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  • Projet de loi sur la violence domestique en Arménie: entre inquiétudes et paradoxe

    Sous la pression des groupes les plus conservateurs du parti au pouvoir (HKK), le projet de loi contre les violences domestiques élaboré par le ministère de la justice arménien est révisé. Ce projet de loi peut être considéré comme le résultat d'années de combat des groupes de défense des droits des femmes en Arménie, mais aussi d'un agenda international. L'UE a en effet prévu une subvention de 11 millions d'euros pour développer dans le pays un programme d'aide au développement des droits humains. Une des conditions était l'adoption d'une loi contre les violences domestiques. "LES VALEURS FAMILIALES TRADITIONNELLES ARMENIENNES" Le titre de la loi a été changé et certaines modifications significatives ont été apportées pour contourner l'opposition violente des détenteurs des "valeurs traditionnelles arméniennes". Mais de quelles valeurs traditionnelles parle-t-on ? La légitimité traditionnelle se fonde sur la valeur du passé en tant que tel. Il ne me semble pas que la tradition arménienne appelait ou sous-entendait une violence contre les femmes, des avortements sélectifs ou des discriminations de genre. Si les croyances traditionnelles sont légitimées par le passé, il faut bien préciser de quel passé on parle. Celui du groupe arménien dans son ensemble ou celui de la République d'Arménie, ex-république soviétique. Dans le second cas, on peut mieux comprendre l'ostracisme autour de ce problème de la violence contre les femmes. Sujet tabou sous le régime soviétique, il le reste aujourd’hui. Sous le régime soviétique, toute une série de droits était accordé, mais l'émancipation de la femme était avant tout une politique publique contrôlée par l'Etat, fluctuant au gré des priorités dictées par "l'intérêt national". L'imaginaire soviétique a toujours valorisé une vision essentialiste des sexes dans laquelle la femme et l'homme ont des fonctions sociales très différentes. N'est-ce pas plutôt de ce passé que nous parle les opposants à la loi ? Il devrait se souvenir du rôle essentiel des femmes dans la première République arménienne de 1918. En rappelant sans cesse l'attachement aux "valeurs traditionnelles", c'est bien la stabilité et la hiérarchie des rôles sociaux et familiaux qui est mis en avant. Cela apparaît plutôt comme une injonction à obéir aux valeurs d'autorité en place. Mettre en discussion ces "traditions" ne serait-il pas mettre en question la légitimité des personnes qui dirigent la société en fonction de ces "traditions" ? D'ailleurs l'emploi par les opposants à la loi du terme "traditions" au pluriel rappelle que chacun est en position d'héritier de sa culture, de sa famille... Je ne me sens donc pas héritier d'une tradition de violence gratuite contre des femmes ou des minorités. Présenter le premier projet de loi comme une "perte” de valeurs est absurde. Il ne s'agit pas d'opposer la "tradition" à la modernité. Le processus de modernisation n'est pas le résultat de la disparition de la dimension traditionnelle. Dans les discussions vives autour de la loi, le projet a été présenté comme une exportation occidentale qui mettrait en danger la famille traditionnelle. Il ne s'agit pas de promouvoir une hégémonie occidentale, mais de favoriser une lutte et une prévention autochtone contre les violences de genre. Dans différents commentaires on a pu lire ou entendre que cette loi avait une importance secondaire en rapport aux problèmes endémiques de l'Arménie: corruption, chômage, état de conflit ou émigration. Mais l'injustice qui transcende les divisions de genre se retrouve à tous les échelons de la société. AMENDEMENTS Les révisions apportées au projet de loi questionnent. En effet, l'intitulé de la loi a changé. Il est passé d'une loi punissant la violence domestique à une loi de "prévention de la violence dans la famille et à une restauration de l'harmonie dans la famille". Ces révisions maintiennent la structure du pouvoir qui est à l'origine des situations d'agression. C'est donc un compromis patriarcal proposé par les plus conservateurs du parti au pouvoir. La violence contre les femmes de même que toutes les discriminations sont un problème politique et non pas d'ordre privé ou de l'ordre du "naturel". Si par tradition on entend une complémentarité séculaire entre hommes et femmes, cette complémentarité ne fait que renvoyer la femme à son domaine de prédilection : la famille que l'on oppose facilement au domaine public et c'est ce qui est sous-entendu par les opposants à la loi. Encore une fois, est-ce la tradition arménienne de considérer que les femmes ne s'appartiennent pas ? Qu’elles ne sont qu'un infime pan de l'unité familiale "incarnée" par son chef ? Ma tradition familiale arménienne a été de ne jamais accepter une explication naturaliste de la violence contre les femmes. Ma tradition familiale arménienne à été de connaître les actions, les écrits et les engagements de femmes telles que Serpuhi Dussap, Hayganoush Mark, Diana Abgar, ambassadrice au Japon de la première République d’Arménie, de Méliné Manouchian, résistante et activiste et de Khanem Ketenjian qui fut une résistante de Urfa en 1915, entre autres. Voila la tradition qui m'a été enseignée par mes grands-parents. Alors de quelle tradition arménienne parle-t-on ? De nombreuses différences culturelles présentées comme héritage ou traditions sont en fait des productions d'un passé proche. A se focaliser sur la seule reconnaissance du génocide de 1915 pour complaire notamment à sa diaspora, l'Arménie en oublie de revisiter son passé plus récent. Bien des réactions ou des productions sociales semblent plus le fruit de "traditions soviétiques". Arrêtons d'en appeler sans cesse à la tradition lorsqu'il ne s'agit en fait que d'un principe de légitimité du pouvoir moderne. En référer toujours à la tradition arménienne qui n'a pas été univoque, ni avant 1915, ni après, est un mode d'opération du symbolique et donc du pouvoir. MOBILISATION DE LA DIASPORA La mobilisation de la diaspora dans ce débat est notable à plusieurs niveaux. L’Arménie, qui démontre depuis un certain temps une volonté de polarisation de l'arménité, ne peut plus se contenter d'injonctions faîtes à la diaspora pour légitimer le pouvoir, en s'appuyant sur des groupes qui assurent une fonction de patronage. Les réactions d'un ensemble de personnalités notables des diasporas européennes ou américaines montrent que la diaspora a cette fois-ci plus agit que simplement réagit. L’intégration dans les pays d'accueil, la construction d'identités plus ouvertes et mixtes, l'habitude du fonctionnement démocratique, la question de la citoyenneté et le simple fait de ne pas se reconnaître dans cette "image traditionnelle" a amené la diaspora européenne et américaine à se mobiliser. Beaucoup ont souligné que la loi fortement révisée serait bien différente de ce qui existe dans d'autres pays. En ce sens qu'avec la loi ainsi révisée ce serait l'Etat lui-même qui occuperait une fonction réconciliatrice. Il ne s'agit plus de pénaliser un crime ou un délit, mais de réconcilier des familles, ce sur quoi l'intitulé de la nouvelle loi met l'accent. On pouvait espérer plus de cohérence de la part du pays, qui poussé par un agenda international et la promesse de subsides de l'UE pour développer un programme de soutien aux droits humains, avait décidé de promulguer cette loi. Rappelons que la condition pré-requise pour toucher cette manne était le vote d'une loi contre les violences domestiques. Comme le souligne dans son article Anna Nikoghosyan, membre du comité de Frida Young Feminist Fund, la société patriarcale arménienne n'a pas compris qu'une démocratie qui utilise la législation pour réguler les relations entre citoyens n'a pas à se référer aux "traditions". Il va falloir de l'imagination, mais aussi de la réflexion, de l'ouverture d'esprit et de l'intelligence aux Arméniens d'ici, là-bas ou d'ailleurs pour imaginer des rapports qui ne soient ni l'abandon des traditions, ni l'abandon de leur critique moderne. Et si la tradition arménienne était d'être un modèle pluriel ? Culture de la transmission, la culture arménienne a toujours su jouer de la dialectique de l'identité et de l'altérité. Reste à savoir la réaction des groupes de défense des droits des femmes. Se contenteront-ils de cet ersatz de loi ou demanderont-ils son rejet ?

