibilité-des-etats-unis-dans-la-prévention-des-génocides [39] Dans un tweet du 13 mai 2021, Ned Price, le porte-parole du Département d’Etat, a parlé de « tensions » à la frontière et a demandé une « désescalade ». [40] L'Institut international sur le génocide et les crimes contre l'humanité a en effet été créé par le Conseil de l'enseignement supérieur de Turquie en juillet 2021. « Les universitaires disent que le nouvel institut, dont les attributions qualifient le génocide des Arméniens d’être « sans fondement », manquera de crédibilité ». https://www.timeshighereducation.com/news/outcry-over-turkish-research-institute-denying-armenian-genocide [41] https://www.hyestart.net [42] https://www.hyestart.net/les-arts-contre-la-censure [43] https://journals.openedition.org/eac/1385 [44] https://www.aa.com.tr/en/turkey/turkey-to-establish-military-base-in-azerbaijan/612446 [45] https://en.armradio.am/2020/12/28/turkey-building-military-air-base-in-ganja-war-gonzo/ [46] https://www.1lurer.am/en/2021/05/13/Lavrov-and-Bayramov-discussed-tension-on-Armenian-Azerbaijani-border/474530 [47] https://menafn.com/1102105617/Azerbaijani-Belarus-defence-cheifs-visit-military-units-PHOTOVIDEO [48] https://joebiden.com/2020/10/28/nagorno-karabakh-statement-by-vice-president-joe-biden-2/ [49] https://asbarez.com/u-s-house-votes-to-block-u-s-military-financing-and-training-aid-to-azerbaijan/ [50] Dans la soirée, Sentop démenti ces propos, affirmant qu'il n'a pas mentionné la création d'une armée commune, mais seulement des exercices militaires communs. Une source azérie Oxu.az a diffusé une fausse traduction des propos de l'orateur et ces traductions ont ensuite été utilisées par divers médias arméniens. https://www.facebook.com/ZartonkMedia/ Voir post du 29 juillet 2021. [51] http://www.today.az/news/politics/30102.html [52] https://www.lapresse.ca/international/europe/2021-07-03/l-azerbaidjan-libere-15-soldats-armeniens-faits-prisonniers-lors-du-conflit.php [53] https://www.facebook.com/DEARJV/ Voir post du 5 juillet («Geiselnahme ist nicht nur ein Kriegsverbrechen, sondern auch ein Verbrechen im Sinne des Artikels 215 des Strafgesetzbuches von Aserbaidschan») («La prise d'otages est non seulement un crime de guerre, mais aussi un crime en vertu de l'article 215 du Code pénal de l'Azerbaïdjan »). [54] https://en.wikipedia.org/wiki/2020_Nagorno-Karabakh_ceasefire_agreement [55] https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/98501/armeniaazerbaijan-statement-high-representative-josep-borrell-border-situation_en [56] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2021/07/17/remarks-by-president-charles-michel-after-his-meeting-with-the-acting-prime-minister-nikol-pachinyan-in-yerevan/ [57] https://www.voanews.com/south-central-asia/armenia-says-azerbaijan-captured-6-soldiers-border [58] https://azertag.az/en/xeber/President_Ilham_Aliyev_viewed_activities_of_Chovdar_Integrated_Regional_Processing_Area_owned_by_AzerGold_CJSC_VIDEO-1835767 [59] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2021/07/18/remarks-by-president-charles-michel-after-his-meeting-with-azerbaijan-president-ilham-aliyev-in-baku/ [60] https://www.courrierinternational.com/article/projets-bakou-veut-eblouir-le-monde-par-la-splendeur-du-karabakh [61] https://armenianweekly.com/2021/07/20/greece-must-recognize-artsakh-to-atone-for-its-envoys-pr-tour-of-occupied-shushi/ [62] Tiré du même discours de Charles Michel à Erevan le 17 juillet 2021. Le sommet du partenariat oriental (regroupant l’Ukraine, la Moldavie, le Belarus et les trois pays du Caucause du Sud : Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan) aura lieu en décembre 2021. Il devrait décider d’un ambitieux plan économique et d’investissement dans la région avec la mobilisation de 17 milliards d’euros sur les prochaines années, dont 2,3 milliards d’euros de subventions, le reste étant des projets d’investissements montés avec la BEI ou la banque européenne pour la reconstruction et le développement. [63] https://en.armradio.am/2021/08/17/lavrov-tells-russian-trucking-companies-to-look-at-nagorno-karabakhs-transit-potential/ [64] https://zartonkmedia.com/2020/11/13/breaking-news-armenias-foreign-minister-states-that-he-was-not-aware-of-the-deal-that-pm-nikol-pashinyan-signed-to-end-the-artsakh-war/ [65] http://arka.am/en/news/politics/factinfo_armenia_s_caretaker_foreign_minister_plans_to_resign_after_learning_about_secret_border_dem/ [66] https://www.azatutyun.am/a/31277188.html [67] https://www.azatutyun.am/a/31276309.html [68] https://www.azatutyun.am/a/31389937.html [69] https://www.aravot-en.am/2021/09/15/289379/ [70] https://eurasianet.org/putin-says-armenia-could-have-stopped-the-war-and-kept-shusha [71] https://www.primeminister.am/fr/statements-and-messages/item/2020/10/21/Nikol-Pashinyan/ [72] https://www.azatutyun.am/a/31382524.html [73] https://www.lefigaro.fr/international/armenie-macron-demande-le-retrait-immediat-des-troupes-azerbaidjanaises-20210513 [74] https://www.france24.com/fr/20200813-tensions-greco-turques-macron-renforce-la-présence-militaire-française-en-méditerranée [75] https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/25/la-grece-a-signe-un-contrat-pour-l-achat-de-18-rafale_6067548_3210.html [76] https://www.1lurer.am/en/2021/05/15/“We-were-at-peace-like-our-mountains-you-came-like-crazy-winds”-Jonathan-Lacôte/475488

  • Aram Pachyan, lauréat 2021 pour l'Arménie, du Prix de littérature de l'Union européenne

    Communiqué Nous félicitions Aram Pachyan qui est le tout nouveau lauréat 2021, pour l'Arménie, du Prix de littérature de l'Union européenne (PLUE) pour son livre "P/F" aux éditions Edge (Erevan, couverture ci-contre). Le jury du PLUE pour l'Arménie a déclaré: "Le roman "P/F" conduit le lecteur dans le monde intérieur d'un citadin qui lutte pour accepter la façon dont sa ville natale a changé depuis son enfance. Ces changements symbolisent son évolution personnelle et le rythme effréné de notre vie. Le roman est riche de références bouddhistes et d'étonnantes esquisses de relations entre un père et son fils, un couple d'amoureux et, surtout, entre l'auteur et la ville." En attendant de pouvoir lire ce roman en français, nous vous invitons à lire la dernière traduction française d'Aram Pachyan (réalisée grâce au soutien de la bourse de traduction V. Krikorian de Hyestart): "Au revoir, Piaf" aux Editions Parenthèses: https://www.editionsparentheses.com/Au-revoir-Piaf Notre prochaine traduction sortira quant à elle avant la fin de l'année à Belleville éditions. Nous aurons bientôt plus d'informations à ce sujet. Félicitations aux autres lauréats du PLUE également! Plus d'informations sur le Prix et les lauréats: https://www.euprizeliterature.eu/winning-authors-2021 Plus d'informations sur la bourse de traduction Hyestart: https://www.hyestart.net/fonds-vartanouche-krikorian Contact: contact@hyestart.org

  • Patrimoine arménien en danger: Hyestart appelle Karima Bennoune à aller en Arménie et en Azerbaidjan

    Le sort du patrimoine culturel et des monuments arméniens dans les terres maintenant sous contrôle azéri, à la suite de la guerre de 44 jours de l'année dernière, est très inquiétant, comme le montre la destruction intentionnelle de certains monuments comme l'église Kanach Zham à Chouchi ou la réaffectation d'un tout ensemble du patrimoine arménien à d'autres groupes, en particulier les «Albanais du Caucase». Hyestart appelle donc la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits culturels, Karima Bennoune, à se rendre à la fois en Azerbaïdjan et en Arménie dès que possible. Les deux pays ont en effet adressé des invitations permanentes à toutes les procédures spéciales des Nations Unies. Une visite en personne ou une visite en ligne de la Rapporteuse spéciale, peut-être sur le modèle de sa visite en Serbie et au Kosovo en 2016, est d'autant plus importante maintenant que la tentative de l'UNESCO d'envoyer une mission pour faire le point sur la situation des biens culturels en et autour du Haut-Karabakh a été en vain jusqu'ici, en raison de l'opposition de l'Azerbaïdjan. Alain Navarra, président de Hyestart, a déclaré: «Les parties non étatiques à un conflit, comme la République du Karabagh, ne bénéficient pas des protections prévues dans les conventions internationales, telles que la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Une solution provisoire doit être trouvée de toute urgence pour combler cette lacune juridique », ajoutant: «La protection et la sauvegarde efficaces du patrimoine culturel arménien du Karabagh sont en effet de véritables problèmes de droits humains, qui doivent être traités d'urgence par la communauté internationale. Nous appelons Mme Bennoune à faire tout ce qui est en son pouvoir pour visiter l'Arménie, l'Azerbaïdjan et le Karabagh dès que possible. La paix dans la région ne sera possible que lorsque la question de la protection et de la sauvegarde du patrimoine culturel sera prise au sérieux ». En savoir plus sur Hyestart: Hyestart s'engage pour la démocratie et les droits humains en Arménie (y.c. sa diaspora) et dans les pays voisins, notamment en Turquie. ​ Hyestart promeut notamment les droits des minorités et les libertés artistiques, tout en soutenant la création artistique contemporaine qui interroge la société. Avec son blog bilingue, Hyestart se positionne par ailleurs comme un laboratoire d'idées dans les domaines ci-dessus. Contacter: contact@hyestart.org

  • Discours nationalistes sur le patrimoine et habillage culturel de la violence

    Dr. Alain Navarra-Navassartian. Ph.D. sociology /Ph.D. art history Précisons de suite le postulat de départ pour cet article : Il s’agit de s’intéresser aux discours gouvernementaux et productions médiatiques en Azerbaïdjan, autour des notions de nationalisme, à l’encontre de la population arménienne du Haut-Karabagh. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’évincer toute approche du nationalisme arménien, qui a lui aussi développé divers préjugés sur l’ethnicité et la culture, mais ce sera le sujet d’autres articles. Depuis quelques semaines, les différents médias azéris rapportent les propos virulents du président Aliev sur la situation post-conflit du Haut-Karabagh. Propos repris et amplifiés par la presse et les réseaux sociaux. Ces actes de langage ne sont pas anodins, tout d’abord par leur violence, ensuite par la référence à un système de conventions, de rituel et une stratégie qui croise les références historiques, le discours politique, la symbolique des récits épiques (le culte du héros) et le nationalisme le plus vindicatif. En dehors des différents actes contre le patrimoine culturel arménien, le dernier en date est la construction d’un parc dédié au conflit, avec l’exhibition de mannequins représentant des soldats arméniens, des vidéos et des photos qui soulignent une atteinte à la dignité des victimes. Mais il s’agit, comme nous l’avions fait dans le cas arménien, de voir comment la construction du discours nationaliste se fait et comment il va interdire, dans ce cas, une réelle possibilité de dialogue. Depuis 2003 et l’accession au pouvoir d’Ilham Aliev, le ton a changé. Il y a donc une métamorphose du discours nationaliste, notamment avec la personnalisation extrême du régime en Azerbaïdjan, qui démontre le rôle-clé que le nationalisme joue dans la résolution de ce conflit. Il faut préciser que le nationalisme est envisagé comme un phénomène moderne et non immémorial. Cet article ne prétend pas épuiser un débat qui devrait être sujet à des recherches collectives et interdisciplinaires. Il veut juste interroger le discours nationaliste du président Aliev dans un contexte particulier : celui de post-conflit et envisager comment un groupe “juridiquement et sociologiquement mineur“, le peuple arménien du Haut-Karabagh, qui a vécu dans une condition de dépendance, peut espérer un quelconque changement dans un processus de construction de paix. Alors que l’Azerbaïdjan est devenu une société polémique entre le “eux“ et le “nous“ et cela depuis plus longtemps que le conflit du Haut-Karabagh. Il est évident que l’histoire ne semble plus rien apprendre à personne puisque les protagonistes refont leurs expériences dans des contextes différents. Enfermés dans la structure binaire ami/ennemi. Quand je parle des protagonistes, je devrais préciser Erevan /Bakou. Deux centres politiques, deux villes, sièges de la politique. Donc, tous ces actes de langage se font sur une base de conflit ethnique et cela est répété à l’envi, on insiste sur la distinction entre Arméniens et Azéris, qui existait bien avant le conflit, sur la base des attributs culturels, de la langue et de la religion. Toute cohésion éventuelle des populations est rejetée. Ce sont donc des thèses primordialistes qui mettent en avant des haines immémoriales. Ces thèses s’appuyant sur des « figures historiques » combattant l’ennemi arménien depuis la nuit des temps, pour retrouver la « pureté » du territoire. Jamais ne sont soulignés les modes d’appartenance populaire à la nationalité ; on évoque peu les relations contingentes, jamais l’hybridité n’est évoquée, qui fut une des caractéristiques de ce territoire comme dans l’ensemble du Caucase du sud. Ce discours hyper nationaliste ne s’attache pas, ni ne veut pas s’attarder sur les conditions d’émergence du conflit, car l’antagonisme ethnique en Azerbaïdjan est aussi une manifestation d’un antagonisme social. L’ethnicité a une saillance variable pour expliquer la grille d’interprétation du monde social dans l’histoire du nationalisme azerbaïdjanais, mais elle ne laisse plus de place pour une autre approche. Aussi, dans cette verticalité, il n’y a aucune place possible à d’autres narrations des évènements. Le nationalisme sud-caucasien a ses propres particularités dues aux développements socio-historiques de la région. On pourrait d’ailleurs se demander si l’identité ethnique a été, de tous temps, l’identité la plus importante de la région ? Ce questionnement n’est évidemment plus de mise aujourd’hui. Quand on se penche sur l’histoire de cette région, Karabagh et Haut-Karabagh, on constate que les identités sont aussi politiques et construites historiquement : de la période des melikats au passage à province russe, puis aux formes de partenariat russo-arménien et aux « réveils » des deux communautés, la région et sa population ont eu d’autres facteurs identitaires que la simple ethnie. Pourtant, Ilham Aliev fait appel à des sentiments d’appartenance pré-modernes, essentialisant l’identité et usant du prisme psychologique, ainsi que d’un ensemble d’émotions. Mais qu’en est-il du monde rural, par exemple, largement majoritaire dans le territoire ? On connait peu ou pas l’intimité d’un groupe vis-à-vis de l’autre. Il y a peu de littérature scientifique sur ce sujet. Mais l’homogénéisation du discours nationaliste, dans les deux pays, a eu pour conséquence une distance face à ceux qui étaient auparavant voisins, collègues et pourquoi pas amis. Aucune trace, ou si peu, de la vie dans des régions rurales. Les politiques de la mémoire dans la région ne faisant qu’accentuer la concurrence des narrations (l’Azerbaïdjan soutenant la Turquie négationniste), il devient pratiquement impossible d’analyser les rapports sociaux sur lesquels reposent, aussi, les bases du conflit du Haut-Karabagh. Il ne faut surtout pas laisser de place à un travail d’analyse rationnel pour un sujet qui voudrait comprendre, tout d’abord les origines du conflit et ensuite le choix de la population arménienne du Haut-Karabagh du sortir du joug de l’Etat azéri. Le travail d’intercompréhension devient également impossible, les discours politiques, voire académiques, deviennent une forme de construction-obstruction performative. Rappelons, pour éviter les dangers du groupisme (Brubaker. 2004), que ce groupe arménien du Haut-Karabagh a une approche subjectiviste qui définit son auto-compréhension, ses moyens d’identification et de catégorisation qui le différencie des Arméniens d’Arménie. Ils ont donc “une perspective sur le monde“ qui est aussi différente. Ils sont confrontés depuis longtemps à l’établissement d’une frontière entre Arméniens, Tatars et plus tard Azéris, frontière qui a été aussi une frontière sociale, c’est-à-dire, un processus d’exclusion et d’inclusion qui se développe dans le temps, accentue les différences, et la dichotomisation entre les deux groupes. Critères d’exclusion basée sur des critères d’appartenance dans lesquels les attributs ethniques étaient érigés en emblème. Ce processus a, évidemment, existé en Arménie, mais je le répète, nous nous intéressons ici à la population arménienne du Haut-Karabagh et aux procédés utilisés pour mobiliser le groupe national azerbaïdjanais afin de construire cette frontière et faire en sorte que le groupe majoritaire ne soit pas inclusif par rapport aux individus arméniens. Dans un précédent texte, nous avons tenté de relever les différents moyens pour y parvenir. Rappelons juste qu’un contexte d’inégalités économiques, politiques et symboliques a entraîné une clôture sociale pour le groupe arménien en Azerbaïdjan ; pour paraphraser Bourdieu, on pourrait dire que l’Etat azerbaïdjanais détenait et détient toujours “la banque centrale du capital symbolique“ et peut donc imposer les catégories officielles (religieux, culturel, etc.) Inclusion ou exclusion par le discours nationaliste C’est par le discours que le nationalisme va définir le « nous » et le « eux ». Toute les réalités historiques, politiques, économiques et sociales à l’intérieur du pays comme celles venant de l’extérieur vont influencer la construction d’une identité nationale. Le discours nationaliste azerbaidjanais que l’on ne doit pas essentialiser est évolutif et aucunement statique. Les affiliations prescrites sont un danger et une arme efficace lors de la reconstruction de l’histoire aux mains du politique pour défendre une souveraineté. La volonté de sécession des Arméniens du Haut-Karabagh révèle bien de ces problématiques : conflits de principes de droit international, de géopolitique, du droit des peuples, mais aussi des structures sociales comme du cycle de la haine raciale et de son utilisation politique. La citoyenneté a souvent défini l’inclusion ou l’exclusion à l’intérieur du cadre national, mais la citoyenneté durant la période soviétique a plutôt été un instrument d’exclusion sociale pour les Arméniens du Haut-Karabagh. Des critères formels et informels ont été mis en place afin de faire la démonstration de qui peut pleinement jouir de la citoyenneté. Les relations sociales sont devenues exclusives puisque “la participation est soit réservée à un groupe restreint, soit liée à des conditions préétablies“ (Max Weber). La construction de l’Etat-nation en Azerbaïdjan, comme en Arménie, d’ailleurs, met en avant la culture, la langue, la religion et les traditions majoritaires, il en a résulté que les minorités ont été désavantagées et mises en condition d’infériorité au plan des rapports de pouvoirs. C’est une chose de ne pas vouloir supprimer des groupes minoritaires, c’en est une autre de leur accorder une place équitable et un traitement respectueux à l’intérieur de la nation. En suivant Brubacker, on peut avancer que tout Etat offre une définition de sa citoyenneté, identifiant un groupe d’individus comme étant membre à part entière de la nation et tous les autres comme étant des étrangers. Le groupe majoritaire est-il prêt pour ouvrir ses critères d’adhésions aux autres ? C’est bien la question qui se pose dans l’ensemble du Caucase du sud. La cohésion nationale ne semble pas permettre une ouverture à une plus grande inclusion. Nous avons déjà tenté de décrire, dans un texte précédent, les causes internes à l’Azerbaïdjan de l’exclusion du peuple arménien du Haut-Karabagh, causes qui précèdent les indépendances des années 1990 ; il faut souligner, à la suite de Charles Taylor, que tout régime se légitimant sur la souveraineté populaire, a besoin de ce qui se rapproche le plus d’une identité commune. Le rôle de la culture devient alors primordial. On comprend mieux alors, les enjeux autour du patrimoine et de l’héritage culturel qui sont beaucoup plus largement sociaux et humains. Il ne s’agit pas seulement de préserver une liste de monuments, mais le patrimoine joue un rôle régulateur et renvoie à toutes formes de modalité d’échanges, d’interactions, de dominations et de pouvoirs. Il n’est pas devenu, par hasard, un enjeu politique dans ce conflit et particulièrement dans cette période de post-conflit. Nous y reviendrons. Il est évident que l’exclusion du peuple arménien du Haut-Karabagh dans l’identité nationale azerbaïdjanaise a été amplifiée par la guerre. Le discours nationaliste du président Aliyev utilise l’exclusion comme un outil stratégique et l’identité nationale se construit comme un moyen de défense pour pouvoir mobiliser les populations au moment le plus propice. Il faut un ennemi clairement défini, dans le champ du politique et, malgré la victoire, le président Aliev en a besoin. La situation intérieure de l’Azerbaïdjan, la manne pétrolière dilapidée par le clan Aliev pour ses propres investissements, une situation économique difficile, des réfugiés du Haut- Karabagh qui n’ont pas été si bien intégrés que cela et vingt ans de sinistre social font que Aliev a besoin d’un discours qui fasse une distinction claire entre amis et ennemis, en se départissant de toutes barrières éthiques ou morales pour créer ce que B. Anderson appelait les « occasions d’unissonalité ». La mauvaise gestion du conflit ces trente dernières années et l’absence totale de stratégies de construction de paix ont facilité, de part et d’autre, cette désignation sans retour de l’ennemi. Aussi, dans cette verticalité il n’y a aucune place possible à d’autres narrations des évènements. L’accent est donc mis sur l’aspect psychologique de l’appartenance, un ethno-symbolisme qui voit le lien national comme immémorial, donc a-historique. A partir de là, la réification des groupes ethniques peut se faire, groupes qui sont obligatoirement soumis à des haines ancestrales. L’histoire, appelée à la rescousse du discours vindicatif, ne vient que confirmer l’impossibilité de sortir des catégories « groupes ethniques » et tous se réfugient dans des particularismes. Aucune lecture du passé commun, ancien ou proche, ne semble plus possible. Il est donc difficile de sortir d’une vision verticale de ce conflit et de son irréductibilité. Aucune autre vision n’est plus tolérée par Aliev, le conflit du Haut-Karabagh servant de pivot à sa politique intérieure. Les Arméniens du Haut-Karabagh : Nation minoritaire ou minorité nationale ? Les Arméniens du Haut-Karabagh s’envisagent plus comme une nation minoritaire en Azerbaïdjan que comme une minorité nationale, la précision de Michel Seymour à ce propos est importante : “Une nation minoritaire est une nation composée d’une nation moins nombreuse qu’une autre sur un territoire donné. Une minorité nationale est l’extension minoritaire d’une majorité nationale voisine. Il s’agit d’un échantillon de population ayant des traits culturels spécifiques que l’on trouve à proximité du lieu où se trouve le principal échantillon de population ayant ces traits spécifiques. De très nombreuse communautés sont des extensions d’une majorité nationale sur le territoire d’une autre nation“ (Seymour. 1999). Le nationalisme minoritaire est un phénomène courant et touche tous les continents, mais il est évident que les façons de réagir des Etats est différente et notamment dans le Caucase du sud, qui tient pour illégitime ce nationalisme minoritaire. L’idée de justice en est évacuée au profit de la sécurité que les minorités font peser sur l’intégrité territoriale de l’Etat, entre autres explications. Il ne manque pas de textes des divers organisations occidentales pour élaborer des normes internationales applicables aux droits minoritaires, mais l’ambigüité est évidente dans leur application, un discours à géométrie variable selon les intérêts des uns et des autres. L’éthique dans les relations internationales est un vaste sujet. Mais il semble difficile aujourd’hui de penser que le président Aliev choisisse d’évaluer les revendications du peuple arménien du Haut-Karabagh à l’aune de l’impartialité et de la justice. D’autant plus que la défaite de l’Arménie et la gestion post-conflit désastreuse, à plus d’un titre, ne favorise pas des accords sur des compromis mutuels. Si certains observateurs reconnaissaient qu'il n'était pas dans l'intérêt des dirigeants de la République d'Arménie de conclure un accord, car seule la situation de "ni guerre, ni paix" garantissait leur pouvoir (Shakhnazaryan. 