  • Liberté pour Zehra Doğan et Osman Kavala

    Zehra Doğan, une journaliste et artiste kurde, a été arrêtée le 21 juillet 2016 après avoir réalisé un tableau qui représente les dégâts causés par l'armée turque à Nusaybin, une ville turque du sud-est à majorité kurde. Elle a été reconnue coupable de «propagande pour une organisation terroriste» (article 7/2 de la loi antiterroriste) et purge actuellement une peine de prison de deux ans, neuf mois et vingt-deux jours. Avant son emprisonnement, Zehra Doğan travaillait comme journaliste en Turquie. Elle a fondé «Jinha», une agence de presse féministe publiant des articles en anglais, en turc et en kurde. Son emprisonnement est à replacer dans le contexte de répression massive des libertés artistique et d'expression en Turquie. La censure en Turquie ne se limite d'ailleurs pas à l'interdiction de l'expression artistique au travers des seuls moyens légaux, mais comprend aussi les menaces, les pressions, la délégitimation et les discours de haine à l'encontre des artistes, journalistes et écrivains. Dans le cas de Zehra Doğan, parmi d'autres interventions arbitraires, la notion de sensibilités sociétales ("toplumsal hassasiyetler") a été mise en avant pour limiter sa liberté artistique. Les artistes engagés dans la lutte pour les droits kurdes sont inculpés en vertu de la législation antiterroriste. Cette législation est formulée en des termes si vagues et est si librement interprétée que toutes les expressions culturelles (par exemple linguistiques) et artistiques au sein de la lutte pour les droits kurdes peuvent être interprétées comme étant une propagande séparatiste illégitime. La liberté d'expression et les droits de la personne sont aujourd'hui plus sérieusement menacés que jamais en Turquie. Pour rappel, les avocats des frères Altan ont été contraints de quitter la salle d'audience alors que leurs clients étaient jugés lundi 13 novembre, accusés d'avoir participé à la tentative de coup d'Etat. Tous deux sont d'éminents journalistes turcs, connus pour leurs articles critiques sur le régime d'Erdoğan. Ce qui s'est passé ce jour n'était qu'une violation supplémentaire de leurs droits à une défense pleine et entière. Selon la plate-forme du journalisme indépendant, 90 journalistes, écrivains et défenseurs des droits de l'homme comparaîtront devant les tribunaux dans les prochains jours. N'oublions pas l'arrestation d'Osman Kavala, l'une des figures clés de la culture et de la société civile turques. En conclusion, nous rejoignons PEN International et d'autres organisations internationales pour demander leur libération immédiate. Exposition des peintures de Zehra Doğan « Les yeux grands ouverts ». Du 24 novembre au 10 décembre 2017 A l’Alhambar. Rue de la Rôtisserie 10 1204 Genève Organisée par les groupes de Genève d’Amnesty International. www.fage-editions.com

  • Le religieux au secours des thérapies de conversion

    En autorisant les psychologues à proposer des thérapies de conversion ou thérapie de réorientation sexuelle, la Justice fédérale brésilienne provoque une polémique mondiale. Mais le fait marquant de cet événement est que cette décision de justice est soutenue et défendue vigoureusement par l'Eglise évangélique. Pourtant le Brésil, depuis 1999, interdit ces pratiques qui, comme aux Etats-Unis, sont souvent inspirées par des mouvements religieux et leurs dérives sectaires. Nous ne pouvons approfondir ici la dynamique religieuse désignée par le terme d'Eglises évangéliques, qui constitue un trait saillant de l'évolution du paysage socio-culturel latino-américain, mais la bibliographie en-bas de page donnera des indications pour ce thème essentiel. C'est le discours du religieux dans sa généralité qui nous intéresse et non seulement dans les Eglises évangéliques, mais dans un ensemble plus large d'églises. Les propos tenus par ces églises se rapprochent de ceux tenus par les églises de la zone caucasienne ou par l'Eglise catholique, de manière plus subtile pour cette dernière. Si le propos d'une "thérapie" dans le discours des églises fait froid dans le dos (nous y reviendrons plus loin), il souligne l'avènement de formes de religiosité particularistes au sein desquelles l'individu renouvelle son identité et son expression sociale. Les forces politiques et institutionnelles comme l'Etat sont questionnées dans leur action. Le patriarche de Moscou souligne même que le législatif peut détruire le lien avec la morale, lors de promulgation de certaines lois. Si l'on croyait que la religion avait cessé d'être un facteur social et politique déterminant à la suite de Durkheim, Auguste Comte ou Max weber, on peut depuis un certain temps se rendre compte que l'influence du religieux n'a pas disparu et que cette sécularisation annoncée n'est finalement qu'une transformation du religieux et non sa disparition. L'idée du déclin de la religion n'est d'ailleurs qu'une idée spécifiquement occidentale. Revenons à cette proposition de thérapie, de médicalisation de l'homosexualité. Quels seront les traitements ? Séances de psychologie, électrochocs, injections d'hormones, lobotomies, hypnose et prières ? Tout cela a déjà été pratiqué, notamment pour la partie la plus "scientifique " par les nazis. C'est d'ailleurs au psychanalyste Krafft- Ebing que l'on doit la qualification de "perversion sexuelle", terminologie empruntée au vocabulaire de la théologie et de la philosophie morale appliquée au domaine médical. L'homosexualité devient le fondement d'un grand nombre de "perversions". La décadence individuelle appelant ainsi la décadence collective, discours que l'on retrouve aujourd'hui dans ces églises où l'attachement du croyant à son église relève de l'identité nationale. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les traitements sont essentiellement pratiqués en Europe et aux Etats-Unis avant que leur légitimité morale ne soit remise en cause. Notons que ce n'est qu'en 1990 que l'OMS retire l'homosexualité de la liste des maladies mentales. Dépénalisée dès 1982 en France, elle y reste considérée comme une pathologie psychiatrique jusqu'en 1992 ! Et si la décision brésilienne fait réagir, il ne s'agit pas de fermer les yeux sur ce qui est proposé ou infligé aujourd'hui encore en Europe ou ailleurs. Un jeune Suisse évangélique a subi pendant dix ans une thérapie de conversion. Des cures sont proposées jusque sur les marchés des provinces françaises. En Chine, ce sont des décharges électriques sur les parties génitales, en Russie, la proposition d'un vaccin... Certains pays se sont engagés contre les thérapies de conversion comme le Royaume-Uni et Malte qui fait office de pionnier en la matière avec une loi qui interdit ces thérapies. Dans certains pays ou les idéologies politiques modernes sont perçues comme ayant échoué à tenir leurs promesses de justice sociale, la religion se profile comme fondement de la légitimité sociale et politique et l'appartenance à ces églises est non seulement un facteur d'identité nationale, mais aussi un facteur anthropologique. On retrouve ce phénomène dans l'ensemble du Caucase par exemple. Le rejet de l'homosexualité est un marqueur récurrent du discours des églises de la zone. Affirmation d'une supériorité morale sur un Occident décadent. Certains exemples peuvent prêter à sourire. Par exemple l'interdiction du film de Disney, "La belle et la bête", aux moins de 16 ans en Russie pour propagande de relations sexuelles perverses. D'autres moins, comme l'utilisation par le président tchétchène Kadyrov d'un puritanisme anti-occidental qui lui permet d'assassiner impunément des individus gays ou supposés gays et de se profiler auprès du monde musulman conservateur en tant que défenseur des valeurs traditionnelles. Ainsi, étrangement, le thème de la "dégénérescence" élaborée au 19ème siècle en Occident trouve un écho favorable dans la "sphère religieuse" de bien des pays non-occidentaux. L'homosexualité, son traitement, son éradication, sa stigmatisation avec pour corollaire, les femmes, le corps et la sexualité deviennent le fondement de collectivités et d'ordres politiques édifiés sur les bases de théologies fondamentalistes. Et pourtant, il ne semble pas évident que le rôle premier des Eglises soit la fabrique des indésirables, ni que leur vocation soit d'aider à construire l'ennemi intérieur, en l'occurrence l'individu LGBT. Cette figure de l'ennemi intérieur produit de contextes historiques, socio-politiques et géographiques certes différents, mais dont l'image constitue partout un puissant outil d'occultation et de légitimation des pratiques politiques, sociales ou de domination. Eau bénite, hypnose, électrochocs, ou assassinat, il s'agit bien de contrôler, d'éradiquer et de surveiller. Mais qui ? Et pour défendre quoi ? Est-ce en stigmatisant des groupes minoritaires, en concentrant l'hostilité sur certaines victimes que l'on croit retrouver certaines formes de communauté que le monde moderne aurait détruit ? Que les églises soutiennent ce discours reste incompréhensible, y compris lorsque les boucs-émissaires sont désignés pour renforcer le nationalisme. En ce qui concerne les Eglises chrétiennes, la recherche d'un "ennemi commun" au plan national et social ne semble pas en rapport avec le message biblique. Le rôle de bouc-émissaire est lié à l'expulsion, à l'exclusion, à l'hostilité de tout ce qui n'est pas le message chrétien qui est en soi un bouleversement des valeurs. Le droit du vainqueur a laissé place au droit de la victime qui devient innocente. René Girard soulignait l'importance de cette "révélation anthropologique". La Bible a pourtant signifié ces boucs-émissaires et le refus du phénomène. Et si une frange des églises n'était pas tout à fait chrétienne ? Bibliographie: David STOLL. "Is Latin America Turning Protestant ? The Politics of Evangelical Growth". 1991. University of California Press. Steve BRUCE. "Modernity and Fundamentalism: The New Christian Right in America". Vol. 41. N° 4. 1990. The British Journal of Sociology. Jean-Pierre BASTIAN. "Le protestantisme en Amérique latine. Une approche socio-historique". 1994. Ed. Labor et Fides. Revue HERODOTE. "Les évangéliques à l'assaut du monde". 2005. N° 119. Alexandre Verkhovski. "Religion et idée nationale dans la Russie de Poutine". 2006. N° 3. Les cahiers Russie. CERI. Danièle HERVIEU-LEGER. (dir.) "Christianisme et modernité". 1990. Ed. du Cerf. Danièle Hervieu-LEGER. (dir.) "La modernité rituelle: rites religieux et politiques des sociétés modernes". 2004. Ed. l'Harmattan. Jean-Paul WILLAIME. "Reconfiguration ultra-moderne du religieux en Europe". 2007. Institut d'Etudes européennes. Ed. de l'université de Bruxelles. René GIRARD. "La violence et le sacré". 1972. Ed. Bernard Grasset.

  • Violence, tortures et assassinats en Tchétchénie

    Comment nommerons-nous ce qui se passe en Tchétchénie contre des homosexuels ou supposés tel ? Mauvais traitement, violation de leurs droits ou oserons-nous nommer cela torture ? La Tchétchénie, qui a connu deux conflits et déjà l'utilisation de la torture, par l'armée russe durant le second conflit de 2000, avec un déficit d'intérêt de la part de l'occident pour ces exactions, voit de nouveau s'abattre sur elle le spectre des opérations spéciales. Photo: Zelim Bakaev/Twitter Cette fois, c'est une purge anti-gay qui est mise en place par le régime. C'est la criminalisation de ces individus qui a entraîné et permis leur incarcération et les tortures infligées. Les services d'Etat coordonnent une homophobie, d’ailleurs très répandue dans l'ensemble du Caucase. Combattre l'homosexualité parce que contre nature, contre la loi divine et contre la nation sont des arguments qui reçoivent l'approbation de la population. "Purifier le sang de notre peuple" est une des justifications donnée à l'homophobie par Kadyrov. Ces actes qui ont pris en Tchétchénie une ampleur particulière soulèvent bien des questions. Tout d'abord d'ordre juridique, puisque le cadre juridique international contre la torture et pour le droit des prisonniers ne tient pas compte des spécificités des formes de torture vécues par ces groupes. Dans le cas présent, la Russie s'étant retiré de la cour pénale internationale en 2016, les recours sont inefficaces. Il existe, dans un grand nombre de pays, des lois discriminantes permettant des situations abusives, comme la criminalisation des rapports sexuels entre deux adultes de même sexe dans la sphère privée. STEREOTYPE DE GENRE ET DE SEXE Quant aux discours tenus par les dirigeants des pays les plus homophobes, ils sont toujours fondés sur des stéréotypes qui permettent une catégorisation qui à son tour confère au stéréotype plus qu'une existence, une essence. Les propos méprisants ou haineux, fondés sur ces stéréotypes, cherchent à acquérir une dimension consensuelle. C'est une logique essentialiste. On explique donc que ce que les gens font, leur conduite, s'entend parce ce qu'ils sont, leur nature. D’où l'importance de mettre l'accent sur le "crime" commis par les homosexuels. Ce processus de catégorisation amène bien vite à la discrimination qui touche d'autres catégories que le seul groupe LGBT. A Berlin, la communauté tchétchène, après des manifestations contre les purges de Kadyrov, s'en est pris à des jeunes filles tchétchènes qui semblaient en rupture avec la tradition. Voilà bien une des menaces des stéréotypes, c'est que des populations ou des individus sont amenés à se conformer au stéréotype. Les groupes les plus en péril sont d'ailleurs ceux qui sont affublés d'un stéréotype d'infériorité. Ces discriminations basées sur le genre et l'orientation sexuelle sont répandues dans l'ensemble de la région. L'Azerbaïdjan vient de rafler plus d'une centaine d'individus. On retrouve toujours des schémas de domination masculine, de mécanismes d'assignation archaïques et de sexisme. L’écroulement du régime soviétique, les périodes de renationalisation des pays caucasiens, la déroute sociale et économique, les nationalismes et les fondamentalismes religieux et, pour beaucoup de ces pays, une culture de la violence et une hyper militarisation ont entraîné un changement des masculinités qui se sont retrouvées réaffirmées dans une relation complexe avec les idéologies résiduelles et émergentes. C’est une masculinité "exemplaire", une idéologie masculine célébrant la survie du "plus fort" qui autorise l'infra-humanisation des minorités sexuelles. "Ils sont écoeurants" précise Kadyrov en parlant des homosexuels et exploitant une notion largement exploitée pour parler des homosexuels. Ecoeurants parce qu'associés à différentes menaces sur la tradition, les valeurs ... Dans ces pays où la sociabilité LGBT est faible, le mépris pour ce groupe est d'autant plus grand. Les discours homophobes tendent à faire percevoir la personne LGBT comme sans caractéristique de l'être humain : moralité, raison, civilité (...) provoquant un déficit d'empathie pour des individus déshumanisés. ORIENTATION SEXUELLE ET GENRE : ENJEUX POLITIQUES Il est rare que les rhétoriques nationalistes fassent explicitement référence à la sexualité pour asseoir leur force de conviction, mais elle en est pourtant rarement absente. La logique genrée qui assigne des places bien précises aux hommes et aux femmes met en place une censure rigide qui introduit la violence dans la lecture du nationalisme. La dichotomie entre hommes et femmes est orchestrée pour démontrer que la nation est avant tout un projet hétéro-masculin. Cette dichotomie se retrouve entre hommes et "féminisés", catégorie à laquelle appartiennent les homosexuels. Les pays les plus agressifs contre les communautés LGBT sont ceux qui ont mis en place des politiques nationalistes qui commandent des attitudes sexuelles et proposent un contrôle des corps, tout d'abord féminin puis des corps "différents". Si la Nation est belle, qu'elle a pour emblème des statues féminines gigantesques, elle s'adresse prioritairement à des hommes forts et convaincus de leur identité sexuelle, sans grand désir de partage. L’âge d'or des nations a toujours été fait pour les "mâles", les mythes ont été écrits par eux. Ne nous étonnons donc pas que la femme ou ses "ersatz " contemporain, le groupe LGBT, soit toujours accusés d'être l'instrument de la chute. Les communautés nationales définissent sans cesse dans les termes de la sexualité les frontières du normal et de l'acceptable. On a pu le constater dans l'avant-seconde guerre mondiale où la figure du Juif est associée à l'efféminé antipatriotique, durant les manifs contre le mariage pour tous de 2012-2013 en France et dans bien d'autres cas. Ce qui soulève bien des réflexions sur la production de formes hégémoniques. Les figures répulsives du nationalisme viriliste, analysées par Georges Mosse, ont-elles vraiment changées ? Il ne s'agit pas de brandir le spectre d'une guerre "culturelle" dont les revendications des droits LGBT seraient la nouvelle ligne de front entre un occident libéral et pro-LGBT et les "autres", pays africains ou musulmans, entre autres. Cette posture n'est pas viable car elle ne prend pas en compte les réalités vécues par les minorités des différents pays de cet occident "sexuellement avancé" où l'hostilité et les actes de violence sont loin d'avoir pris fin, sans aucune comparaison cependant avec l'insoutenable situation tchétchène. Mais à l'inverse ne tombons pas dans une critique irréfléchie d'un impérialisme sexuel occidental, thématique souvent utilisée pour justifier des actes injustifiables. Théorie selon laquelle les identités sexuelles minoritaire seraient ou dériveraient de modèles occidentaux. Vision essentialiste qui masque tout d'abord la pluralité et la diversité des sociétés autres qu'occidentales et aujourd'hui largement critiquée. Les identités sexuelles minoritaires ont existé dans les pays non occidentaux bien avant l'internationalisation des revendications des droits pour les personnes LGBT. Par contre à l'instar des critiques sur le féminisme global ou transnational, il faut saisir in situ les formes d'oppression et d'organisation des luttes menées par les minorités sexuelles tout en tenant compte des interactions et des confrontations avec le monde occidental. Les oppositions tranchées occident-homosexualité / hétérosexualité-non occident sont des pièges dangereux. Ce qui se passe en Tchétchénie nous montre bien que la violence du pouvoir n'est pas seulement d'ordre irrationnelle, celle d'un fou ou autre. Bien au contraire, Kadyrov utilise tout un ensemble de rationalités pour parvenir à cette purge : politique, géopolitique, contexte géographique, contexte coutumier ... EVIDENCE Mais ce qui reste évident, c'est la vigilance que nous devons toujours montrer dans la lutte contre l'homophobie où qu'elle se situe. L'homophobie est une manifestation comme la xénophobie ou le racisme qui consiste à désigner l'autre comme contraire, inférieur, ou anormal. Elle est un obstacle à la pleine réalisation des droits, elle est une forme d’infériorisation. Elle est le combat de tous et pas seulement des personnes LGBT, car ce combat en appelle à notre conscience. Il s'agit du droit d'exister dans notre singularité. Aujourd'hui ce sont des personnes LGBT qui emprisonnées et torturées. Et demain ? Qu'est-ce qui fera passer une population "normale" à une population stigmatisable et discréditée ? En Tchétchénie, cette homophobie n'est pas juste une exclusion. Elle a des conclusions matérielles. Ces êtres humains sont des criminels qu'il faut éliminer et la pression est si forte que les parents eux-mêmes tuent leurs enfants pour se laver de la honte. Quels sont les moyens pour lutter contre ces crimes ? Mener des actions en justice auprès des instances internationales ? Sommes-nous vraiment dupes? Si les acteurs locaux ou la Russie ne se mobilisent pas la situation ne changera pas. Alors il faut continuer à dénoncer ici, là-bas et ailleurs pour éviter l'indifférence, la désinformation et la violence. Parce que la liberté de se construire par delà des identités fermées est essentielle. Parce que la diversité est l'exercice d'une liberté, nous devons pouvoir reconnaître et défendre la pluralité de l'identité. Etre conscient de l'altérité, car c'est se rendre compte des similitudes, mais aussi des différences, s'intéresser à ces différences. Ce n'est ni de l'altruisme, ni de la tolérance. Juste la conscience que tout personne humaine doit être traitée en égalité de dignité.