2001) on est, aujourd’hui, très loin de pouvoir choisir. Les deux États, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, sont des États présentant des faiblesses institutionnelles décisives et l’Azerbaïdjan peut être est considéré comme un État autoritaire. Les institutions et les procédures définissant l'État ont en effet été reprises, pendant longtemps et dans les deux pays, par des groupes de pression, un clan familial, des réseaux et des institutions informels qui ne sont pas pris en compte par la manière dont l'État est formellement constitué. Le fait que des oligarques influents occupent des postes-clés au sein des deux États et assurent, dans une certaine mesure, le fonctionnement des services, masque dans une certaine mesure l'absence de raison d'Etat. Les apparatchiks-businessmen sont devenus au cours des années des businessmen-patriotes qui ont poursuivis des intérêts de réseau plus que des intérêts nationaux ou communs. Il va donc être très difficile d’assurer la justice et la protection des Arméniens du Haut-Karabagh. D’autant plus que les organisations internationales, aussi bien dans leur diplomatie informelle que dans leur volonté de faire appliquer les textes dont ils sont les auteurs, se montrent assez frileuses. Il existe évidemment une très grande réticence occidentale à envisager toutes formes d’autonomie territoriale découlant du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les occidentaux en arrivent à oublier leur propre histoire pour dénier ce droit à d’autres. Pour justifier ce refus, on avance souvent que ce nationalisme minoritaire serait un nationalisme ethnique en opposition avec le nationalisme civique occidental. Cette forme traditionnelle de nationalisme leur apparait, à présent, incongrue. Oubliant qu’une minorité nationale est caractérisée par une attitude politique comme celle des Arméniens du Haut-Karabagh. (Brubaker. 1996). Mais peut-on parler de droits minoritaires, s’il n’y a pas un minimum de développement des capacités de l’Etat à mettre en place des politiques pour résoudre les problèmes découlant de la diversité ethnoculturelle et plus précisément ceux qui touchent le peuple arménien du Karabagh ? Les deux parties insistent donc sur les injustices historiques et l’Azerbaïdjan avec plus d’insistance, et parfois de cynisme, sur les réparations des injustices historiques (le « génocide » de Kojaly, etc.). On se trouve face à des arguments de la part de l’Azerbaïdjan qui éclairent la dimension également sociale des origines du sentiment anti-Arménien de la fin du XIXe siècle : les Arméniens sont des collaborateurs de puissances étrangères qui ont dominé le pays, et ont mis en coupe réglée à leurs profits les biens nationaux. Il est certain que cet argumentaire joue contre toute possibilité de dialogue apaisé et ne fait que renforcer l’idée que ce groupe minoritaire précis n’a rien à faire sur le territoire de l’Azerbaïdjan et tout devient une question de sécurité nationale : du patrimoine à l’héritage culturel arménien, de l’histoire revisitée, au parc des trophées, tout est mis dans le concept sécuritaire, en oubliant que cela relève plus de questions politiques ou culturelles. Ainsi, peut s’opérer sans coup férir la division sociale à l’œuvre dans le discours nationaliste. A-t-il existé d’autres modalités de vivre ensemble pour ces deux communautés ou tout n’a-t-il été qu’artifices et reposait uniquement sur l’usage de la force ? Le discours officiel des deux pays ne fait plus aucune place à cette interrogation, parfois une voix s’élève pour rappeler les voisins arméniens ou azéris, évidemment timide. Et si le plus important était la signification de l’appartenance au groupe, qui dans une confiance en soi collective serait capable d’intégrer les minorités ? Mais l’importance de la valeur attribuée au groupe arménien semble être moindre et, cela, plus que jamais. D’autant plus que le président Aliev, après cette guerre, a été contraint de revoir sa communication et son « image » : il avait donc besoin d’un nouveau discours en usant des symboles appropriés pour un travail de persuasion (Greenfeld. 1994). Le discours nationaliste est là pour « redéployer » les populations. Ceci a été fait en Azerbaïdjan comme en Arménie. La légitimation de l’ordre politique passe par là. La grande différence est que, pour le perdant le coût de cette guerre est plus élevé, en vies humaines, mais aussi, aux seins même des structures étatiques. Et le tour de passe- passe est réussi, le discours nationaliste dans les deux pays donne une apparence de réalité à la souveraineté populaire, mais dissimule mal que la machine étatique fonctionne au bénéfice de quelques-uns. Mais à ce jeu l’idéologie nationale azerbaïdjanaise semble plus perfectionnée, avec un discours tourné vers le pays (plus particulariste) et un autre vers la culture occidentale et plus universaliste. Il est vrai que les formes de conflictualité et de violence qui sont apparues dans cette zone géographique n’ont pas suscité un grand intérêt, y compris dans le domaine des sciences sociales et on n’y voit guère plus que le combat d’identités essentialisées qui commencent à agacer tout le monde parce que cela interfère sur des questions économiques ou de géopolitique. Mais les sources humaines et sociales sont totalement négligées. Dans ce ou ces discours nationalistes, l’autre est l’étranger : l’incarnation de l’ambivalence parfaite. C’est « la rationalité du mal » (Zygmunt Bauman) qui est mise en avant dans ce processus pour arriver à justifier une guerre sans jamais vouloir saisir les motivations, autres qu’ethniques, de ce conflit. Pour des raisons certes rationnelles : sécurité énergétique européenne, vente d’armes et autres, le but, la fin et les objectifs sont envisagés en dehors de toutes autres considérations. Quels sont les facteurs qui freinent ou favorisent un règlement de ce conflit ? Les réponses sont multiples et traversent les champs de différentes disciplines des sciences sociales et de l’histoire. La bibliographie, en fin d’article permet d’aller plus loin si on le souhaite. Mais ce que l’on peut souligner, c’est que l’application rigide du cadre moderniste n’est pas très favorable envers les projets nationaux minoritaires qui sont considérés comme l’expression rétrograde de communautés ethniques. Comme le soulignait Liah Greenfeld en plaçant dans l’individu tout le potentiel de changement du monde, ce sont les hommes qui investissent le monde d’un sens. Aucune cause historique n’est purement matérielle ; ce qui doit entraîner le refus des explications déterministes en sciences sociales. Le discours nationaliste met en place un mode de compréhension de la réalité, de nouveaux paradigmes et crée des phénomènes sociologiques qui mettent en place des systèmes d’ordre social. Dimensions sociales de la préservation de l’héritage culturel On a déjà dans différents textes soulevé le fait que la question du patrimoine culturel arménien du Haut-Karabagh questionne le rapprochement entre patrimoine culturel et droits de l’homme, les concepts d’universalité et de globalité. Toute destruction de site reconnu comme patrimoine culturel est finalement une atteinte à la mémoire collective. Le rapprochement entre patrimoine culturel et droits de l’homme apparait comme très significatif dans la résolution sur les droits de l’homme adoptée par le parlement européen en mars 2015 : « Le Parlement européen rappelle que dans le cadre de l’universalité des droits de l’homme, et sur la base des conventions de l’UNESCO, la diversité culturelle et l’héritage culturel font partie du patrimoine mondial et que la communauté internationale a le devoir de coopérer afin d’assurer leur protection et leur valorisation ; considère que les formes intentionnelles de destruction du patrimoine culturel et artistique, telles qu’elles se déroulent actuellement en Syrie et en Iraq, devraient être poursuivies en tant que crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Nous avons aussi attiré l’attention sur le fait que les destructions culturelles précèdent souvent les violences faites aux hommes et que tout acte de vandalisme doit être poursuivi afin d’envoyer un « signal » et d’avertir qu’aucune autre violence ne peut être tolérée. Les violences contre le patrimoine empruntent les mêmes voies que les violences contre les êtres humains. Le défi de l’application de l’arsenal juridique est bien en question, encore une fois. La destruction du patrimoine irakien et syrien était une interpellation importante, la réponse ne fut pas convaincante. Pour que la conception universaliste puisse encore prévaloir, il faut des signes forts. Les enjeux concernant la protection de l’héritage culturel d’une minorité après un conflit sont de taille mais ils sont tout autant sociaux et humains. S’inquiéter pour la préservation de l’héritage culturel arménien en Azerbaïdjan et dans le Haut-Karabagh revient à s’intéresser à toutes les formes de modalités d’échanges et d’interactions suscitées par la demande de protection qui pour l’heure ne s’envisage qu’au travers de relations de dominations et de pouvoirs ; il s’agit plutôt d’un processus d’appropriation que d’un travail stratégique pour la construction d’un réel dialogue. Même si un ensemble de processus se met en place : journées d’études, multiples webinars ou déclarations. Pour l’instant le patrimoine et les liens sociaux sont peu ou pas envisagés, tout comme l’exclusion et la marginalisation de la population arménienne dans les processus de réattribution du patrimoine bâti de la région. Il s’agit plus de trouver un “accord“ sur le patrimoine des dominants et celui des dominés que d’un réel et juste équilibre. Le patrimoine et sa protection ont été insérés dans le champ de l’éthique, des droits culturels, des droits de l’homme et des droits universels au patrimoine. Mais l’application des divers textes onusiens traverse de profondes contradictions. « Le patrimoine culturel possède un statut exclusif car il reflète en même temps des valeurs de la communauté, la créativité, le lien intergénéérationnel, le sentiment d’appartenance. Ce statut exclusif lui confère une place exceptionnelle dans la vie de tout un chacun et c’est la raison pour laquelle il doit être protégé : il représente la diversité dans le monde. Nous assistons à un renforcement du rôle des groupes, communautés ou encore des individus, ainsi que de leur préoccupations et revendications pour une protection adéquate de leurs traditions, culture, langue (ou dialecte) et cultes. Ces questions ont été portées par les Etats au niveau international, par l’affirmation, dans des Conventions, d’un lien patent de la protection du patrimoine culturel avec la préservation de « la diversité culturelle ». (J.M. Panayotopoulos. 2015). Se pose donc de façon aigüe (dans cette période de post-conflit dans la région) la question de savoir comment créer des ponts entre la protection de l’héritage culturel, la nature centrale des politiques identitaires et le patrimoine du point de vue de la cohésion sociale, de la construction de processus de paix et des droits culturels du peuple arménien du Haut-Karabagh. La convention de la Haye et ses protocoles sont-ils aujourd’hui des outils efficaces face aux défis de ces conflits, entre Etats et nations minoritaires ? Des approches supplémentaires et complémentaires pourraient-elles être envisagées ? Si les biens culturels et patrimoniaux sont au cœur du problème, les enjeux sont bien plus importants. La protection des biens culturels est au cœur de la stratégie de renforcement de l’action de l’UNESCO depuis 2015 pour la protection de la culture et la promotion du pluralisme culturel. Cette stratégie affirme clairement : « Les atteintes à la culture sont caractérisées par le ciblage délibéré d’individus et de groupes sur la base de leur appartenance culturelle, ethnique, ou religieuse. Conjuguées à la destruction intentionnelle et systématique du patrimoine culturel, au déni de l’identité culturelle, notamment, des livres et des manuscrits, des pratiques traditionnelles, ainsi que des lieux de culte, de mémoire et d’apprentissage, ces attaques ont été assimilées à un nettoyage culturel » (UNESCO. 2015). Comment penser, alors, à un rétablissement social et psychologiques des communautés touchées ? Quel sens donner aux discours d’Aliev en direction des occidentaux sur la diversité culturelle, alors que couper le fil continu de la présence arménienne au Haut-Karabagh est au cœur de toutes ses campagnes de communication ? Ces actes, comme le parc des trophées, sont contraires à la réconciliation et au rétablissement de rapports apaisés. Il ne s’agit pas de dire que la culture azerbaïdjanaise est violente par nature, mais que des aspects de la culture sont utilisés pour justifier certains actes. Ce processus multidimensionnel et pluridisciplinaire ne peut se contenter du silence poli des instances internationales ou de réponses standardisées. Il est évident que la multiplicité des acteurs : les organismes internationaux, les groupes d’intérêts économiques ou communautaires et les médias créent un conflit de perceptions et de préoccupations, mais aussi de valeurs qui ne font que compliquer la tâche. On ne peut pas se contenter d’une sorte de “diplomatie culturelle“ à coup de journées d’études ou de déclaration de bonne volonté. Car ce sont les droits collectifs à la mémoire, à l’identité et surtout à la survie qui sont en cause pour le peuple arménien du Haut-Karabagh, comme dans d’autres régions du monde. Bibliographie : Anderson, Benedict. Imagined Communities. Revised Edition. New York, Verso. 1991. Birch, Anthony. Nationalism and National Integration. Londres et Boston. Unwin Hyman. 1999. Brubacker, Rogers. Citizenship and Nationhood in France and Germany. Cambridge, Havard University Press. 1992. Dumont, Louis. Essais sur l'individualisme, Paris, Seuil. 1983. Dworkin, Anthony Gary et Rosalind 1. Dworkin, «What is a minority ?» Chapitre 2, dans The minority report. New York, CBS College Publishing, 1982. Gellner, Ernest. Nation and Nationalism, Ithaca, Cornell University Press, 1983. Liah Greenfeld. (1992). Nationalism : Five Roads to Modernity. Cambridge, Mass: Harvard University Press.SOC:Liah Greenfeld. (2001). The spirit of capitalism : nationalism and economic growth. Cambridge, Mass: Harvard University Press.MMM:Liah Greenfeld. (2013). Mind, modernity, madness : the impact of culture on human experience. Cambridge, Mass: Harvard University Press. Helbling, Marc. «Exclusion sociale et citoyenneté suisse». Programme de Recherche no. 40 : Extrémisme de droite - Causes et contre-musures. Zurich, Institut de Science Politique de Zurich. 2003. Heribert, Adam. « Les politiques de l'identité. Nationalisme, patnotIsme et Multicu Itural isme ». Anthropologie et Société. 1995. Vol. 9, no 3. Hobsbawm, EJ. Nations and nationalism since 1780. Cambridge, Cambridge University Press. 1990. Ignatieff, Michael. «Nationalism and the Narcissism ofMinor Differences », dans Ronald Beiner, dir., Theorizing Nationalism, Albany, SUNY Press, 1999, pp.91-102. Ignatieff, Michael. L 'honneur du guerrier. Guerre ethnique et conscience moderne. 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  • Hyestart se félicite du retrait du projet de loi controversé sur l’Ombudsman