  • Le corps des femmes: contrôle, surveillance et résistance

    Après le succès de "chanson douce", prix Goncourt 2016, Leïla Slimani aurait pu jouir des privilèges du gotha littéraire parisien, mais la jeune auteure-journaliste n'a pas voulu s'arrêter là. Elle défie les tabous avec son nouvel essai, "Sexe et mensonge : la vie sexuelle au Maroc" (Ed. Les Arènes). Un livre qui recueille les voix de nombreuses Marocaines, un cri qui démontre combien le corps des femmes et leur sexualité est au carrefour des dominations, des questions religieuses, des questions sociales et des questions de pouvoir. Ces divers témoignages mettent en avant une conception idéologique du corps féminin, un héritage universel de domination masculine qui rend encore dans bien des pays du monde, et non seulement musulmans, difficile l'accession des femmes au statut de sujet et la dévalorisation de son inscription dans le social dans l'ordre patriarcal. L'inscription du corps de la femme, essentiellement dans l'ordre de la "nature" et du biologique, a servi d'argument central pour son exclusion du travail de "culture". On construira une "nature" féminine nécessairement contrôlée par l'homme qui n'aura de cesse de les convaincre de leur infériorité. Les grandes religions ont repris à leur compte ce schéma, car si les textes fondateurs sont non seulement respectueux des femmes, ils laissent entendre pour certains d'entre eux une égalité originelle de la femme. Les interprétations et exégèses sont par contre presque toujours misogynes. Les schémas traditionnels persistent, y compris en occident. Le sexe est devenu un enjeu et un jeu public, toute une trame de savoirs, de discours et d'injonctions l'investissent d'autant plus quand il s'agit de la sexualité féminine. Le corps des femmes et son usage revendiqués par un patriarcat dont il faudrait analyser non seulement les dimensions psychologiques de l'oppression de genre et sexuelle, mais aussi identifier les conditions sociales, le contexte du rapport de classe, religieux (...) qui permettent la reproduction de ce schéma et influencent notre perception de nous-mêmes, de notre rapport aux autres, nos comportements et nos pratiques. Le postulat de base est que la femme ne "possède pas " son corps. Mais qui possède son corps alors et d'ailleurs qui possède les corps ? Dieu, l'Etat, nous-mêmes...? Femme, corps et féminité sont souvent associés à dangerosité et cela depuis l'antiquité. De l'idée d'un corps féminin "malade" ou de l'inachèvement de son sexe sont issues un grand nombre de catégorisations sociales en vigueur aujourd'hui. L'essentialisation des catégories de sexe nourrit nombre d'idéologies. La pertinence politique du féminisme réside dans sa capacité à lier des questions, des luttes et des communautés hétérogènes tout en prenant garde de ne pas tomber dans une intersectionnalité dévoyée que la polysémie du terme peut générer. Ce corps qu'il faut "discipliner" reste bien souvent encore, comme le montre le livre de Leïla Slimani, le siège de l'oppression des femmes, même si bien évidement , se développent une réflexion et une lutte sur la manière dont les femmes peuvent construire leurs propres représentations de leur corps. Ce corps féminin considéré comme sexuellement exhibé en permanence par les hommes, qui exigent que l'on couvre tout ce qui pourrait être défini comme des "nudités", est constamment au coeur des débats publics. Alors que le silence sur ce qui est "leur" corps est imposé aux femmes. Cette "pudeur" dont elles doivent faire preuve et qui leur interdit de nommer les choses par leur nom, même s'il s'agit de leur propre intimité. Un silence ancestral, un silence transmis comme un "impensé" que nul ne devrait remettre en question et ceci pas seulement au Maroc, d'où l'importance de ces témoignages. La Parole qui passe par tous les registres, public et privé, écrit et oral est-elle suffisante à faire échec à la violence ? Ce livre et ces femmes nous appellent en tout cas à la congédier.