    dont elle espère qu'il sera définitif COMMUNIQUE Hyestart, qui avait alerté l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme (Ganhri) et la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, se félicite du retrait le 9 avril par le gouvernement arménien du projet de loi qui avait été présenté par le Ministère des Finances le 11 mars et qui visait à priver le bureau de l’Ombudman des moyens de travailler en supprimant l'article 8.5 de la loi constitutionnelle de la République d'Arménie sur le Défenseur des droits humains, qui stipule que : "Le montant de l'allocation pour le financement fourni par le budget de l'État au Défenseur et à son personnel ainsi qu'au Défenseur en tant que mécanisme national de prévention ne peut être inférieur au montant fourni l'année précédente". Alain Navarra, président de Hyestart, a déclaré : « Nous nous félicitons du retrait du projet de loi introduit par le cabinet arménien le 11 mars dont la constitutionnalité n’était pas avérée. C’est un pas dans la bonne direction. Nous continuerons cependant à suivre la situation de près, en liaison avec nos interlocuteurs internationaux, pour voir s’il s’agit d’un retrait définitif ou seulement tactique. Il est important de maintenir l'indépendance du bureau du défenseur de droits (Ombudsman) et de lui donner les moyens de mener son mandat fondamental de protection des droits humains en Arménie. Comme nous l’avons déjà souligné, l'importance de son mandat s'est encore accrue dans le contexte né de la déclaration de cessez-le-feu tripartite du 10 novembre 2020 ». Dans le contexte actuel, il est en effet plus important que jamais de préserver la capacité de l'Ombudsman et des autres organisations de défense des droits à alerter sur les violations des droits humains commises pendant et surtout à la suite de la guerre initiée par l’Azerbaïdjan, dont les actions agressives et racistes remettent notamment en cause les droits fondamentaux des habitants frontaliers et même au-delà. Les autorités arméniennes devraient au contraire soutenir l'Ombudsman et les groupes de défense des droits humains et de la liberté d'expression en maintenant un dialogue actif avec eux, en faisant respecter l'état de droit et en demandant des comptes aux auteurs de violences et de discours de haine les visant. Contact: contact@hyestart.org

  • Prix de littérature de l’UE : Aram Pachyan parmi les candidats retenus pour l’édition 2021

    Le Prix de littérature de l'Union européenne (PLUE), qui ambitionne de récompenser les auteurs de fiction émergents de toute l'Europe, a rendu public aujourd’hui même les noms des 55 candidats retenus pour l’édition 2021 du PLUE par les jurys des 14 pays participant cette année, dont l’Arménie. Le jury arménien, composé de Armen Ohanyan, Arevik Ashkharoyan, Anahit Avetisyan, Shakeh Havan et Mkrtich Matevosyan, a retenu les candidats suivants : Արամ Ավետիս (Аram Avetis), Երբ առնետները կարդալ գիտեին (Quand les rats savaient lire), éditeur : Actual Art Արամ Պաչյան (Aram Pachyan), P/F, éditeur : Edge Անուշ Սարգսյան (Anoush Sargsyan), Անոն (Ano), éditeur : Antarès Հովիկ Աֆյան (Hovik Afyan), Կարմիր (Red), éditeur : Antares Լուսինե Խառատյան (Lusine Kharatyan), Անմոռուկի փակուղի (Le myosotis de l'impasse), éditeur : Granish Hyestart, dont la bourse de traduction, a soutenu la traduction du livre « Au-revoir, Piaf » d’Aram Pachyan aux éditions Parenthèses en 2020, se réjouit de ce qu’Aram Pachyan fasse partie des candidats retenus par le jury arménien. De manière générale, les auteurs et les livres sélectionnés témoignent de la richesse de la scène littéraire arménienne contemporaine dont un plus grand nombre devrait être traduits en langues de l’Union européenne. Rappelons que les ouvrages des gagnants atteignent normalement un public plus grand et international, touchant des lecteurs au-delà des frontières nationales et linguistiques. Hyestart souscrit donc pleinement aux objectifs du Prix et nous sommes impatients de connaitre la décision finale du Jury le 18 mai et lui souhaitons bonne chance dans ses délibérations ! ---------- Le Prix de littérature de l'Union Européenne est un consortium composé de la Fédération européenne et internationale des libraires (EIBF), de la Fédération des associations européennes des écrivains (FAEE/EWC) et de la Fédération des éditeurs européens (FEE). Le Prix est financé par le programme Europe créative de la Commission européenne. Le prix de littérature de l'Union européenne existe depuis plus de dix ans et est organisé conjointement par les trois membres du consortium qui nomment les membres du Jury. Hyestart dispose d'un fonds qui comprend notamment une bourse de traduction ("la bourse de traduction Vartanouche Krikorian") dont le but est de promouvoir au plan international la fiction arménienne qui a une résonance sociale et/ou politique contemporaine en Arménie. ----------- Sur le Fonds Vartanouche Krikorian: https://www.hyestart.net/fonds-vartanouche-krikorian Sur le Prix de littérature de l'Union européenne: https://www.euprizeliterature.eu/fr Contact: contact@hyestart.org

  • Hyestart appelle le gouvernement arménien à protéger le bureau du défenseur des droits (Ombudsman)

    Le 26 février 2021, les autorités arméniennes ont décidé de priver le bureau de l'Ombudsman de véhicules gouvernementaux, et lors d'une session du gouvernement, le 11 mars, le Ministère des Finances a présenté un projet de loi visant à supprimer l'article 8.5 de la loi constitutionnelle de la République d'Arménie sur le Défenseur des droits humains, qui stipule que : "Le montant de l'allocation pour le financement fourni par le budget de l'État au Défenseur et à son personnel ainsi qu'au Défenseur en tant que mécanisme national de prévention ne peut être inférieur au montant fourni l'année précédente". Ces changements ont de plus été initiés sans consulter le Défenseur des droits. Le 19 mars 2021, Sargis Aleksanyan, membre fondateur du parti politique "Contrat civil", a insulté le Défenseur des droits, Arman Tatoyan, sur sa page Facebook. Ce dernier avait condamné l'usage de la violence contre le journaliste Paylak Fahradyan par le ministre arménien des hautes technologies. Certains membres du parti au pouvoir ont défendu le recours aux insultant eux-mêmes l’Ombudman. Nous nous joignons aux organisations arméniennes de la société civile suivantes ( : Le Comité pour la protection de la liberté d'expression, le Yerevan Press Club, le Media Initiatives Center, "Asparez" Journalists' Club, Freedom of Information Center, Multilateral information institute - Armenia, Public Journalism Club, ONG "Journalists for the future", ONG "Journalists for human rights", Goris Press Club, ONG "Femida") afin de condamner ces attaques verbales et de rappeler aux autorités qu’en vertu de l'article 332.2 du Code pénal arménien, "menacer ou insulter le Défenseur des droits humains ou lui manquer ouvertement de respect dans le cadre de l'exercice de ses fonctions est passible d'une amende de deux cents à cinq cents fois le salaire minimum, ou d'une peine de détention de deux à trois mois". La critique d'une personnalité publique doit être autorisée et ne doit pas être perçue comme un "acte hostile" entraînant une réaction agressive. Comme l'a déclaré la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans l'affaire Lingens c. Autriche (1986) : "Les limites de la critique acceptable sont donc plus larges à l'égard d'un homme politique en tant que tel qu'à l'égard d'un particulier. Contrairement à ce dernier, le premier s'expose inévitablement et sciemment à un examen minutieux de ses moindres paroles et actes, tant par les journalistes que par le public en général, et il doit par conséquent faire preuve d'une plus grande tolérance". D'une manière générale, nous condamnons le climat de haine et d'intolérance qui règne et qui provient de tous les côtés dans l'Arménie d'après-guerre. En plus d'attaquer les bâtiments du gouvernement et du parlement et d’avoir sévèrement battu le président de l'Assemblée nationale, des groupes radicaux ont pillé les bureaux de Radio Free Europe/Radio Liberty et de l'Open Society Foundations, et de nombreuses organisations de la société civile et des médias continuent de recevoir des menaces. Le groupe Veto a qualifié les groupes de la société civile d'"ennemis du peuple" et a tenté d'ouvrir des enquêtes criminelles à leur encontre. Les plaintes déposées par les groupes concernés au sujet des menaces et des incidents de harcèlement ont malheureusement été largement ignorées par le bureau du procureur général et les organes d'enquête de l'État. Alain Navarra, président de Hyestart, a déclaré : "Le projet de loi introduit par le cabinet arménien le 11 mars, s'il est adopté, limitera davantage encore l'indépendance du bureau du défenseur de droits (Ombudsman) et entravera son mandat fondamental de protection des droits humains en Arménie. L'importance de son mandat s'est encore accrue dans le contexte né de la déclaration de cessez-le-feu tripartite du 10 novembre 2020. Nous demandons donc au gouvernement arménien de renoncer à ce projet de loi dont la constitutionnalité n’est pas avérée". Il a ajouté : "Nous appelons également les autorités arméniennes à consulter le Défenseur des droits de l'homme dans le cadre de toute nouvelle discussion relative à des modifications de sa législation fondatrice, à lever les restrictions à l'utilisation de véhicules gouvernementaux par le Défenseur des droits de l'homme et à condamner les auteurs de discours de haine". Dans le contexte actuel, il est plus important que jamais de préserver la capacité de l'Ombudsman et des autres organisations de défense des droits à sensibiliser aux violations des droits humains commises pendant et surtout à la suite de la guerre initiée par l’Azerbaïdjan, où que ce soit en Arménie, y compris par l’Azerbaïdjan dont les actions agressives remettent notamment en cause les droits fondamentaux des habitants frontaliers. Les autorités arméniennes devraient soutenir l'Ombudsman et les groupes de défense des droits humains et de la liberté d'expression en maintenant un dialogue actif avec eux, en faisant respecter l'état de droit et en demandant des comptes aux auteurs de violences et de discours de haine.

  • Protection de l’héritage culturel arménien dans le Haut-Karabagh et en Azerbaïdjan