  • Violences contre les plus vulnérables: De la nécessité de travailler aussi avec les hommes

    Dimanche 15 octobre en fin de matinée, Hyestart interviendra après la projection du film "They" durant le festival du film sur les droits humains de Lugano sur la thématique suivante: "genre, sexualité et nationalisme". Notre intervention porte sur la région du Caucase du Sud, où certaines normes en vigueur concernant non seulement le citoyen, mais l'être humain dans son ensemble stigmatisent certaines pratiques, attributs ou modes de conduite. Les discours politiques de ces pays relèvent donc en permanence le "particularisme" des revendications féministes ou LGBT, pour lesquelles on chercherait à mettre en place des droits "spécifiques". C'est oublier qu'un faux "universel" ne les inclue pas. Le travail complexe des diverses associations, dont la nôtre, consiste à soutenir des revendications identitaires en évitant autant que nous le pouvons ce que Wendy Brown appelle les "dévouements blessés", à savoir un ensemble de conditions et de comportements à partir desquels certains groupes minoritaires se montrent plus attachés à l'exclusion qui sous-tend leur identité qu'à une éventuelle émancipation de leur statut actuel. Sortir de la communauté du "stigmate" pour travailler sur l'inversion du stigmate. S'intéresser aux cas des minorités sexuelles et dans le même temps au combat féministe relève moins de l'intersectionnalité, sorte d'instrument universel dont j'aurais tendance à me méfier, que d'un désir d'analyser les divers modes de subordination et d'exclusion. Une réflexion simultanée sur plusieurs niveaux : violence contre les femmes, normativité hétérosexuelle, discours sur les droits humains comme outil de suprématie, implications psycho-sociales de l'écroulement économique de ces pays... Pour en revenir au sujet de cette intervention, parler d'un nationalisme de genre renvoie aux travaux de George Mosse qui décrivent comment le nationalisme est lié à un stéréotype viril. Dans ces pays du Caucase du Sud, les mouvements féministes et LGBT sont considérés comme "traitre à leur patrie", un danger pour la nation. Ce travail de mise en lien de la sexualité et du nationalisme a peu été développé si ce n'est par certains auteurs comme Benedict Anderson ou Joane Nagel. Le moins que l'on puisse dire c'est que les Etats caucasiens sont loin d'utiliser le "pinkwashing" pour cacher un nationalisme genré et sexuel évident. Il est intéressant d'étudier comment les associations LGBT, les collectifs ou certains militants utilisent et s'approprient les ressources discursives et matérielles de l'international tout en mettant en place des stratégies de résistance aux rapports de pouvoirs nationaux, mais aussi internationaux. Dans le discours courant, les hommes homosexuels partagent les traits prêtés aux femmes : efféminement, fiabilité faible donc sujet à la traîtrise, manque de robustesse... Il y a une connexion symbolique entre les images de genre, de sexe et de sexualité et l'image de la nation. En Arménie comme en Géorgie, le symbole national ou celui de la ville de Tbilissi est une femme. "Mère Arménie" dans un cas et "Kartlis Deda" dans l'autre, matérialisée par des statues géantes entre vingt et cinquante mètres de hauteur. C'est la fécondité des femmes qui se trouve exaltée dans cette représentation des "mères", mais dans le nouveau discours nationaliste et dans une réalité sociale de grande violence contre les femmes et même de "gendercide" concernant les avortements sélectifs, c'est le danger d'une sexualité féminine non contrôlée qui pourrait jeter le discrédit sur la nation qui est mis en avant. Dans ce scénario d'une nation-famille, la mère, la femme est bien entendue la gardienne des traditions et "reproduit" la nation. Dans un contexte de conflit comme celui de l'Arménie avec l'Azerbaïdjan, la "féminisation" est un danger et cela n'a fait que renforcer les stéréotypes genrés. Ce conflit qui dans ses différentes phases a entraîné bien des ruptures sociales dans le monde arménien est un champ d'analyse des rapports de genre et de sexe. Dans ce contexte de ritualisation de la virilité, les hommes sont enjoints de "tuer" tout ce qu'il pourrait y avoir de féminin en eux. Il ne peut y avoir un soi (ethnique) féminisé. Ce conflit ne situe pas seulement l'ennemi de l'autre côté de la frontière, mais l'identifie au sein du groupe propre. Celui qui n'adhère pas sera vite qualifié d'"homosexuel". Il y a donc bien une forte symbolisation du concept de genre et de sexe. On voit se mettre en place à partir de la notion de masculinité et de féminité une distinction entre les Uns et les Autres. Ces autres vécus comme un danger qu'il est licite de violenter comme un devoir national. Les rafles visant des dizaines de membres de communauté LGBT en Azerbaïdjan depuis la fin septembre s'inscrivent incontestablement dans ce contexte. Le genre et le sexe se trouvent placés au centre de la promotion d'identités nationales et deviennent avec la sexualité un vecteur d'inclusion ou d'exclusion de la citoyenneté. Il est donc urgent de travailler aussi avec les hommes pour sortir de ces violences contre les femmes ou les minorités sexuelles. Une violence considérée comme légitime, car peu sanctionnée et donc reproductible. L'écroulement du masculin post-soviétique est ici essentiel et son étude devrait être développé. Pauvreté, migration, chômage, rapport à la sexualité, à la santé... Autant de facteurs qui ne font plus de l'homme post-soviétique ce héros du projet socialiste. Les clichés d'une masculinité viriliste se sont mis en place, telle que la violence ou la force, utilisée pour ne pas être totalement en marge. La violence est une forme acceptable de contrôle et faillir à cette règle entraîne l'exclusion de la communauté masculine. Il ne s'agit bien sûr pas d'avoir une approche culturaliste, mais socio-économique, incluant la classe d'âge, le niveau d'éducation... D'autres formes de reconnaissance ou d'affirmation doivent être accessibles aux hommes. Repenser les masculinités au travers des modes de socialisation semble être devenu urgent dans ces pays. Car cette violence domestique ou contre les "déviants" au système n'est pas culturaliste ou faisant parti d'un ensemble de traditions. Il est urgent de se confronter aux codes, aux systèmes de loyauté et à cette sociabilité masculine. Le travail fait avec les hommes devrait dans un premier temps leur fait prendre conscience qu'ils font partie de la solution et non uniquement du problème.

  • Le photographe Çağdaş Erdoğan en prison à Istanbul

    Près de 100 journalistes arrêtés en Turquie et voici le 172ème en prison, depuis la mi-septembre. Il s'agit d'un des plus brillants photographes turcs de sa génération. Il a 25 ans et se retrouve enfermé à la prison de haute sécurité de Silivri. Oserait-on dire comme d'ordinaire "pour appartenance à une organisation terroriste". Il photographiait les murs d'un immeuble qui serait celui du MIT, les services secrets turcs. Il est surtout puni parce qu'il est un journaliste qui travaille sur des sujets dont l'Etat ne souhaite pas la publication. Il a notamment travaillé dans les régions du sud-est de la Turquie à population majoritairement kurde. Il est l'auteur de cette fameuse photo ou deux colombes se posent sur la tête cagoulée d'un soldat kurde. Photographe de la Turquie contemporaine, sans compromis pour un orientalisme contemporain qui plaît toujours autant à un occident si souvent et volontairement aveugle ou pour un nationalisme exacerbé. Çağdaş Erdoğan quitte Konya et des études de sociologie après sa rencontre avec son mentor Kursat Bayhan. En arrivant à Istanbul, il n'aura de cesse de questionner la relation complexe de la société turque avec la réalité. Rappelons qu'il est avec Bayhan à l'origine de l'agence 140 journos qui réunit des journalistes désireux d'utiliser des images non censurées par les médias d'Etat. Soulignons encore et toujours le courage de ces hommes et femmes turcs qui malgré les dangers d'emprisonnement et de poursuites font face à la crise que traverse leur pays. Son premier livre "Control", publié par Akina books, souligne combien son travail s'inscrit dans la durée pour mettre en évidence les mouvements de résistances sociales que l'on trouve dans la Turquie contemporaine. Hyestart ne peut être que solidaire des journalistes, photographes, intellectuels et activistes des droits de l'homme qui sont arrêtés, la liberté d'expression étant l'un des buts essentiels de notre association, qui s'implique par ailleurs dans la renaissance de PEN Arménie.