    : entre perpétuelles indignations inutiles et violences anti-patrimoniales Dr. Alain Navarra-Navassartian. Ph.D. sociology /Ph.D. art history Depuis quelques jours, les médias azerbaidjanais, les journaux ainsi que des opérations marketing hors du territoire de l’Azerbaïdjan (voir ci-contre) sont les supports d’une nouvelle campagne qui porte atteinte à l’héritage culturel arménien en réattribuant tout un ensemble patrimonial arménien à d’autres groupes, tels que les Albanais du Caucase, ce mouvement avait déjà été initié il y a quelques mois, mais est de nouveau d’actualité et se profile dans la violence des discours nationalistes du gouvernement contre les Arméniens du Haut-Karabagh. Nous soulignons depuis des mois que ce patrimoine est devenu une cible. La violence anti-patrimoniale de l’Azerbaïdjan se situe dans la haine patrimoniale que l’on constate durant les conflits et les périodes de post-conflit, depuis longtemps déjà. Mais il semble nécessaire de le rappeler, puisque l’indignation perpétuelle ne semble générer aucun acte concret (mission de l’UNESCO annulée). Par contre, cette haine patrimoniale n’est pas la simple conséquence de la perte d’un conflit, mais relève d’une idéologie qui mêle le nationalisme le plus violent au sentiment anti-Arménien, le reniement de la diversité culturelle pour le peuple arménien (cheval de bataille de l’Azerbaïdjan en direction de l’occident) au désir de dénier toute historicité dans la région, à ce même peuple. La mise en scène du pouvoir azerbaïdjanais autour des lieux du patrimoine arménien souligne leur importance symbolique dans le discours politique de Aliyev, il sert à la fabrication de ce discours et offre un support au nationalisme violent qui le ponctue régulièrement. Héritage culturel qui est devenu une source de rhétorique pour le gouvernement, un substrat au discours performatif qui se réfère à un système de conventions, des rituels et une stratégie qui croise les références historiques, le discours politique, la symbolique des récits épiques au nationalisme le plus vindicatif. Aliyev fait de certains lieux de ce patrimoine des « lieux discursifs », un paysage-spectacle (B.Tratnjek. 2009) qui vient souligner et justifier la destruction ou la réattribution des symboles de l’existence de « l’autre ». Posant un acte clair qui démontre l’impossibilité du « vivre ensemble ». Alors que dans le même temps, la campagne publicitaire de Londres veut souligner la dimension multiculturelle du pays. Se profile, dans ces différentes campagnes contre l’héritage culturel arménien, « l’impureté » de ce peuple qui a commis des « crimes contre le monde de l’Islam » (Aliyev, 2021). On avait, durant le conflit, constaté que des photos d’une mosquée transformée en porcherie circulaient sur les réseaux sociaux, et avaient soulevé un tollé général dans certains pays arabes. Inutile de dire que ces photos étaient un montage, mais pour la première fois dans ce conflit du Haut-Karabagh qui dure depuis trente ans, la dimension religieuse n’avait jamais été aussi clairement présente. En dehors du fait que les Arméniens n’ont pas voulu ou n’ont pas su contrecarrer cette campagne, le volet religieux dans la propagande anti-arménienne est de nouveau utilisé en novembre 2020 durant la visite du couple Aliyev à la mosquée de Aghdam. Aliyev souligne l’islamophobie de l’Occident qui soutient les « vandales » arméniens, ceux qui « osent garder des cochons dans la Mosquée de Zangilan ou de Jabrayil ». Pour que l’histoire, comme un récit de soi idéal, soit possible et soit racontable, il va bien falloir effacer les traces encombrantes des Arméniens. Réussir l’homogénéisation de l’espace culturel de la région est un objectif évident pour le gouvernement azerbaïdjanais. Les églises sont les hauts lieux de l’identité arménienne, dans le quotidien des populations : lieux de sociabilité, d’éducation ou de construction identitaire (A. Navarra. 2020). La politique de déni, de privation ou de dégradation menée par l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’héritage culturel arménien marque la volonté de couper le peuple arménien de la région de son histoire, de ses biens matériels ou immatériels. Le patrimoine entendu au sens de l’identité culturelle est d’autant plus en danger. Nous avons déjà mis en exergue dans différents textes, les liens de la population au patrimoine et les effets de sa destruction sur les individus, notamment : une vulnérabilité accrue. Le déni systématique de l’origine du patrimoine construit arménien est devenu une politique systémique en Azerbaïdjan. Toutes les églises trouvent leur origine chez les Albanais du Caucase, les épigraphies sont effacées et la reconversion du patrimoine arménien va bon train, devenant le support du refoulé de l’histoire. Encore une fois, soulignons que tout discours sur le patrimoine nous amène dans le champ de l’éthique, des droits culturels et des droits humains, des conflits de propriété du patrimoine et des droits universels au patrimoine. L’impossibilité pour l’UNESCO de mener à bien sa mission, le silence poli et attendu des instances européennes ou autres ne cessent de questionner l’éthique et le juridique sur les questions de protection du patrimoine culturel pour ces entités infra-étatiques. L’atteinte au patrimoine enlève tout sens à la valeur relationnelle du patrimoine ; la vision monolithique de l’histoire voulue par Aliyev fait table rase de la diversité culturelle régionale. Comment, alors, croire dans une possibilité sincère du « vivre ensemble » pour le peuple arménien du Haut-Karabagh ? Le gouvernement de L’Azerbaïdjan clame à qui veut l’entendre, et ils sont nombreux, qu’il est le défenseur de la diversité culturelle, mais pourtant, il semble se méfier d’une identité multiple de la région dont le patrimoine est témoin. En effaçant les épigraphies sur les monuments ou en changeant les attributions des églises et monastères (de façon maladroite et peu scientifique) il ne fait que démontrer sa volonté de redéfinition de l’identité sociale de la zone, au travers d’un programme politique et de communication bien orchestré qui ne fait que poursuivre le programme militaire, enrichi du volet religieux afin de produire de nouvelles valeurs symboliques et de contrôler la définition des identités de la région. Aliyev ordonne l'effacement des inscriptions en arménien (fin mars 2021) Comment, alors, vouloir appartenir à une nation organique qui est pensée sous l’idée de la différence, qui crée une frontière entre le « nous » et « eux », à savoir le peuple arménien du Haut-Karabagh, à une Nation qui est pensée comme une entité « naturelle » dont sont, de fait, exclus les Arméniens ? Qui est encore assez naïf pour penser qu’on laissera paisiblement les Arméniens se fondre dans la « nationalité » azerbaïdjanaise, alors que tout est fait pour les exclure de la « communauté imaginaire » que constitue la Nation (B. Anderson) ? A la violence militaire succède la violence culturelle. Pas seulement la destruction d’un patrimoine, mais une violence structurelle (empêchant l’accès des Arméniens à la réalisation de soi) au travers de destructions, du déni et de l’appropriation de leur héritage culturel. La culture est un outil politique pour asseoir, confirmer ou ressusciter la haine anti-arménienne qui depuis plus cent ans s’abat sur les Arméniens de la région (pogroms de Bakou 1905, 1990. Pogrom de Soumgait 1988) LE PATRIMOINE ARMÉNIEN EN SITUATION DE POST CONFLIT La protection du patrimoine culturel pendant un conflit est une problématique traditionnelle des situations de conflit, mais celui du patrimoine dans l’après-guerre et dans des situations humaines et juridiques aussi complexes que celles du territoire du Haut-Karabagh, l’est beaucoup moins. Nous ne reviendrons pas sur les différentes questions juridiques soulevés par le droit des peuples à disposer d’eux- mêmes, qui a fait l’objet d’un dossier, présenté par Hyestart, à diverses instances européennes. Mais nous nous attacherons à voir comment le patrimoine est, dans ce cas, utilisé politiquement pour créer une « idéologie du rassemblement » (Di Meo/Alii. 1993) dont les Arméniens sont totalement exclus. Tout discours sur l’héritage culturel collectif du Haut-Karabagh est un discours d’exclusion de sa population majoritaire, les Arméniens. On l’a assez souvent répété, la patrimonialisation et la conservation sont des démarches essentiellement occidentales, certains diraient de technocrates occidentaux, dans le cas qui nous occupe, leur vision universelle et univoque se trouve confrontée à des enjeux de pouvoir soumis à des négociations qui n’ont aucun caractère « universaliste », mais plutôt économique et géopolitique. Il est évident que durant ces longues années de guerre, aucun processus de paix n’a été mis en place : seule la gestion maladroite du conflit a prévalu. Il est donc difficile aujourd’hui d’intégrer le patrimoine culturel arménien dans des réponses économiques et sociales plus larges. A présent, pour des raisons d’intérêt qui ne trompent personne et parce que la protection effective de ce patrimoine s’avère inexistante ou très faible, sa politisation et son ethnicisation se poursuivent. De campagnes publicitaires en passant par les réseaux sociaux, les attaques insidieuses se perpétuent. Ici l’église Saint Jean de Mastara (Arménie) est présentée comme une église dont les origines architecturales sont turques et il faut noter que le district de Talin en Arménie est présenté comme étant en Azerbaïdjan ! Comment penser, alors, à un rétablissement social et psychologiques des communautés touchées ? Quel sens donner aux discours de Aliyev en direction des occidentaux sur la diversité culturelle alors que couper le fil continu de la présence arménienne dans la région du Haut-Karabagh est au cœur de toutes ces campagnes de communication ? Ces actes sont contraires à la réconciliation et au rétablissement de rapports apaisés. Ce processus multidimensionnel et pluridisciplinaire ne peut se contenter du silence poli des instances internationales ou de réponses standardisées. Il est évident que la multiplicité des acteurs : les organismes internationaux, les groupes d’intérêts économiques ou communautaires et les médias créent un conflit de perceptions et de préoccupations, mais aussi de valeurs qui ne font que compliquer la tâche. Mais derrière tout conflit, il y a des populations qui doivent, de nouveau, pouvoir entreprendre un processus de restauration et de développement dont l’héritage culturel est l’un des moteurs. Les différentes atteintes au patrimoine arménien du Haut-Karabagh sont des atteintes au droit à la participation à la vie culturelle. Une approche plus large de la vie culturelle et du rôle qu’elle peut jouer a été proposée par l’UNESCO même, la culture n’est pas juste la vie de l’esprit, mais son champ d’application est plus important et englobe l’ensemble du mode de vie d’un groupe social, mais aussi toute activité ou expression sociale propre à cette population. Le droit à la culture devient aussi le droit à sa culture. Cela recoupe la protection des minorités et les droits des peuples autochtones. L’UNESCO s’est positionné dès 1982 avec la déclaration de Mexico sur la culture, la définissant comme les « modes de vie, les droits fondamentaux des êtres humains, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». La déclaration universelle de l’UNESCO de 2001 adopte la même conception. Donc, si nous nous référons à un ensemble de texte, les liens entre les droits humains et les droits culturels sont étroits. Il ne s’agit pas, uniquement, de défendre des monuments, cela va bien au-delà. QUELS ARBITRAGES INTERNATIONAUX POUR QUELLE EFFICACITÉ ? Il faut préciser que la république du Haut-Karabagh, proclamée au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se heurte, à la hiérarchie des normes internationales qui ne sont pas favorables à la remise en question de l’intégrité territoriales d’un état. Il ne s’agit pas de développer l’aspect juridique de l’autodétermination dans cet article, ni même, de souligner le prix que doivent payer certains peuples à la préservation de l’intégrité territoriale de certains états, mais d’interroger les instruments que proposent la convention de la Haye et les protocoles, dans les situations telle que celle du Haut-Karabagh, c’est-à-dire une entité infra-étatique. Il n’est pas uniquement question d’attaques visant des biens, mais aussi de tensions ancrées dans l’instrumentalisation de l’identité, du déni des droits individuels et collectifs par un pays signataire de la charte, à savoir l’Azerbaïdjan. La destruction, l’altération et le déni des biens culturels arméniens est la partie visible d’un problème plus complexe qui intègre les dynamiques sociales, politiques et culturelles et qui nécessite d’associer une approche fondée sur les droits de l’homme à une approche élargie de l’héritage culturel. Ce patrimoine est impliqué dans des conflits plus anciens et complexes contre les Arméniens : pogrom de Soumgait (1988), pogrom de Bakou (1990). L’acmé de ces tensions ethniques a été la destruction du cimetière de Djoulfa par les Azerbaïdjanais, de 1998 à 2005. Djoulfa était un cimetière de khatchkars (croix de pierre), expression unique de l’art arménien. Copyright Arthur Gevorgian. 2005. Destruction du cimetière de Djoulfa La culture arménienne est au cœur de ces conflits par la volonté répétée de son annihilation par les gouvernements de l’Azerbaïdjan. La culture est au cœur de l’analyse des conflits, mais elle doit l’être aussi dans les stratégies de paix. La mission qui devait être menée par l’UNESCO a été annulée par opposition de l’Azerbaïdjan, laissant une certaine amertume à ceux qui pensaient que le peuple arménien du Haut-Karabagh bénéficierait au moins de la protection de son patrimoine. J’utilise, ici, le mot de peuple et non de population pour préciser la nature d’une entité dont il s’agit de reconnaître les droits collectifs et pas seulement individuels. On peut comprendre le scepticisme que cela peut soulever. Car la diversité culturelle, présentée comme un outil de changement dès les années 1990 par l’UNESCO, est battue en brèche par une politique de déni patrimonial d’un état partie. « Une société arrivée à maturité est déterminée par sa capacité à gérer le pluralisme culturel, qui l’a fait évoluer d’un état d’ignorance politique vers le choix rationnel de bâtir une société démocratique pouvant intégrer toutes les différences. Dans ce sens, la diversité culturelle enrichit et vivifie la société » (UNESCO. 2002) On suppose que dans ce texte de 2002, se trouve en filigrane celui de 1996 qui renvoie donc à la tolérance, au dialogue et à la démocratie. On devrait donc s’éloigner de tout fondamentalisme. Reste à savoir si l’Azerbaïdjan est un pays arrivé à « maturité » et ce qu’est finalement une société arrivée à maturité. Il y a bien une dichotomie entre la politique menée en Azerbaïdjan contre le patrimoine arménien et ce à quoi elle est censée adhérer en étant un état partie de l’UNESCO. Il y a dans les textes de l’UNESCO sur la diversité culturelle une grande méfiance envers la notion d’origine. Le gouvernement de Aliyev l’a bien compris et utilise cette méfiance en tentant d’apporter la preuve d’une diversité culturelle adaptée aux vœux des Occidentaux. Quant aux Arméniens, dont on a pu constater le peu d’expérience dans la communication et notamment de crise, ils s'arcboutent sur un discours autour de la primauté ou sur les origines et se trouvent piégés dans la différence « non acceptable » du discours nationaliste. L’ambiguïté des déclarations de l’UNESCO s’explique par la nécessité de ménager les états membres et on s’appuie sur des documents institutionnalisés, mais qui masquent mal leur origine socio-politique (B. Nielsen. 2013). Documents importants car ils promeuvent la paix, l’égalité et la liberté, mais en raison de tergiversations ou de compromis, ils semblent plus promouvoir une illusion qui met en avant des projets esthétiques occidentalisés en oubliant que les réels projets d’émancipation passent par le politique. DÉNI DE PATRIMOINE ET DESTRUCTION La politique de déni du patrimoine arménien n’est pas une nouveauté en Azerbaïdjan, mais qu’elle se double d’un discours religieux est plus récent. L’Islam n’était pas un enjeu pour un projet de société, ce qui faisait de l’Azerbaïdjan un des pays les plus laïcs du monde musulman. Pourtant, depuis novembre 2020, le fait religieux est directement invoqué. Soit pour démontrer que les Arméniens ont souillé des mosquées (cf. photo ci-dessus) à grand renfort de photo truquées, soit par les allégations de Aliyev soulignant des attaques contre le monde musulman par les Arméniens dans leur entreprise de détruire des mosquées. Jusqu’à présent, l’ethno-nationalisme azerbaïdjanais ne se doublait pas de son volet religieux et agressif. Aliyev change de ton et la tolérance envers les différents courants religieux du pays ne semble pas pouvoir s’appliquer aux Arméniens. Mais attaquer de front ce groupe chrétien serait difficile (pour le moment), la communication envers les partenaires européens pourrait en pâtir et on suppose que ces mêmes partenaires pourraient être « embarrassés ». Mais le déni et la réattribution du patrimoine arménien aux Albanais du Caucase est devenue chose courante. Le patrimoine arménien envisagé comme un instrument politique ne pourra pas compter sur le respect de la population envers le patrimoine de « l’autre ». Trente années de guerre, qui ont engendré des transferts de population et de part et d’autre, les discours nationalistes qui ont empêchés toute mise en avant d’une histoire horizontale (celle de groupes ayant vécu les uns avec les autres dans ces zones rurales) ne faciliteront pas le respect pour le patrimoine arménien. Dans ces régions rurales, qui ont peu à voir avec Bakou, le désintéressement envers le patrimoine, dans les classes les plus pauvres est un fait, d’autant plus que le patrimoine regroupe d’autres pratiques qu’en Occident. Les vidéos de destruction ou de dégradations qui ont circulé dès la signature des accords entre les deux pays, ce qui relève de la culture de guerre, ont été un moyen de propagande envers les populations, mais ont disparu, à présent, des réseaux sociaux. Elles étaient trop agressives, trop explicites et devenaient gênantes pour les rapports instaurés avec l’Occident et ne pouvaient que démentir la promotion de l’Azerbaïdjan à l’extérieur. La violence est au cœur de nombreux nationalismes comme en Azerbaïdjan. Rappelons-nous de l’assassinat de Gurgen Markaryan en Hongrie, en 2012. Ramil Safarov, l’assassin, est devenu un héros national en Azerbaidjan, contribuant ainsi à donner un sens d’impunité à un crime raciste. En 2016, le Conseil de l’Europe, épinglait l’Azerbaïdjan pour ne pas prendre de mesures contre les discours de haine et rappelait qu’aucune législation anti-discrimination n’était mise en place. Aliyev et ses discours performatifs utilise la violence pour « faire advenir la Nation » (X. Crettiez. 2013) et déterminer les frontières de l’ethnicité. Quelle place pour les Arméniens du Haut-Karabagh dans cette Nation organique ? Ilham Aliyev et sa famille dans une église arménienne attribuée aux "Albanais du Caucase". Durant le conflit, la tolérance envers les différentes religions est devenue un outil de communication important pour l’Azerbaïdjan, au cœur de la guerre, le Grand Rabbin du pays vient confirmer, dans un journal suisse, qu’aucun risque d’ethnocide ou de génocide de Chrétiens n’est à craindre. Pour surfer sur la vague religieuse, certains articles de journaux rapprochent les défenseurs de la cause arménienne à des extrémistes de droite partant en croisade contre l’Islam. Ce conflit qui n’avait pas d’origine religieuse se trouve englué dans un flot d’échanges nauséabonds. Mais qu’en sera-t-il des Arméniens du Haut-Karabagh ? Trente ans de conflit mal géré, d’erreurs de jugement, d’inconséquences sans aucune réflexion autour de processus de paix qui n’ont fait qu’attiser les haines réciproques pour se finir dans la tragédie de la perte de milliers de jeunes hommes arméniens. On en a oublié les causes de ce conflit et la volonté d’un peuple à demander le droit à l’autodétermination ; les pogroms de Soumgait (1988) et de Bakou (1990) sont dans les mémoires de tout arménien ayant vécu en Azerbaïdjan. Le paramètre individuel et micropolitique est ce qui a été le plus perturbé ces dernières années (Rosenau) comme les sentiments de loyauté des individus à l’égard de leur collectif d’appartenance ou les comportements de soumission à l’égard de l’autorité. Mais on ne veut, toujours, que reconnaître l’état avec cette raison que les individus ne peuvent constituer une unité d’analyse recevable. On a prié l’individu de quitter la scène pour n’y réapparaître que comme figurant dans les entreprises de déstabilisation de l’hégémonie réaliste. Mais les structures macropolitiques demeurent considérables et rien n’a vraiment été pensé pour avoir des perceptions d’élaborations collectives, ce qui laisse la place au simple accomplissement hégémonique. Les atteintes à l’héritage culturel arménien en Azerbaïdjan ainsi que la violence des discours anti-Arméniens du gouvernement et son instrumentalisation auprès de la population ne font que fixer les rejets communautaires. La fonction stabilisatrice de cette violence est utile pour un gouvernement qui a pu masquer ainsi la paupérisation de la société, l’accroissement des inégalités sociales ou encore l’enrichissement de son propre clan ne laissent rien de présager de bien à la fois pour l’héritage culturel arménien, mais aussi pour le peuple arménien du Haut-Karabagh. La déclaration des droits des peuples autochtones de 2007 est un texte important. On peut certes discuter sa normativité ou sa juridicité, mais il s’agit bien du « versant interne » du droit à l’autodétermination qui est consacré par cette déclaration. Les états disposent de tous les moyens juridiques, politiques, socio-économiques et médiatiques permettant d’anéantir la nécessité d’émancipation d’un peuple opprimé. Depuis 1918, date du premier congrès des Arméniens du Karabagh (qui forme un gouvernement et proclame le Haut-Karabagh entité territoriale), le peuple Arménien de ce territoire aura connu les vexations et les brutalités sociales qui aboutiront à des pogroms et ne cesse, depuis cent ans, de subir une discrimination. La haine patrimoniale précède toujours les atteintes envers les populations, comment ne pas y penser quand on constate comment la violence des propos de Aliyev et son instrumentalisation du patrimoine repose sur la dénonciation d’une communauté, censée retourner sous son pouvoir. On fait une communauté en distillant une haine partagée qui a pour fonction l’amnésie sociale, mais qui met en péril la population arménienne de la région. Ne doit-on pas, alors, considérer le peuple du Haut-Karabagh comme un peuple discriminé ou sous domination ? Pourquoi ne pourrait-il pas bénéficier d’une autodétermination externe, rompre les liens avec un état oppresseur qui ne garantira pas la sécurité de ce peuple ? Car derrière tout le déballage émotionnel et affectif du nationalisme de Aliyev, il y a bien une stratégie. A quoi servent les droits proclamés sans mise en œuvre effective ? Le changement est ici, peut-être, surestimé pour « mieux forcer la pensée théorique » (B. Badie. 2004) « Celui qui contrôle le passé contrôle le futur, celui qui contrôle le présent contrôle le passé » 1984 G.H. Orwell Biographie et annexe : Barnett. M/Finnemore. M, “Power and pathologies of international organizations”. 1999. Berthoud. G, “, De la violence primordiale “ revue européenne des sciences sociales. 1992. Kaldor. M, “new and old wars. Organized violence in global era” Cambridge, polity press. 1999. Gurr. T, “Minorities at risk: a global view of ethnopolitical conflicts”. Washington institute of peace research. 1993 “Peoples versus states. Minorities at risk in the new century“. 2000. La Cour Grandmaison. O, “Coloniser, exterminer : sur la guerre de l’état colonial“, Fayard, 2005. Eriksen. T, “between universalism and relativism: A critique of the UNESCO concepts of culture“in culture and rights: Anthropological perspectives, Cambridge university press, 2001. Barth. F, “ethnic groups and boundaries. The social organization of cultural difference“, Allen, 1969. 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X, “Violence et Nationalisme“, Odile Jacob, 2006 Déclaration des droits de l’homme (1948) Article 22 Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays. Article 27 1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent 2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur. Pacte international relatif aux droits civils et politiques Adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 Entrée en vigueur: le 23 mars 1976, conformément aux dispositions de l'article 49 Article 1 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. 2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance. 3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. Article 27 Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels Adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 Entrée en vigueur: le 3 janvier 1976, conformément aux dispositions de l'article 27 Article 15 1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit: a) De participer à la vie culturelle;

  • Prix de littérature de l'UE:"Une bonne nouvelle pour la littérature arménienne" se félicite Hyestart

    Pour la première fois cette année, l’Arménie est éligible (avec 13 autres pays dont la Tunisie) au Prix de littérature de l'Union européenne (European Union Prize for Literature, EUPL) dont l’objectif est de mettre en avant la richesse en termes de créativité et de diversité de la littérature contemporaine européenne de fiction, de promouvoir la circulation de cette littérature au sein de l'Europe et d'encourager un intérêt plus grand dans les travaux littéraires non-nationaux. Les ouvrages des gagnants (un par pays participant au Prix sur principe de rotation) atteignent ainsi un public plus grand et international, touchant des lecteurs au-delà des frontières nationales et linguistiques. Le Prix de littérature de l'Union Européenne est un consortium composé de la Fédération européenne et internationale des libraires (EIBF), de la Fédération des associations européennes des écrivains (FAEE/EWC) et de la Fédération des éditeurs européens (FEE). Le Prix est financé par le programme Europe créative de la Commission européenne. Le prix de littérature de l'Union européenne existe depuis plus de dix ans et est organisé conjointement par les trois membres du consortium qui nomment les membres du Jury. Les membres du jury sélectionnés pour l’Arménie sont : * Armen Ohanyan (Pen Armenia), * Arevik Ashkharoyan (Ari literature), * Anahit Avetisyan (traductrice de nombreux ouvrages dont récemment "Au-revoir Piaf" d’Aram Pachyan aux éditions Parenthèses), * Shakeh Havan (Art Bridge) et * Mkrtich Matevosyan (Actual Art). Hyestart dispose d'un fonds qui comprend notamment une bourse de traduction ("la bourse de traduction Vartanouche Krikorian") dont le but est de promouvoir au plan international la fiction arménienne qui a une résonance sociale et/ou politique contemporaine en Arménie. Hyestart souscrit donc pleinement aux objectifs du Prix et est heureux d’avoir pu contribuer de manière consultative à la sélection du jury arménien. Le co-fondateur de Hyestart, Alexis Krikorian, a réagi en déclarant: "Cette éligibilité est une excellente nouvelle pour la littérature arménienne notamment en termes de visibilité en Europe et au-delà". Une décision finale du Jury est attendue pour le mois de mai. Nous sommes impatients de connaitre sa décision et lui souhaitons bonne chance dans ses délibérations ! Sur le Fonds Vartanouche Krikorian: https://www.hyestart.net/fonds-vartanouche-krikorian Sur le Prix de littérature de l'Union européenne: https://www.euprizeliterature.eu/fr Contact: contact@hyestart.org