  • Hyestart soutient la relance du Centre PEN arménien

    À l'initiative de la fondation ARI pour la littérature, des écrivains, des traducteurs, des éditeurs, des journalistes et d'autres personnalités littéraires se sont rassemblées le lundi 25 septembre au soir à Erevan afin de recréer le Centre PEN arménien de PEN International. A cette occasion, le co-fondateur d'Hyestart, Alexis Krikorian, a été invité à prononcer l'allocution principale dans le but de décrire pourquoi PEN International était encore une organisation pertinente dans le monde d'aujourd'hui et pourquoi il était important d'avoir un centre PEN fort et actif en Arménie afin de promouvoir la liberté d'expression, la littérature arménienne à l'étranger, de même que la traduction, les droits linguistiques et la paix. Dans son discours, il a souligné que PEN était une institution vénérable et crédible composée d'écrivains courageux qui osaient dire la vérité au pouvoir, comme par exemple Eugene Schoulgin. Le discours est disponible ici. Les questions sur lesquelles PEN s'engage - la liberté d'expression, la paix, la traduction, les droits linguistiques, le rôle des femmes - sont toutes soulevées très fortement en Arménie. Hyestart souhaite par conséquent une vie longue et fructueuse au nouveau Centre PEN arménien et est très impatient de coopérer avec ce dernier sur les nombreuses activités qu'il ne manquera pas de mettre en place. Pour plus d'informations, veuillez contacter Hyestart: contact@hyestart.org

  • Caucase : les droits LGBT sont des droits humains comme les autres

    Cartographier le contexte politique et culturel en rapport avec la problématique LGBT dans le Caucase était le but de ces rencontres de Milan, organisées fin juillet par les départements d'anthropologie sociale, de psychologie sociale et de sociologie de plusieurs universités italiennes. L'une des finalités est d'en tirer les conséquences pratiques de la visibilité (ou non) de ces identités dans les espaces publics des différents pays de la région. Le contexte de violence politique, de montée des nationalismes, de guerres latentes ou un contexte d'avancées légales ont-ils des conséquences sur l'existence, l'accès aux soins, voire la survie d'individus au coeur de mutations sociales, souvent mal perçues par l'ensemble des sociétés caucasiennes ? L'ancrage sociétal de la culture patriarcale entretient une vision négative de l'homosexualité. Cette transgression est dès lors vécue comme une réelle menace pour la cohésion de la société. Il n'en reste pas moins que la place accordée aux minorités sexuelles dans l'espace public révèle une imposition d'une pression conformiste, nationaliste en regard d'un conformisme identitaire et sexuel. Mais est apparu parallèlement un ensemble de "militants" ou défenseurs des droits LGBT qui redéfinissent l'espace public, tout en définissant une émancipation individuelle, mais également collective puisque cet affranchissement passe par un questionnement complexe de la société dans son ensemble. Pour reprendre l'expression de Judith Butler, les "corps vulnérables" des individus LGBT existent, mais leur valeur et leur dignité existentielle, sociale et politique ne sont pas reconnues. Pour rejoindre Jürgen Habermas, l'exclusion des couches "inférieures", mobilisées culturellement et politiquement, provoque déjà une pluralisation de la sphère publique et ceci est d'une extrême importance dans l'ensemble de ces pays. Le caractère patriarcal de la famille, qui a formé le noyau identitaire de ces sociétés, est également le lieu de formation des expériences psychologiques. Depuis que les militantes féministes ou de défense des droits des femmes ont souligné leur exclusion de la sphère publique, il y a une réelle compréhension de la nécessité d'une perspective d'universalisation des droits civiques, mais aussi du fait que les luttes féministes et pour les droits LGBT sont encore intimement liées. Souvent les féministes questionnent la sexualité et la diversité de genre, notamment en Géorgie. L'exclusion des femmes et de ce qui est "féminin" de la sphère publique et politique n'est pas contingent, mais pensée de façon déterminée. Nous en sommes pour l'instant à l'absence d'un langage commun entre une sphère publique représentative du pouvoir traditionnel et une "contre-culture" refoulée. La finalité serait de faire accepter une "autre" culture. Les minorités au sein des minorités nous éclairent sur les dynamiques sociales et politiques générales. L'analyse de la situation des minorités sexuelles et de genre reste trop systématiquement proche des modèles occidentaux. Les dynamiques de ces pays ne répondent pas aux mêmes critères de catégorisation pour des raisons diverses : visibilité, rejet, déni, manque d'homogénéité des comportements face à la sexualité, à la prévention ... L'identité LGBT de ces pays semble se construire entre les injonctions d'un contrôle social qui les oppresse (mais semble être une grille de lecture identitaire complexe) et des exemples occidentaux d'autant plus difficiles à saisir qu'ils sont eux-mêmes en pleine modification et que la plupart des associations ou ONG trouvent leur financement dans le monde occidental. Mais se construit une identité personnelle, hors des différents conformismes communautaires ou occidentaux. Des armes de résistance spécifiques pour combattre l'emprise de la doxa, de nouvelles formes d'expression et d'actions symboliques se mettent en place et doivent donc être soutenues. La quête identitaire dans un contexte social dégradé ou violent peut se situer aux extrêmes, notamment par l'adoption de conduites sexuelles à risques. L'expression du désir au travers de la sexualité est une expression de soi. Il ne s'agit pas d'une prise de risque pour s'extraire d'un quotidien trop structuré ou d'un optimisme irréel sur les traitements actuels. La sexualité résulte d'un construit social et participe de représentations symboliques et sociales. Les militants LGBT, qui se définissent comme homosexuels et vivent ouvertement leur statut malgré les difficultés, ont des comportements sexuels à moindre risque, mais ceux qui obéissent, d'une manière ou d'une autre, à l'injonction de l'extrême masculinité utilisent peu les préservatifs. La virilisation du rapport sexuel a pour effet la non-utilisation du préservatif. Dans une hétérosexualité recherchée, on "copie" l'attitude des hommes hétérosexuels de ces pays qui n'utilisent que peu le préservatif, sauf pour des rapports avec des prostituées et encore, ceci n'est pas une généralité. Ces facteurs sociaux et mentaux sont à prendre en compte car ils sont corrélatifs aux prises de risque. Il s'agit bien souvent de sortir de cette "féminité" associée à la fragilité, à la mise en danger de la nation, à une vulnérabilité inacceptable dans bien de ces pays, par exemple en Arménie, qui rappelons-le est en guerre larvée avec l'Azerbaïdjan. La sexualité comme mécanisme inconscient de défense dans un monde de valorisation extrême de l'hétérosexualité et du patriarcat demande bien évidemment une analyse plus approfondie. Il n'en reste pas moins que l'on constate dans certains de ces pays une renégociation des normes patriarcales depuis l'intérieur des sociétés et de nombreux points de convergence entre des luttes civiles inter-sectionnelles. Loin de se replier sur un communautarisme identitaire, les personnes LGBT mettent en place différentes stratégies individuelles ou collectives pour défendre leur estime de soi, leurs droits et ceux de la société civile. Autant de stratégies pour combattre le risque évident de "désidentification", concept psychosociologique développé par José Esteban Munoz qui consiste à subvertir les codes de la culture dominante. S'il s'agit bien d'une tactique de survie, elle n'en est pas moins une de résistance qui doit parfois être prononcée et directe. Ces mouvements LGBT caucasiens ou autres, les mouvements de femmes ou féministes appellent à une réflexion toujours d'actualité sur l'universalisme et sur la production de différences par les normes dominantes. Il n'y a pas pour l'heure, dans ces pays, de parité de participation des citoyens. Il ne s'agit pas d'un retard d'accomplissement pratique, mais de mécanismes d'exclusion implicites qui se répercutent dans le fonctionnement démocratique lui-même. Ces "contre-public" mettent en place un nouvel outillage conceptuel à partir duquel les membres peuvent interpréter leur propre identité. C'est là un grand potentiel émancipateur et nous permet de saisir que les luttes LGBT ne sont pas à l'extrémité de "l'éventail des luttes". Elles ne font pas partie du seul champ culturel, mais bien du champ social, économique et matériel puisqu'on ne peut les traiter sans faire l'analyse des rapports de pouvoirs économiques et politiques qui sous-tendent la production de différences. Bibliographie : Welzer-Lang Daniel. Masculinité. Etat des lieux. Eres. 2011 Strong David A. The impact of sexual arousal on sexual risk taking: A qualitative study. Taylor & Francis Ltd. 2005 Munoz José E. Disidentifications: Queers of color and the performance of politics. The University of Minessota Press. 1999 Butler J. Frames of war. When is life grievable? Verso. 2009 Bhabha Homi K. The location of culture. Routledge. 1994 Brown R. What do i care? Perceived ingroup responsibility and dehumanization as predictors of empathy felt for the victim group, 2009 Crocker. Major. Social stigma and self esteem: The self-protective properties of stigma. Psychological Review. 1989