  • La relation ambigüe et contradictoire avec le politique en Arménie

    Alain Navarra-Navassartian Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux montrant des affrontements entre partisans de N. Pachinian et d’autres groupes plus tard, une vidéo montre le simulacre d’exécution d’un couple comme un simple spectacle de rue, Pachinian hurlant dans un mégaphone ou encore, une femme dressée devant un de policiers. « La guerre fait l’état » énonçait Charles Tilly, mais cette dernière guerre du Haut-Karabagh semble avoir, plutôt, signé l’effacement de l’état au sens de la définition weberienne. Une ahurissante série de « maladresses », de drames (plus de 4.000 morts et 9.000 blessés) et une capitulation stupéfiante ont amené une partie de la population à douter des fonctions régaliennes au sein d’un conflit état/citoyen qui dépasse la simple revendication. En 2018 la désobéissance civile qui amena N. Pachinian au pouvoir ouvre de nouvelles perspectives puisque la désobéissance civile est une forme d’action politique qui porte l’idée politique de l’autonomie décisionnelle du sujet, mais aussi la prise de conscience de sa capacité. Il ne s’agit donc pas de minimiser l’importance de ce mouvement, la révolution de velours, car elle semblait ouvrir la voie à une plus importante et constante négociation entre le sujet politique et le pouvoir politique. D’autre part, la non-violence du mouvement de 2018 avait toute son importance comme le souligne J. Rawls : « Cette fidélité à la loi aide à prouver à la majorité que l’acte est, en réalité, politiquement responsable et sincère et qu’il est conçu pour toucher le sens de la justice du public ». Des revendications qui exprimaient une colère fondée sur le sentiment d’une dignité et d’une justice bafouées. On ne pouvait que se réjouir que chacun « retrouve sa voix » pour dire son insatisfaction devant le cours intolérable de la conduite des affaires publiques. Trois ans plus tard, il semble que l’état se défait à nouveau pour laisser place « aux féodalités concurrentes ». La guerre, son désastreux traitement médiatique qui a utilisé le nationalisme le plus primaire jusqu’aux informations erronées, la licéité du secret permanent sur l’ensemble du processus de la guerre et de la capitulation, les lourdes pertes humaines, l’immaturité politique des dirigeants, y compris celle de Pachinian incapable de comprendre la nécessité d’organiser son départ, la transition et des élections anticipées, pourtant envisagées, ont mis à mal la confiance envers le dirigeant. Contrairement au principe de Rousseau, on n’obéit pas qu’à soi-même mais à autrui, à celui-là qui est digne de confiance. La confiance est le fondement de toute justice. Il ne s’agit pas de rendre N. Pachinian responsable de l’état prédateur instauré par ses prédécesseurs, mais de questionner la légitimité du pouvoir en place après cette guerre, ces pertes humaines et après une telle capitulation. L’affirmation reprise en chœur : « Si Pachinian part, les anciens reviendront » qui est l’argument essentiel et qui s’affiche sur tous les réseaux sociaux marque le manque de confiance dans l’autonomie morale des citoyens arméniens ou dans le système qui n’offre donc qu’un choix binaire comme seule solution et souligne l’injonction, dictée par la peur, à se plier pour éviter l’abîme ou le néant. L’obéissance n’est civile qu’à certaines conditions. LÉGITIMITÉ COMPLEXE On peut difficilement soutenir que ce conflit, et la capitulation qui s’ensuivit, puissent être mis au bilan positif de l’action publique de N. Pachinian. Pourtant tout un pan de la société arménienne semble l’occulter. Il faut préciser que le Premier Ministre a tenté de démontrer que le conflit était une étape nécessaire, puis on nous assène la nouvelle qu’après quatre jours de combat, les jeux étaient faits et qu’il était clair que nous ne pouvions pas gagner… Le conflit a duré quarante-quatre jours ! L’inutilité du sacrifice de jeunes hommes apparait comme une évidence scandaleuse. Il devient alors évident qu’un ordre légal apparaisse comme injuste et qu’un régime légalement constitué s’avère illégitime, notamment après une défaite de la sorte (M. Weber). La guerre a entraîné une crise qui tend à la perte de légitimation du gouvernement de N. Pachinian. Elle vient de ce qu’une partie de l’opinion publique, ébranlée en ses assises les plus profondes, ne donne plus son adhésion aux régulations formalisées par le gouvernement Pachinian. Il ne s’agit pas d’une incohérence, mais d’une crise d’identité (Habermas). Il faut intégrer ce questionnement sur la légitimité d’un gouvernement ou d’un leader dans un moment précis d’un pouvoir dans une culture donnée. Il faut intégrer la légitimité dans l’analyse causale de l’appel au changement politique et non pas utiliser le concept de façon rétroactive, une fois que la crise a eu lieu. Lorsque les modalités de la capitulation ont été connues on a pu, déjà à ce moment là, pointer la relation entre pouvoir, légitimation et communication. Même si le concept de légitimité reste difficile à saisir, on peut souligner que le pouvoir politique repose fondamentalement sur la légitimité qui renvoie à la confiance, à un crédit initial et à ce qui possède un caractère cohérent et crédible. On ne peut faire ici la synthèse des diverses conceptions de la légitimité, mais on doit l’envisager dans un espace mêlant considérations empiriques et normatives. Questionner la légitimité de Pachinian à rester au pouvoir ne met pas en discussion la légalité de son gouvernement. Une distinction s’impose entre la légitimité du régime et la confiance faite à des dirigeants particuliers. A quel niveau un leader perd-il sa légitimité ? Confiance et légitimité ne doivent pas être confondues. On peut envisager qu’un leader perde sa légitimité sans que le régime qu’il avait institutionnalisé soit remis en question. Que Pachinian quitte le pouvoir ne doit pas être obligatoirement un recul vers l’oligarchie. S’il existe « des coulisses du pouvoir », je n’en sais rien pour ma part et je ne peux rien en savoir, donc tout se limite à la dimension visible des diverses contradictions issues du conflit et du règlement du conflit du Haut-Karabagh. Je ne peux que constater la construction politique de la réalité du conflit (qui, par bien des manières, est extrêmement violent pour les familles des victimes) et qui devient, à présent, une mise en scène de la politique pour l’emporter dans la lutte concurrentielle avec d’autres prétendants au pouvoir. Tout le monde oubliant qu’il serait juste, pour une population désabusée, de pouvoir entrevoir une organisation de la collectivité ou une idée de la collectivité acceptable après ce cataclysme. N. Pachinian peut-il représenter l’unité d’un peuple puisqu’il ne représente plus la fonction symbolique de garant de la réalité ? Les explications concernant le processus du conflit et de la capitulation ressemblent plus à un transfert permanent de responsabilités qu’à une analyse claire et argumentée. Il y a des moments de l’histoire ou le « secret nécessaire » ne fonctionne pas, même si on le dit plus licite que le mensonge. Car ce qui est ébranlé c’est la confiance dans l’honnêteté, rapportée à sa dimension programmatique (je ne parle pas ici de transparence), au fait de tenir ses engagements sur le long terme, ainsi qu’à la dignité que l’on attend d’une fonction élective. D’autre part on ne peut défendre l’intérêt général par un appel incessant à la population à démontrer son « attachement » au leader. Le citoyen n’est pas un client et l’état n’est pas un fournisseur, n’est- ce pas ce que l’on reprochait, entre autres malversations, au précédents leaders arméniens ? Voici donc de nouveau « une démocratie en délibération » (Habermas) prise en otage de la communication des uns comme des autres qui ne vise qu’à produire du consensus en oubliant que la formation d’un monde commun passe par le langage argumenté et non par des slogans braillés dans un porte-voix ou des simulacres d’exécutions sordides. La défaite délégitime et place le perdant dans un processus d’affaiblissement de l’état. L’issue des guerres semble toujours moindre, mais il parait évident qu’un état perdant et signant une capitulation ne conserve pas les mêmes moyens matériels et symboliques. On constate aujourd’hui les plus néfastes effets de ce conflit : une guerre intestine pour démanteler les restes de la capacité de l’état qui n’ont pas été détruits dans la guerre. Un leader politique peut être considéré comme un réducteur d’incertitudes à travers l’honnêteté qu’il déploiera. PERSONNALISATION SYSTÉMATIQUE DU POUVOIR On a souvent dit que le processus charismatique résulte d’un jeu de miroir entre une personne et un public. Ceci a certainement fonctionné pour N. Pachinian en 2018 lorsqu’il a pu incarner le « charisme magique » dont parle Max Weber, mais aujourd’hui son « charisme de fonction et d’autorité » (Weber) est largement battu en brèche. Il faudrait d’ailleurs déterminer qui sont les réels militants ou partisans, les sympathisants, les non-engagés indécis et fluctuants dans leurs opinions ou les apeurés, ceux qui veulent, au nom de l’unité, ramener du complexe à du simple, le pluriel de cette expérience désastreuse à l’unique du concept. Il ne s’agit pas, toujours, pour rendre compte d’une unité sociale donnée (la société arménienne) d’invoquer le ciment culturel, voire spirituel, mais bien les formes concrètes du pouvoir (Horkheimer). On nous propose donc d’intégrer et d’accepter le fait qu’il n’y a qu’une bipolarité possible dans le champ politique arménien. Pachinian ou les anciens oligarques. Ce discours ne fait que renforcer l’idée d’intrication des rapports de domination et de la culture politique, une dépendance acceptée, pire, intériorisée. Il ne s’agit pas de ramener la politique à un simple rapport de domination se définissant comme une scission entre une minorité de dominants et une multitude de dominés. Sinon, à quoi bon nous rebattre les oreilles de révolution de velours, de démocratie, etc. Car c’est en dehors de la domination que s’instaure l’état (Spinoza). Il y a une hétérogénéité de la politique et pas seulement deux choix possibles. On enlève par là tout espoir en un changement de nature politique, sinon la politique n’est que le lieu de l’administration de la stagnation. Tout demeure identique lorsque les modifications souhaitées restent à l’extérieur de toute logique politique. Les réseaux sociaux jouent un rôle décisif, non seulement en accroissant les possibilités de mobilisation et de communications instantanées, mais ils ne donnent naissance qu’à un monde déstructuré ou chacun entre en relation avec ceux qui lui ressemblent le plus. Il s’agit plus d’un espace de confrontation où le désaccord n’a aucune fonction structurante. Aussi s’invective- t-on de Paris à Erevan en passant par Los Angeles, exprimant notre indignation face à la situation en Arménie dans un climat de colère régressive et inutile. C’est bien là une des responsabilités de Pachinian : au lieu d’encourager un soutien affectif et inefficace face aux faits intolérables survenus durant cette guerre, ne valait-il pas mieux produire une analyse raisonnable des causes, identifier correctement les problèmes, préparer une transition ou respecter la décision d’élections anticipées plutôt que de transférer toutes les responsabilités, proposer un horizon pour l’action ? L’excès de personnalisation en politique, la « pathologie du charisme politique » (Monod 2012), doublé de la relève des générations qui ne s’est pas avérée un gage de changement et surtout de compétences, souligne que la théâtralisation du changement a peu à voir avec la capacité à rénover authentiquement les idées et les projets. Que signifiera gouverner dans le nouveau contexte qui attend l’Arménie ? Certainement : passer, dans la prise de décision, du style normatif au style cognitif : raisonnement analytique, pensée critique, gestion de la complexité et prise en compte de la richesse qu’est la diversité d’opinions, de jugements et de la capacité de la population arménienne et diasporique afin d’être capable de distribuer l’intelligence collective. Car le cadre dans lequel surgit cette intelligence est un cadre public et pas seulement celui des multiples associations présente en Arménie. Il ne s’agit pas de faire simplement la somme des connaissances des individus, mais de créer des interconnexions entre entités individuelles. Il ne s’agit pas d’avoir plus d’experts, mais que les systèmes soient « experts ». Mais tout cela est inutile si « l’intelligence » publique et organisée (État et ses institutions) ne permet pas de les mettre à profit. LA PEUR Pouvons-nous permettre que notre peur de ce qui pourrait arriver soit la raison pour que rien n’arrive ? Si Pachinian quitte le pouvoir alors Sarkissian ou Kotcharian reviendront… Mais pourquoi ? L’Arménie n’est-elle pas une démocratie parlementaire ? N’y-a-t-il pas d’autres choix, des élections par exemple ? « La phobie d’une fin fantasmée produit la réalité d’un pouvoir assujettissant des assujettis consentants » (J.P Dollé. 2004) Devrons nous rester dans cet état de guerre de tous contre tous ? Avec, pour seule posture politique, celle d’un dirigeant qui cherche désespérément un transfert des responsabilités et, en face, des groupes qui proposent d’être plus terrorisant que le groupe précédent ? Belles perspectives, en effet : ayez peur et votez pour moi. En fait, les uns comme les autres proposent que la société civile assure elle-même l’orthodoxie politique souhaitée par le pouvoir (des uns comme des autres) L’unité par la peur n’est pas un projet politique, il ne doit pas l’être car ce serait entériner un projet qui s’est tissé à force de mauvaises gouvernances, d’idéologies et d’actions collectives qui s’avèrent être des échecs aujourd’hui et qui ont couté la vie à des milliers de jeunes hommes. L’ordre social arménien serait donc voué à n’être composé que de collaborateurs, d’attentistes ou de victimes ? Comment penser les évolutions du système dans un tel cadre ? Tout citoyen peut interpeller les responsables politiques : où en sommes-nous ? Où voulez- vous nous mener collectivement ? Comment comptez- vous faire ? Tout cela afin de renvoyer à l’exigence d’un diagnostic, d’une vision collective de l’avenir, d’un programme stratégique de mesures et d’un plan d’exécution précis. Le mot d’ordre pourrait être, ensemble, diaspora et Arménie dans une reconfiguration du rôle de la diaspora hors de sa fonction philanthropique.

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