  • Les droits culturels sont des droits humains

    Nous avons besoin d'exemples positifs dans le Caucase du Sud et de mécanismes efficaces de reddition des comptes Hyestart a participé au séminaire sur les droits culturels et la protection du patrimoine culturel organisé par le haut-commissariat aux droits de l'homme de l'ONU. Ce séminaire participatif a donné lieu à des échanges intéressants, a permis de présenter des exemples positifs et a débouché sur un certain nombre d'engagements concrets (dont nous reparlerons) grâce, notamment, à l'engagement de la rapporteuse spéciale pour les droits culturels Karima Bennoune. Cette dernière n'a pas hésité à utiliser des expressions comme "Front line cultural heritage defenders". Il faut en effet rappeler ici que de nombreuses personnes ont donné leur vie pour défendre le patrimoine culturel en Syrie, en Irak ou en Afghanistan par exemple. De nombreuses ONG ont pris la parole. Il faut ici saluer le caractère participatif et ouvert de ce séminaire onusien. Les Etats ont également pris la parole. On peut ici déplorer la faible participation étatique. Il y avait au plus une trentaine d'Etats participants sur une thématique ô combien importante. La rapporteuse spéciale a souligné le besoin d'une approche holistique (abordant toutes les régions du monde, ayant un volet éducatif mais aussi répressif, concernant les régions en conflit et celles qui ne le sont pas, etc.). Au final, il faut, a-t-elle dit, renforcer la reddition des comptes. On ne peut que lui donner raison. La Turquie n'assistait pas au séminaire. Alors qu'une cinquantaine de biens religieux assyriens vient d'être saisie en Turquie, la Turquie présente un exemple concret de destruction de biens culturels situés hors zone de conflit. Par exemple, comme le rappelait récemment le professeur Khatchig Mouradian, près du village de Digor, à 25 kilomètres au sud d'Ani, il y avait encore il y a quelques décennies de cela 5 monastères arméniens construits entre les 10ème et 13ème siècle. Aujourd'hui, après une campagne étatique de destruction, il ne reste plus qu'un monastère (en mauvais état) sur les cinq en question[1]. Des mécanismes de reddition des comptes, si jamais ils étaient renforcés, pourraient-ils s'appliquer de manière rétroactive? En attendant, il faudrait que la Turquie élabore un inventaire complet des patrimoines culturels arménien, grec, assyrien et autres, détruits ou endommagés ces dernières décennies, et il faudrait que la Turquie ratifie la convention de l'UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. De nombreux experts ont également pris la parole. Certains d'entre eux n'avaient malheureusement pas obtenu de visa et ont du intervenir par vidéo, à distance. C'était le cas notamment de Omara Khan Masoudi, ancien directeur du musée national d'Afghanistan. Il a conclu son intervention par les mots suivants: "Une nation reste en vie lorsque sa culture et son histoire reste en vie". Parmi les Etats, il convient de retenir un exemple positif et un qui l'est moins dans la région d'intervention de Hyestart malheureusement. L'exemple positif est celui de Chypre. Malgré l'échec des négociations de réunification menées à Crans-Montana sous l'égide de l'ONU, les deux co-présidents du comité technique sur le patrimoine culturel (TCCH, sous l'égide de l'ONU), un chypriote grec et un chypriote turc, ont pris la parole l'un après l'autre pour souligner combien la préservation de l'héritage culturel sur l'ile était mené en bonne intelligence par les deux communautés de part et d'autre de la ligne verte. En revanche, l'Azerbaïdjan et l'Arménie se sont livrés à une passe d'armes. Alors que l'Azerbaïdjan réclamait une condamnation plus forte des destructions culturelles dans les "zones occupées", demandant la mise en place d'un mécanisme permettant aux individus de porter plainte, l'Arménie invitait la communauté internationale à ne pas permettre l'utilisation d'un conflit en tant qu'excuse pour détruire un patrimoine culturel qui ne se trouve pas en zone de conflit, en donnant l'exemple de la destruction du cimetière de Djoulfa par l'"Etat voisin" entre 1998 et 2005[2],[3]. L'Arménie aurait peut-être pu, à la suite de l'exemplarité mise en avant par Chypre, et malgré les problèmes qu'a connu cette île en la matière, également donner l'exemple positif de la rénovation en cours (jusqu'à l'automne 2018), grâce au soutien de la fondation IDEA, de la mosquée Gohar Agha de Chouchi (Haut-Karabagh)[4]. Dans cette région meurtrie par une guerre qui menace par ailleurs de reprendre à chaque instant, on ne soulignera jamais assez l'exemple positif que cela peut, que cela doit, représenter pour la région en termes de confiance et de réconciliation. Dans un tel contexte conflictuel, des exemples de ce type devraient être plus nombreux, dans le sillage par exemple des ensembles monastiques arméniens de l'Iran inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2008. [1] Pour plus d'informations, voir www.virtualani.org/khtzkonk [2] Djoulfa était le plus cimetière de khatchars arménien (plus de 10000 datant des 16è et 17è siècles) situé dans l'exclave azérie du Nakhitchevan (en effet situé à mille lieux de la zone de conflit du haut-Karabagh). [3] Rapport de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS) sur la question: https://www.aaas.org/page/high-resolution-satellite-imagery-and-destruction-cultural-artifacts-nakhchivan-azerbaijan [4] https://www.idea.am/news/2017/06/28/idea-supports-restoration-of-upper-mosque-in-shushi/

  • La diversité culturelle comme vecteur nécessaire de dialogue

    La culture joue un rôle particulier, entre autre celui de faciliter la compréhension de certains phénomènes sociaux ou d'encourager la compréhension mutuelle. Elle permet donc d'intervenir dans plusieurs champs: langue, éducation, communication, créativité, ou encore champ socio-culturel. Elle est donc une garantie de l'existence effective des libertés et des droits de l'homme, elle contribue à renforcer la cohésion sociale et une gouvernance démocratique, ce qui explique pourquoi Hyestart en a fait son moyen d'intervention principal. Notre participation au séminaire sur les droits culturels et la protection du patrimoine culturel organisé par le haut-commissariat au droit de l'homme de l'ONU début juillet à Genève doit se comprendre dans cette perspective. Le monde est de plus en plus marqué par un fort attachement aux identités nationales, religieuses, ethniques, sociales ou culturelles, l'identité nationale jouant un rôle central pour focaliser le sentiment de communauté, ce que l'on constate dans les discours des gouvernants de la zone où se focalisent les activités de Hyestart. La mouvance des identités, culturelles ou autres, la notion "d'hybridité" ou l'agrégation d'éléments disparates qui touchent la diversification culturelle est au coeur des préoccupations de l'association afin de dépasser l'opposition entre action et institution, entre acteurs et système, de sortir des modèles clos et univoques pour l'analyse de la réalité sociale. Etudier le social ou tenter d'en faciliter la lecture au travers "d'objets culturels" revient à étudier la manière dont les institutions sont générées, reproduites ou transformées à travers l'ensemble des pratiques sociales concrètes qu'elles contiennent et qui les rendent possibles. C'est aussi mettre en évidence comment les modes matériels de domination, les réactions normatives, les systèmes de signification génèrent certaines activités sociales et des comportements individuels. La meilleure façon d'éviter ou d'alimenter la violence et les tensions sociales est de nous rappeler que notre identité est aussi diverse que nos appartenances ou nos affiliations. La reconnaissance du caractère pluriel de l'identité est une condition essentielle de l'ouverture au monde. L'illusion du communautarisme, ou l'illusion "solitariste" décrite par Amartya Sen, mobilisées par les idéologies politiques, minimisent le rôle de la raison et du choix dans la construction de l'identité individuelle et collective et affaiblissent le raisonnement social et politique des individus. La préservation de la diversité culturelle, sans devenir un absolu, est une étape essentielle à l'exercice de la liberté. Il est légitime de se demander si en dehors d'une exhortation formelle au dialogue et à l'ouverture à autrui cette diversité culturelle mise en acte n'est pas qu'une suite de prescriptions non entendues. Il n'en demeure pas moins que promouvoir la diversité culturelle, c'est promouvoir "la liberté qui est la nôtre de conserver ou de modifier nos priorités". C'est pourquoi les deux projets conduits par Hyestart sont liés à la langue, à la traduction, ainsi qu'à l'image photographique. Il s'agit dans ces projets de permettre aux artistes, en premier lieu, d'attester et ce pouvoir d'attestation pourrait se résumer à être "l'authentification" du recoupement des témoignages humains. Attester, c'est aussi donner un autre visage de la responsabilité collective, c'est se positionner. Attester, c'est aussi mémorer pour tous et pour soi. Il est donc important d'élaborer des actions qui permettent aux membres des communautés et groupes de victimes de discrimination, de violences ou de stigmatisation de participer ou d'organiser des projets pour combattre les stéréotypes culturels et sociaux. Un des vecteurs essentiels de la diversité culturelle reste la langue, sa préservation, mais également les capacités de traduction, d'où le projet de bourse de traduction V. Krikorian mis en place par Hyestart. La langue est un élément primordial de notre identité, de notre conception du monde et de ce fait la traduction a un rôle essentiel dans la promotion du dialogue interculturel et insiste sur l'idée de réciprocité, puisque l'on peut par la traduction accéder à d'autres systèmes de pensée et aux connaissances qui leur sont associées. La culture comme revendication du respect des identités et de la diversité ouvre un nouveau front politique et est l'occasion de redéfinir les enjeux de la communication, puisqu'il y a une multiplicité de réseaux culturels, professionnels ou éducatifs qui ne sont plus aussi facilement contrôlable qu'auparavant, mais sont basés sur des activités significatives et démultiplicatrices. Préserver son identité, c'est reconnaître celle de l'autre, on ne le répétera jamais assez. Valoriser les identités ne sert à rien si cela débouche sur des nationalismes communautaristes exacerbés. Permettre le pluralisme régional et ne plus voir qu'une entité telle que "Caucase du Sud" en travaillant notamment sur le pluralisme linguistique et la traduction favoriserait à la fois les productions culturelles nationales qui sont un facteur d'identité , mais offrirait aussi les moyens de comprendre l'extérieur. Le constat des différences peut favoriser l'éclosion des relations humaines.

  • Hyestart interpelle l'expert de l'ONU sur le retard persistant de l'Arménie en matière d

    5 June 2017 Information submitted to the UN SOGI Expert regarding Armenia Sadly, homophobic discourse is commonplace in Armenia, whether on television or in the spheres of power. For example, Edward Sharmazanov, one of the strongmen of the ruling Republican Party, declared himself to be openly "anti-gay" in the Aravot daily newspaper. After the Molotov cocktail attack targeting DIY, the only "open" bar of the Armenian capital in 2012, the same Sharmazanov declared that he found the attack "justified". Less than two weeks ago, the municipal authorities of Armenia’s capital ordered the removal of LGBT-themed posters from scroller billboards, which had been posted thanks to the NGO PINK Armenia. The local authorities (from the ruling Republican party) justified the removal, saying they had not been "authorised"[1]. A few days earlier, the British embassy in Yerevan raised the rainbow flag to mark IDAHOT. This led to a flurry of homophobic comments on social media. On 19 May, members of the public movement "For the Law" gathered in front of the British Embassy, demanding the resignation of the British Ambassador. The demonstrators were holding posters with slogans demanding to stop the "LGBT propaganda[2]". In fact, although homosexuality was decriminalized in 2003 (it should have been only a first step for a variety of other legislative reforms), there is still no legal protection for LGBT people whose rights are regularly violated. Many fear violence in the workplace, on the street or in their families, and do not file complaints on violations of their rights because impunity prevails. While the government failed to address hate speech or discrimination against LGBT people, limiting legal recourse for many crimes against LGBT people, the LGBT community continues to face discrimination, harassment, and physical violence. In terms of destigmatization, sociocultural inclusion, or promotion of education and empathy, no real progress can be reported. In schools for instance, "sex education is at the discretion of the school and is a voluntary service, and education on sexual diversity or sexual orientation and gender identity and expression is non existent[3]". Reports: For more, please refer to two recent reports issued in particular by Pink Armenia: Hates Crimes against LGBT People in Armenia (November 2016). http://www.pinkarmenia.org/en/2016/11/hatecrime2016/ Kissing in public in unacceptable: A study of attitudes towards LGBT people in Armenia (June 2016). http://www.pinkarmenia.org/en/2016/06/prejudice-tolerance/ Recommendations: Nine years ago, Armenia was one of the 66 nations supporting a groundbreaking UN Declaration confirming that international human rights protection included sexual orientation and gender identity. Following Armenia’s Universal Periodic Review (UPR) in early 2015, the government stated its commitment to providing effective protection against discrimination to LGBT people, combatting hate speech and training law enforcement officials in how to deal with bias-motivated crimes against LGBT people[4]. Yet, according to the ILGA Rainbow Europe Index 2016, Armenia is 47th out of 49 countries for LGBT rights (neighbours: Russia is 48th, Azerbaijan 49th, Turkey 46th, while Georgia is 30th)[5]. It is therefore high time for Armenia to live up to its international commitments by: Amending existing legislation by adding "sexual orientation" in the following articles: Article 14.1 of the Constitution, Article 3 of the Labour Code, etc. Amending the Penal Code so that hate crime and hate speech become separate offenses. Educating the general population and training civil servants on LGBT issues. Instructing the Human Rights Defender of the Republic of Armenia to cover LGBT issues and accept complaints from the LGBT community[6]. Creating a Press or Media Council, which would take action when media coverage is homophobic or incites hatred. Adopting legislation recognizing and protecting human rights defenders (HRDs)[7]; in the meantime, immediately investigate all cases of threats, take appropriate steps to protect HRDs and ensure attacks are publicly condemned. The PDF of the submission is available here: https://docs.wixstatic.com/ugd/3f77d1_6ebb0bf9ed3642998f14d47632293ff3.pdf [1] http://gayarmenia.blogspot.ch [2] http://www.eng.kavkaz-uzel.eu/articles/39440/ [3] http://www.coe.int/t/Commissioner/Source/LGBT/ArmeniaSociological_E.pdf [4] http://www.upr-info.org [5] http://www.ilga-europe.org/resources/rainbow-europe/2016 [6] http://www.ombuds.am/en/faq.html. E.g.: Ask him to include "sexual orientation" under FAQ/Who can apply to the Human Rights Defender? [7] See: http://www.ishr.ch/news/groundbreaking-model-law-recognise-and-protect-human-rights-defenders

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